Kerygma est le mot grec traduit par prédication. Paul dit que Dieu sauve par la folie de la prédication (1 Co 1 v 21). Le « kérygme » n’est pas n’importe quelle prédication, mais le contenu de celle des apôtres de Jésus. Employer ce mot kérygme sert à nous rappeler d’être fidèles à un contenu qui vient de Jésus (Jn 14 v 26). L’Esprit de Dieu a fait écrire plusieurs contenus – sans doute résumés – de prédications (Act 2, 3, 4 10, 13…) pour nous apprendre ce qu’il veut inspirer dans notre évangélisation.

Dès qu’une personne s’ouvre à notre témoignage et veut écouter, elle doit entendre le « kérygme ».

Le modèle le plus complet est Act 10 v 36 à 44, comment le suivre ?

Pierre prêche l’Évangile à des païens dont certains craignent déjà Dieu, pour qu’ils soient sauvés. Les éléments de sa prédication indiquent comment parler, le moment venu, pour être fidèle au kérygme.

v 36 : Dieu a envoyé la parole aux fils d’Israël, en leur annonçant la bonne nouvelle de la paix par Jésus Christ ; c’est lui le Seigneur de tous. Dès le début, affirmer que Jésus vient de Dieu et est Parole de Dieu, que la paix de l’Évangile est la paix avec Dieu ; et que Jésus a annoncé cette bonne nouvelle dans le cadre de la foi d’Israël. Dès le début, présenter Jésus comme le Seigneur (et non comme un fidèle copain).

v 37 : Vous savez ce qui est arrivé dans toute la Judée, après avoir commencé en Galilée, à la suite du baptême que Jean a prêché… Référer l’auditeur à la réalité historique de l’Évangile.

v 38 : …comment Dieu a oint d’Esprit Saint et de puissance Jésus de Nazareth, qui allait de lieu en lieu en faisant le bien, et en guérissant tous les tyrannisés par le diable ; car Dieu était avec lui. Raconter Jésus, focaliser sur lui, sa vie et ses actes. Dire qu’il est l’Oint. Raconter que, par l’Esprit de Dieu et sa puissance, Jésus a toujours fait le bien, est allé vers tous, a guéri toute forme de maux. Bien préciser qu’il domine le mal, mentionner le diable. Redire que Dieu était avec Jésus.

v 39a : Nous sommes témoins de tout ce qu’il a fait dans le pays des Juifs et à Jérusalem. S’engager sur la véracité des faits (il y a des témoins), s’engager comme étant soi-même disciple de Jésus.

v 39b et 40a : Ils l’ont fait mourir en le pendant au bois. Dieu l’a ressuscité le troisième jour… Poser sobrement le double fait central : Jésus a été crucifié, il est ressuscité. Affirmer l’œuvre de Dieu et de Jésus, compter sur elle, plus que sur des arguments expliquant l’expiation, ou l’impensable résurrection (les explications doctrinales seront pour plus tard).

v 40b et 41 : … et lui a donné de se manifester, non à tout le peuple, mais aux témoins choisis d’avance par Dieu ; à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts. Se référer à Dieu qui a prévu des témoins du fait que la résurrection de Jésus a été corporelle.

v 42 : Et Jésus nous a commandé de prêcher au peuple et d’attester qu’il a été lui-même désigné par Dieu comme juge des vivants et des morts. Dire en toute clarté que Jésus ressuscité sera le juge final, et veut que tous le sachent (un enseignement détaillé sur le jugement sera pour plus tard).

v 43 : Tous les prophètes rendent de lui le témoignage que quiconque croit en lui reçoit par son nom le pardon des péchés. En appuyant l’annonce du pardon sur les Écritures déjà reçues en Israël, affirmer que ce pardon est la volonté de Dieu, et qu’on le reçoit de Dieu en la personne (le nom) de Jésus seul. Parler clairement du péché (qui signifie : manquer Dieu, ne pas croire Jésus, désobéir à sa loi).

v 44 : Comme Pierre prononçait encore ces mots, le Saint Esprit tomba sur tous ceux qui écoutaient la parole. Les auditeurs croient donc en Jésus avant que Pierre n’ait le temps de les appeler au repentir, mais le don de l’Esprit à ces païens atteste de leur repentance (Act 11 v 18). Laquelle fait partie du kérygme : Jésus dit de la prêcher (Lc 24 v 47, les apôtres le font, Act 2 v 38, 3 v 19, 26 v 20, etc).

