Une chose importante à saisir concernant la louange, c’est qu’elle est par essence de la prière. Louer Dieu est inclus dans prier c’est à dire s’adresser à Dieu, ou plutôt répondre à Dieu. Dans la Bible, prier prend plusieurs formes : confesser, s’épancher, demander, remercier… et le mot louange n’a pas le sens exclusif de chant et musique. La Bible ne distingue guère entre la louange de l’AT et celle du NT.

 

Un cri d’admiration envers Dieu.

En hébreu, louer (hillél) c’est laisser échapper un cri admiratif : que tes œuvres sont grandes ô Éternel, que tes pensées sont profondes ! (Ps 92 v 5), tes œuvres sont admirables, et mon âme le reconnaît bien (Ps 139 v 14). Partout le texte biblique entremêle deux motifs de cri : Dieu est le créateur, et Dieu est le sauveur. Cri et cantique sont d’abord autour du trône : tu es digne, notre Seigneur et notre Dieu, de recevoir gloire, honneur et puissance, car tu as créé toutes choses et c’est par ta volonté qu’elles existent (Ap 4 v 11), et : tu es digne… car tu as été immolé et tu as racheté pour Dieu par ton sang, des hommes (5 v 9). En grec, louer (ainéo) c’est faire l’éloge de Dieu, ce qui est forcément une chose infiniment large ! C’est pourquoi, dans l’Écriture, le verbe louer a de nombreux similaires : célébrer, publier, glorifier, acclamer, bénir, rendre grâce.

C’est Dieu qui est loué. Dans toute la Bible, un seul lui est associé comme objet de louange : le Fils. L’Esprit Saint a fait écrire que la louange va à celui qui est assis sur le trône et à l’Agneau (Ap 5 v 13), il n’a pas fait écrire qu’elle va à lui, l’Esprit. Lui est devant le trône (Ap 4 v 5), il inspire nos prières incluant nos louanges, il les oriente vers le Dieu créateur sauveur et le Crucifié qui a expié nos péchés.

 

Selon la Bible, la louange va avec la crainte de l’Éternel.

Les Psaumes le disent environ 50 fois (Ps 2 v 11). Les Écritures montrent une louange globalement joyeuse et, en même temps, empreinte d’une profonde crainte de l’Éternel. C’est à dire, non une peur de Dieu, mais une profonde conscience de la disproportion vitale qui existe entre lui et sa créature, en terme de grandeur et bonté, puissance et sainteté : l’Éternel est grand et très digne de louange, sa grandeur est insondable (Ps 145 v 3). Lui, et non l’homme, habite la lumière inaccessible et possède l’immortalité (1 Tim 6 v 16) ; lui a tout créé, chose impossible à l’homme ; lui sauve, chose impossible à l’homme. La loi enseigne cette disproportion : lui est ta louange (litt.), lui est ton Dieu, qui a fait pour toi ces choses grandes et terribles que tes yeux ont vues (Dt 10 v 21). C’est la crainte de l’Éternel qui fonde l’idée biblique que la louange est due à Dieu, sans autre motif que sa personne (Ps 5 v 8). C’est l’exact opposé de l’impiété : ils ne l’ont pas glorifié comme Dieu et ne lui ont pas rendu grâce (Rm 1). Mais en son peuple, son enseignement a produit ce cri : que tout ce qui respire loue l’Éternel (Ps 150).

 

Il est beau de louer l’Éternel.

(Ps 92) C’est aussi la crainte de l’Éternel qui fonde l’idée biblique que louer Dieu est le sens même de notre vie d’élus : comme la place d’un oiseau est dans les airs, notre place est dans l’admirable lumière de Dieu. Eph 1, qui bénit sublimement le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ, dit trois fois qu’il nous a adoptés et scellés pour célébrer la gloire de sa grâce (v 6, 12, 14). Au long de l’histoire d’Israël, ceux qui ont craint l’Éternel ont développé un élan de louange : je bénirai l’Éternel en tout temps, sa louange sera continuellement dans ma bouche (Ps 34 v 1). Et aussi un élan à stimuler leurs frères : le mot alléluia ne signifie pas « youpi ! » mais « louez Yahvé ! » (hébreu halélouyah). Ce cri « alléluia » est une exhortation répétée depuis des millénaires, une invitation mutuelle à louer le Créateur Sauveur : que chaque génération célèbre tes œuvres et publie tes hauts faits (Ps 145 v 4).

