La Bible parle inlassablement du cœur humain.  Rarement, c’est pour désigner le muscle cardiaque (2 Rois 9 v 24).  Parfois, c’est pour désigner l’élan amoureux (Gn 34 v 3 : son cœur s’attacha à Dina, il aima la jeune fille et sut parler à son cœur).  Massivement, c’est pour désigner l’homme intérieur, sa pensée autant que ses émotions, dans son rapport à soi, à autrui, et surtout à l’Éternel : Dieu juste, toi qui sondes les cœurs et les reins (Ps 7 v 10). Voulant désigner tout l’homme intérieur, la Bible associe abondamment le mot cœur à des synonymes : entrailles, âme, esprit, force, pensée, conscience, volonté, etc.  Dieu a brillé dans nos cœurs par Jésus-Christ (2 Co 4 v 6), résultat : notre homme intérieur se renouvelle de jour en jour (v 16).

 

première partie

LE CŒUR, QUI PEUT LE CONNAÎTRE ?

Parcourir la masse de versets qui mentionnent le cœur (plus de 700, sans compter les synonymes), c’est découvrir deux tonalités permanentes : à la fois Dieu encourage et Dieu avertit. Nous avons besoin de lire les deux !  Lire sans céder à une illusion humaniste où le propre du cœur serait d’être généreux. Lire sans céder à une présomption chrétienne où le cœur serait intime avec Dieu au point de ne contenir que du bien. Lus dans leur ensemble, les versets parlant du cœur enseignent à la fois de se fier à Dieu et de se défier de soi-même.

 

Garde ton cœur plus que toute garde.

Garde ton cœur plus que toute garde (litt.), car de lui viennent les sources de la vie (Prov 4 v 23). Cette exhortation est celle d’un père qui réfère son fils à Dieu : la crainte de l’Éternel est le commencement de la sagesse (1 v 7). Sur cet axe, il dit : garde mes paroles dans le fond de ton cœur (v 21), impliquant : que ton cœur soit pour toi ‘résurgence’ des paroles de Dieu.

La phrase « du cœur viennent les sources de la vie » ne signifie évidemment pas : de lui viennent notre création ou notre rédemption, mais : l’homme bon tire du bien de son bon trésor, et l’homme mauvais tire du mal de son mauvais trésor (Mt 12 v 35).  Le message de Prov 4 v 23 est de prendre garde, et non de voir notre cœur ou notre identité comme le rocher de notre foi ; le rocher c’est Dieu. Plus loin, l’auteur écrit : celui qui a confiance dans son propre cœur est un insensé (Prov 28 v 26).

 

Dieu avertit.

La Bible introduit le mot cœur par une sérieuse leçon : l’Éternel vit que toutes les pensées de leur cœur se portaient chaque jour uniquement vers le mal (Gn 6 v 5) ; et il fit venir le déluge.  Pouvons-nous reléguer cette leçon au seul passé ? Non. Notre Seigneur la prolonge : c’est du cœur que viennent les mauvaises pensées, les meurtres, les adultères, les impudicités, les vols, les faux témoignages, les calomnies (Mt 15 v 19). Il la prolonge pour des gens qui revendiquent d’honorer Dieu (v 8).  Leçon uniquement pour des hypocrites ? Non. Après que ses disciples aient prêché la bonne nouvelle et opéré des guérisons (Lc 9 v 6), après qu’ils aient entendu Jésus évoquer son sacrifice (v 44), ils discutent de savoir qui parmi eux est le plus grand (v 46), et Jésus connaissait la discussion de leur cœur (v 47).  Est-ce uniquement le cœur des disciples avant Pentecôte ? Non. Après elle, Pierre dit à Ananias : pourquoi Satan a-t-il rempli ton cœur… (Act 5 v 3). Et Paul écrit en pleurant que certains chrétiens ne pensent qu’aux choses de la terre (Phil 3 v 18-19). Aujourd’hui encore, c’est bien dans nos églises évangéliques qu’on trouve mauvaises pensées, adultères, faux témoignages, calomnies.

 

Dieu encourage.