De même aujourd’hui, dire au gens que devant Dieu ils doivent se repentir de leurs péchés.

 

Pierre te dira des paroles par lesquelles tu seras sauvé.

 

La nature du kérygme est d’être affirmations et faits, pas argumentation. Quand j’argumente avec une personne, je situe le débat entre ma pensée et la sienne. Quand je rapporte des faits de la vie de Jésus, l’Esprit Saint offre à la personne de se trouver face à Jésus. Certes, il y a des temps pour raisonner avec un incroyant. Mais, à Corneille, l’ange avait précisé : il te dira des paroles par lesquelles tu seras sauvé (Act 11 v 14). Ces mots clé orientent Corneille dans la direction vitale. Ils orientent aussi Pierre, qui magnifie Jésus au-dessus de tout être humain, ne cherche pas à plaire aux auditeurs, parle du jugement à venir pour souligner le besoin de pardon.

 

Le kérygme correspond au contenu des Évangiles.  

Par sa vie et ses paroles, c’est Jésus qui a donné aux apôtres le contenu de leur prédication.

– Le début des Évangiles affirme d’où vient Jésus, qui il est (Mc 1 v 1), et pourquoi il est venu.

– Le texte consacre beaucoup de place à rapporter ses actes et ses paroles, et les disciples y sont mentionnés comme ayant cru, et ayant participé à ces choses.

– La fin des Évangiles dépeint la crucifixion, dont Jésus affirme le sens. Le texte rapporte la résurrection (annoncée par Jésus) en mentionnant des témoins, puis rapporte l’ascension.

– En divers endroits, les Évangiles assurent que Jésus est Seigneur et qu’il sera le juge, que par le sang de l’alliance c’est lui qui sauve son peuple de ses péchés, et qu’il appelait ses auditeurs à la repentance.

 

Il faut prêcher Christ.

Le texte des Évangiles consiste en récits de ce que Jésus a vécu, fait et dit. Pour nous, de même, il s’agit de le présenter lui, venu de Dieu, incarné et faisant le bien, crucifié et ressuscité, sauveur et juge. Philippe, descendu dans une ville de la Samarie, y prêcha le Christ (Act 8 v 5). Dans les Actes, un rappel des faits suffisait car l’auditeur les avait soit vus soit entendus, mais de nos jours il faut sans doute les décrire davantage. Évidemment, le témoignage envers nos contemporains peut débuter de bien des manières mais, une fois qu’ils s’ouvrent, il faut leur présenter Christ.

Attention, comme les auditeurs de Pierre, les nôtres ont besoin d’être mis face à la « personne » de Jésus et non face à une « valeur », même si c’est l’amour. L’Évangile ce n’est pas qu’on aurait en soi, mensonge très ancien, un « fond divin » à faire ressortir (Jn 2 v 23-25) et le salut consisterait en cela.

 

Étonnamment le kérygme ne mentionne pas l’amour de Dieu, pourquoi ?

Pour enseigner ceux qui sont en Christ, les apôtres mentionnent beaucoup l’insondable amour de Dieu ; mais pour évangéliser juif ou grec, ils ne le mentionnent pas. À des proches, Jésus dit que Dieu a tant aimé le monde (Jn 3 v 16), mais aux foules il ne le prêche pas (cp Jn 14 v 21b). Et il n’a pas prescrit de le prêcher. Cela signifie, non que Dieu n’aime pas les gens, mais qu’il le fait en les attirant à Christ (Jn 6 v 44), pas en leur parlant d’amour. C’est pourquoi le kérygme, au lieu de ‘dire’ l’amour, le ‘dépeint’ en disant la vie de Jésus et sa croix qui le ‘prouve’. De plus, le projet de Dieu est que le kérygme soit dit par des saints qui ‘transpirent’ et ‘démontrent’ son amour.