Admirer Dieu est une chose que nous développons insuffisamment ! Et, nous devrions moins accorder notre admiration aux idoles du monde : héros politiques, stars, leaders d’entreprises, etc. Réflexion : quand nous parlons de la planète en disant ‘la nature’ et hésitons à dire ‘la création’, nous pratiquons une anti louange.

 

En sacrifice à Dieu, offre la reconnaissance.

(Ps 50 v 14, 23) La Bible montre que la reconnaissance due au Créateur s’intensifie quand il se fait Libérateur. Par exemple, sitôt la mer rouge franchie par Israël, les cris d’admiration deviennent un cantique de gratitude envers le Dieu des délivrances : l’Éternel est ma force et l’objet de mon chant, c’est lui qui m’a sauvé (Exd 15 v 2), qui est comme toi, magnifique en sainteté, terrible et digne de louanges, opérant des merveilles (v 11). À travers l’Écriture, le cri d’admiration et de gratitude envers l’Éternel, est aussi cri de joie. Joie pour ses œuvres : tu me réjouis par tes œuvres, ô Éternel, et je chante avec allégresse l’ouvrage de tes mains (Ps 92 v 5). Et joie de son salut : nous crierons de joie à cause de ton salut (Ps 20 v 6). Les auteurs bibliques qui se réjouissent du salut (que je redise toutes tes louanges et me réjouisse de ton salut, Ps 9 v 14-15), se réjouissent en fait de Dieu lui-même (Éternel, je me réjouirai en toi, v 2). Il est le vrai sens et le sommet de la joie, dans le NT aussi : réjouissez-vous dans le Seigneur (Phil 4).

C’est par lui que les Psaumes (le grec psallô traduit l’hébreu zamér : chanter avec un instrument) sont des prières inspirées devenues partie de l’Écriture. Jésus les cite comme parole de Dieu. C’est en tant que paroles de Dieu qu’ils peuvent alimenter notre louange et nous maintenir remplis d’Esprit Saint (Eph 5).

 

 

La louange n’est pas une ‘méthode’ pour prospérer ou se sentir vibrer.

Fais de l’Éternel tes délices, et il te donnera ce que ton cœur désire (Ps 37 v 4). Voir en ce verset une recette (l’Éternel serait le moyen et mon désir le but) c’est manquer le message récurent : mon plaisir est en l’Éternel lui-même (Ps 73 v 25), mes délices en ses prescriptions (Ps 119 v 16). Il n’est écrit nulle part : mes délices c’est la louange. L’idée de « puissance de la louange » est partiellement biblique car bénir Dieu – pour lui-même – est suivi d’un retour de grâce sur celui qui loue ! Mais l’idée se pervertit quand louer Dieu est vu comme ‘un moyen’ de réussir la vie ou le ministère. La vraie louange est un ‘élan’ vers Dieu, et ne doit pas être détournée en ‘clé’ du succès (en Ap 3, la clé de David n’est pas la louange mais l’autorité royale que Christ a pour ouvrir le salut ou pas). Louer Dieu n’est pas un procédé pour le faire venir quelque part ; avec une telle idée, on tord par exemple le verset : tu sièges au milieu des louanges d’Israël (Ps 22), qui selon l’ensemble de la Bible signifie : ton règne suscite la louange des tiens.