Il a sauvé à travers le déluge, il a délivré de l’esclavage en Égypte, et donc il appelle : tu aimeras l’Éternel ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force (Dt 6 v 5). Dans le cadre de l’alliance, Dieu sollicite le cœur du membre de son peuple.  Était-ce seulement une loi impossible à observer ? Non. Si beaucoup l’ont négligée, d’autres l’ont admirablement observée (voir les Psaumes !).  En plus de solliciter le cœur, Dieu annonce une intervention en faveur du cœur : voici l’alliance que je ferai avec la maison d’Israël : je mettrai mes lois dans leur esprit, je les écrirai dans leur cœur (Jér 31 v 33, Héb 8 v 10). Et Jésus, qui accomplit cette annonce, prolonge l’appel au cœur : tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée (Mt 22 v 37).  Note : très souvent la Bible associe le mot cœur soit au mot âme soit au mot esprit (l’article suivant développera ce sujet).

Dieu considère le cœur des humains, il le vise, pour susciter la foi : il a mis dans leur cœur la pensée de l’éternité (Ecc 3 v 11). Et Jésus le vise aussi : il confirme que radicalement personne n’est bon (Lc 18 v 19) mais il honore les cœurs réceptifs à sa parole : ceux qui ont entendu la parole avec un cœur honnête et bon (Lc 8 v 15).

 

Jésus comme Moïse dit : prends garde à ton cœur.

Prends garde que ton cœur ne s’enfle, et que tu n’oublies l’Éternel (Dt 8 v 14). Aux fidèles qui attendent son retour, Jésus dit : prenez garde à vous-mêmes, de crainte que vos cœurs ne s’appesantissent par les abus du manger et du boire, et par les soucis de la vie, et que ce jour ne vienne sur vous à l’improviste (Lc 21 v 34).  Pourquoi insister encore sur la garde ? Parce que, si ripaille et souci peuvent plomber la foi, combien plus orgueil et péché le peuvent.

Les trois premiers rois d’Israël illustrent l’avertissement.  Saül. Dieu lui donna un autre cœur (avec des signes) (1 Sam 10 v 9) ; mais après sa désobéissance : ton règne ne durera point, l’Éternel s’est choisi un homme selon son cœur (13 v 14). David. Quel repentir après son péché ! ô Dieu, crée en moi un cœur pur, renouvelle en moi un esprit bien disposé (Ps 51 v 12).  Salomon. Il avait prié : accorde à ton serviteur un cœur intelligent pour discerner le bien du mal (1 Rois 3 v 9), tout le monde venait entendre la sagesse que Dieu avait mise dans son cœur (10 v 24) ; mais ses femmes détournèrent son cœur (du côté de leurs dieux) (11 v 2-3).

Note : la Bible mentionne la main de l’Éternel, rarement le cœur de Dieu ; les deux sont un langage imagé pour dire aux humains combien Dieu intervient avec un dessein. Et non pour leur dire que, comme eux, Dieu aurait un être extérieur et un être intérieur.

 

 

 

deuxième partie

MON FILS, DONNE MOI TON CŒUR

La volonté de l’homme.

Elle est synonyme de cœur (Éz 28 v 2 ou 1 Co 7 v 37). Volonté naturelle : l’enfant de Dieu naît non de la volonté de l’homme, mais de Dieu (Jn 1 v 13). Volonté mauvaise : nous vivions autrefois selon les convoitises de notre chair, accomplissant les volontés de la chair et de nos pensées (Eph 2 v 3). Reliquat de volonté mauvaise : la chair ne se soumet pas à la volonté de Dieu (Rm 8 v 7), par exemple : Diotrèphe aime à être le premier (3 Jn v 9-10).

« Le » problème que Dieu a avec nous, c’est sans doute notre volonté. Elle lui résiste.  Précisément dans le domaine religieux : ce peuple m’honore des lèvres, son cœur est éloigné de moi, la crainte qu’il a de moi n’est que précepte humain (Es 29 v 13, Mt 15 v 8-9).  Et précisément dans le domaine prophétique ; alors que l’Éternel dénonce les péchés des conducteurs d’Israël, il doit avertir le peuple : n’écoutez pas les paroles des prophètes, ils racontent les visions de leur cœur et non ce qui vient de la bouche de l’Éternel ; ils osent dire à ceux qui me méprisent : l’Éternel a dit : vous aurez la paix (Jér 23 v 16).  L’avertissement concerne aussi notre époque, où l’on présente comme prophéties tant d’inspirations issues du cœur humain et non de Dieu (cp. 2 Pi 1 v 21).

 

Éternel, incline mon cœur vers tes préceptes.