Ce silence sur l’amour est comparable à celui de Jésus qui, venu pour être cru comme Messie, a longtemps empêché ses disciples de dire publiquement qu’il l’est. Son silence a cessé quand l’approche de la croix a écarté le malentendu concernant un messie libérateur politique.

Les non croyants croient à un amour, qu’ils conçoivent à partir d’eux-mêmes et non de Dieu, et qu’ils assimilent à l’humanisme tolérant. S’ils entendent prêcher l’amour plus que le Jésus des Évangiles, ils verront en Christ un agent – parmi d’autres – d’une religion mondiale de l’amour. Puis ils trieront dans la Bible et la prétendront compatible avec l’ensemble des spiritualités prônant « l’amour » tout en niant le péché (cp. Col 1 v 21) et le Fils unique incarné et crucifié (1 Jn 4 v 2-3).

 

Le kérygme est une annonce de grâce qui mentionne le péché et le jugement.

Jésus dit qu’il n’a pas été envoyé pour juger le monde (Jn 3 v 17), pourtant il dénonce largement le péché dans les Évangiles. Parce que le péché c’est manquer Dieu, et Jésus veut conduire à Dieu. Dans l’épisode de la femme adultère (Jn 8), il dit à la fois : je ne te condamne pas non plus, et : va et désormais ne pèche plus. C’est admirable, et c’est ce qu’il nous apprend aussi : ne pas taire le péché ni le minimiser, tout en montrant la grâce au lieu de condamner.

Dire le kérygme implique de mentionner le péché pour conduire nos amis à celui qui l’ôte. Mais notre mandat n’est ni de les convaincre de péché, ni de leur prêcher combien ils sont précieux ; car ce sont deux manières de décentrer l’Évangile. La première peut alarmer leur conscience, la seconde peut les émouvoir aux larmes, mais ce ne sont pas des paroles par lesquelles ils seront sauvés.

 

Est-ce important de retenir l’Évangile tel que les apôtres de Christ l’ont proclamé ?

Ce n’est pas important, c’est vital ! L’Évangile par lequel vous êtes sauvés, si vous le retenez dans les termes ou je vous l’ai annoncé ; autrement, vous auriez cru en vain (1 Co 15 v 2). Le retenir « dans les termes » de Paul ne signifie pas : réciter mécaniquement le kérygme, mais : avoir foi dans la vertu de la vérité. Donc, maintenir la doctrine des premiers apôtres : Christ est mort pour nos péchés (cp 1 Co 2 v 2), il est ressuscité (cp Act 4 v 2) etc.

 

Il n’y a pas à choisir entre kérygme et démonstration.

Les deux vont ensemble, d’une part prêcher Christ, sa croix, sa résurrection, la repentance, le salut et le jugement, et d’autre part honorer les consignes données lors de l’envoi des 12 ou des 70 : dites que le royaume s’est approché, guérissez les malades, chassez les démons (voir Lc 9 et 10).

En fait, une démonstration d’Esprit et de puissance (1 Co 2 v 4) sert le kérygme, plus que ne le fait une proclamation qui ne serait qu’arguments. Bien sûr le surnaturel n’est pas que miracles physiques. Il est le changement opéré en celui qui croit : en tous lieux on raconte comment vous vous êtes convertis à Dieu, en vous détournant des idoles, pour servir le Dieu vivant et vrai (1 Thess 1 v 8-9).

 

C’est le même Évangile qui d’abord appelle et qui ensuite nourrit.

Paul écrit aux saints qui sont à Rome qu’il désire leur annoncer l’Évangile (Rm 1 v 7 et 15). Car l’Évangile sauve, puis il enseigne. Qu’il s’agisse de notre appel, repentir ou salut, de notre amour, foi, ou espérance, de notre obéissance, joie, ou épreuve… c’est par l’Évangile, c’est à dire en tant que Fils de Dieu incarné, crucifié, ressuscité, que Christ nous enseigne et nous transforme.

Par contre si nous prêchons deux évangiles, un pour plaire aux perdus et ensuite un qui interpelle les croyants, les valeurs du premier tendront toujours à minorer les exigences du second.

 

En un mot.

Il ne faut pas que, se voulant accessible plutôt qu’énigmatique, notre christianisme cesse d’être « kérygmatique ».