Il y a dans la Loi une prescription très instructive : une fois entré dans le pays et après trois années d’interdit sur les fruits du pays (Lv 19 v 24), Israël devait la quatrième année consacrer à Dieu tout leur fruit comme chose sainte à la louange de l’Éternel (v 24), et n’en manger qu’à partir de la cinquième année (v 25). Si même un fruit ou un légume – qui pourtant nous nourrissent – ne sont pas d’abord pour nous mais pour la gloire de Dieu, combien nos temps de louange – qui pourtant nous édifient – ne sont pas d’abord pour nous sentir mieux mais pour faire l’éloge de Dieu.

 

La louange a pour cadre l’alliance établie par Dieu.

Le livre des Psaumes n’est pas introduit par : mon cœur est prêt, ô Dieu (Ps 108), mais par : heureux qui trouve son plaisir dans la loi de l’Éternel, et la médite jour et nuit (Ps 1) c’est à dire prononce les termes de son alliance. Si la louange existe, c’est en réponse à Dieu, à son nom, sa bonté, son élection, sa création, ses délivrances, son commandement, ses promesses, son salut… La louange magnifie son alliance : ils chantent le cantique de Moïse serviteur de Dieu et le cantique de l’Agneau (Ap 15 v 3), en effet Moïse et Jésus sont les deux seuls que l’Écriture qualifie de médiateurs d’une alliance. Les termes de l’alliance déterminent les termes de la louange. Dans l’AT les Psaumes sont enracinés dans le Pentateuque (cf Ps 78) c’est à dire font résonner ce qui était écrit. Dans le NT quand la louange dit : à celui qui nous aime et qui nous a délié de nos péchés par son sang, à lui la gloire (Ap 1), elle reprend les mots du Médiateur : mon sang répandu pour le pardon des péchés (Mt 26).

 

L’apport de David a été d’amplifier la pratique de la louange, particulièrement musicale.

Bien avant David, ceux qui marchaient avec l’Éternel l’ont prié, et donc loué, en paroles et aussi en chants. David n’a pas changé la nature ni le contenu de la louange à Dieu, il en a seulement organisé une nouvelle ampleur. La Loi prescrivait d’aimer l’Éternel de tout son cœur mais (hormis les sacrifices de communion) ne réglementait pas l’expression de la reconnaissance. Dieu laissait une souplesse que David a discerné, il a donc établit un tournus de chantres, non pour remplacer le culte selon la loi mais pour le soutenir, en célébrant le Dieu de la loi.

1 Chroniques précise : David établit des Lévites (assistants des sacrificateurs) pour diriger le chant, dès que l’arche eut un lieuau service du chant devant le tabernacle (6 v 16-17). Jour et nuit (9 v 33). Il plaça devant l’arche de l’Éternel ceux des lévites dont le service était d’invoquer, de célébrer et de louer l’Éternel (16 v 4). Quatre mille lévites pour louer l’Éternel avec les instruments (23 v 5). À tour de rôle, ces chantres étaient positionnés devant le tabernacle – qui matérialise l’alliance -, tournés vers Dieu non vers les Israélites présents à certaines occasions seulement (ce ne sont pas des concerts que David a institués). Cette louange était d’abord pour l’Éternel, en complément elle nourrissait en Israël une tonalité de reconnaissance et de joie. C’est cela qui reste un modèle pour l’Église.

 

Conclusion.

La louange est rendue à Dieu par les séraphins, les anges ; elle lui est aussi due par les hommes, elle est par son Esprit. La louange est sainte parce qu’elle est à Dieu ; elle doit plaire à Dieu, pas à nous. C’est méconnaître cette sainteté que de nous poser en critère : ici la louange me convient, là elle me déçoit. Non pas à nous, Éternel, non pas à nous, mais à ton nom donne gloire (Ps 115). La valeur de la louange n’est pas que je me régale de chanter, mais que j’admire l’Éternel.

 

Cet article propose une suite : Comment le NT parle-t-il de la louange ?

Réflexion connexe : la Bible ne confond pas louer et adorer,  voir : Être adorateurs de Yahvé.