Jésus a reproché à certains d’annuler le commandement de Dieu au profit de leur tradition.

(Mt 15 v 6). La majorité des Pharisiens ne voulait pas aller contre Dieu, au contraire. Mais, après la destruction du Temple et l’exil à Babylone, Israël avait cruellement réalisé combien il est dévastateur de désobéir aux lois de l’Éternel. Alors, croyant bien faire, on a voulu « entourer la Loi d’une barrière de protection » de peur qu’on ne la transgresse par mégarde. Exemple, elle interdisait diverses impuretés spirituelles (Lv 19 v 31) ou alimentaires (Lév 11) ; pensant prévenir tout risque, on a ajouté l’interdiction d’entrer chez un païen ou de manger avec lui. Mais, plus on multipliait les règles de précautions, moins l’Israélite se construisait par la parole de Dieu lui-même.

Note : cette ‘sagesse’ était un malentendu avec l’Écriture : elle dit que Dieu avait entouré Job d’une haie de protection, ou que les bergers aurait dû entourer d’une clôture la maison d’Israël (Ez 13 v 5), elle ne dit pas qu’il fallait ajouter à la loi pour la protéger (Dt 4 v 2).

 

Aujourd’hui, faisons-nous quelque chose de comparable ?

Oui, mais dans l’excès inverse. Nous ne sommes pas aux temps inter-testamentaires de vénération de la Loi. Nous ne sommes plus dans les siècles où, croyant bien faire, l’Église privilégiait les rigueurs de la Bible et comptait sur la peur autant que sur la foi pour éduquer les fidèles. Nous sommes dans une culture anthropocentrique où tout doit être agréable et « positif ». Ici j’emploie ce mot, non au sens académique (positif = posé sur du réel), mais au sens populaire (positif = stimulant, optimiste, ne contrariant pas nos intentions). Globalement, notre génération ne cherche plus à ‘protéger’ les commandements de Dieu, elle ne focalise plus sur ses exigences. Mais, croyant bien faire, elle ‘entoure’ sa parole d’un filtre « positif » pour compenser la tendance du croyant à culpabiliser ou être négatifs. Cependant, plus nous adoptons ce filtre, moins le chrétien se construit par l’Écriture telle qu’elle est.

 

Dieu n’est pas « positif », il est vivant et vrai.

On pourrait citer mille exemples. Dieu a dit à Adam et à Ève : croissez et multipliez (Gn 1), c’était beau ; il a aussi dit : le jour où tu en mangeras (du 2e arbre) tu mourras (Gn 2), c’était vrai.  Jésus a dit que la maison bâtie sur le roc résistera à la tempête, il a aussi averti que l’autre maison s’écroulera (Mt 7) ; il se voulait non pas optimiste mais salutaire.  Il a annoncé à Pierre qu’il le renierait trois fois (Mt 26), c’était lucide.  Jésus a dit aux disciples que certains recevraient leur parole (Jn 15), c’était encourageant ; il a ajouté que d’autres les persécuteraient, en quoi était-ce motivant ?  Paul écrit aux croyants qu’ils sont en Christ, c’est sublime ; il écrit aussi qu’il craint de les voir séduits (2 Co 11 v 3), est-ce constructif ?  L’ange a dit : rien n’est impossible à Dieu (Lc 1 v 37), nous aimons le prêcher ; Jésus a dit : il est impossible qu’il n’arrive pas des occasions de chute (17 v 1), de sa part même un avertissement négatif nous est bénéfique.

Si, croyant bien faire, nous ne prêchons que des extraits « positifs » de la Bible, ils deviennent des slogans qui finissent par annuler ce qu’elle dit ailleurs. Alors la foi de l’Église est modelée par des raccourcis, au lieu de l’être par la vérité. C’est par la même erreur, inversée, qu’on soulignait les rigueurs de la Bible au point de masquer ses splendeurs.

 

Jésus a manifesté la grâce et la vérité.

Dans une synagogue Jésus lit Es 61, jusqu’à : une année de grâce du Seigneur (Lc 4), et s’arrête avant la mention : un jour de rétribution de notre Dieu (Es 61 v 2). S’arrête-t-il pour nous apprendre à ne plus mentionner le jugement de Dieu ? Non, il l’annonce à travers tout l’Évangile, au futur. Mais ce jour-là, c’est la promesse de grâce qui est accomplie. De même, quand Jésus dit ne pas être envoyé pour juger le monde (Jn 3 v 17), c’est après avoir dit que sans croire on périt (v 16), et avant de dire qu’est déjà jugé celui qui ne croit pas au Fils unique de Dieu (v 19). Il a commandé aux douze d’attester que Dieu l’a désigné juge des vivants et des morts (Act 10 v 42). Nous qui prêchons ne devons pas, croyant bien faire, chatouiller agréablement les oreilles des gens (2 Tim 4 v 3) car ça les appauvrit spirituellement !

C’est autour de la notion d’amour que le dictat du « positif » est le plus fort, et le plus trompeur.  (ce sera le sujet d’un prochain article)