Voilà bien une prière que notre volonté doit adopter : Éternel, incline mon cœur vers tes témoignages, non vers le gain (Ps 119 v 36, cp. Mt 6 v 24). Dieu peut nous saisir puissamment : après avoir entendu (la parole de la croix), ils furent transpercés au cœur (Act 2 v 36-37). Dieu se fait entendre : mon fils, donne-moi ton cœur, et que tes yeux se plaisent dans mes voies (Prov 23 v 26). Dieu nous rend lucides : le cœur est tortueux par-dessus tout, et il est méchant : qui peut le connaître ? (Jér 17 v 9). Dieu nous délivre de notre pseudo-souveraineté : je reconnais Éternel que ce n’est pas à l’homme, quand il marche, à diriger ses pas (Jér 10 v 23).

Ainsi Dieu fait son miracle. Miracle annoncé : je vous donnerai un cœur nouveau, et je mettrai en vous un esprit nouveau (Ez 36 v 26). Miracle discret : le Seigneur lui ouvrit le cœur, pour qu’elle fût attentive à ce que disait Paul (Act 16 v 14). Miracle sublime : Dieu a envoyé dans nos cœurs l’Esprit de son Fils (Gal 4 v 6). Miracle qui perdure : que Christ habite dans vos cœurs par la foi (Eph 3 v 17), et : qu’il illumine les yeux de votre cœur (Eph 1 v 18). Miracle pratique : que le Seigneur dirige vos cœurs vers l’amour de Dieu et vers la patience de Christ (2 Th 3 v 5).  Toute l’Écriture atteste combien Dieu veille à incliner le cœur des fidèles ! Quel écho il avait mis en David : mon cœur dit de ta part : cherchez ma face ! je cherche ta face, ô Éternel (Ps 27 v 8) !

 

Dieu éprouve les cœurs.

Souviens-toi de tout le chemin que l’Éternel, ton Dieu, t’a fait faire pendant ces quarante années dans le désert, afin de t’humilier et de t’éprouver, pour savoir quelles étaient les dispositions de ton cœur (Dt 8 v 2). Dieu sait que notre cœur est tortueux, s’il nous éprouve c’est pour que nous aussi le sachions et que – devenus humbles – nous ne soyons plus dans l’illusion.  Mais si, prétendant connaître notre cœur, nous nions que l’épreuve vient de Dieu, nous aurons bien des surprises.

Dieu encourage !  Dans l’abondance des fautes de son peuple, il distingue entre détermination au mal et faiblesse. Entre : ces hommes-là portent leurs idoles dans leur cœur (Éz 14 v 3), et : quelle faiblesse de cœur tu as eue (Éz 16 v 30).  Il ne faut pas que le chrétien faible se haïsse comme s’il était pervers, ni que le chrétien dévoyé se dédouane en invoquant la faiblesse. Envers ceux qui pèchent mais en sont les premiers malheureux, Dieu compatit afin de ranimer les esprits humiliés, les cœurs opprimés ; je ne veux pas garder une éternelle indignation quand devant moi tombent en défaillance les esprits, les êtres que j’ai faits (Es 57 v 15-16).

C’est pourquoi, une fois l’expiation accomplie par Christ, voici la règle pour nous : il est bon que le cœur soit affermi par la grâce (Héb 13 v 9). Sous elle, nous pouvons prier : enseigne-nous, afin que nous conduisions notre cœur avec sagesse (Ps 90 v 12).

 

Conclusion.

De nos cœurs la Bible dit beaucoup !  Soit qu’ils oublient Dieu, se détournent, sont incrédules, durs, impénitents, incirconcis, et qu’ils s’égarent, s’enflent, s’endurcissent, s’appesantissent, etc.  Soit qu’ils croient Dieu, l’aiment, le craignent, reviennent, s’épanchent devant lui, le louent, s’affermissent, s’élargissent, et qu’ils sont bien disposés, contrits, droits, purs, circoncis, etc.

Cette différence entre cœur méchant et cœur bon, la Bible ne dit jamais qu’elle viendrait de deux parties distinctes du cœur, mais du fait que soit il suit ses propres voies soit il se donne à Dieu. Quant à la lutte entre penchant mauvais et penchant bon dans un même individu, la Bible l’explique par deux effets simultanés : celui de la rupture et celui de l’appel divin.

Si l’amour de Dieu est versé dans nos cœurs par le Saint Esprit (Rm 5 v 5), c’est justement parce que d’eux-mêmes ils sont étrangers à un tel amour.

 

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