Loin d’être une étude complète, cet article observera comment Dieu a introduit le mot miracle dans la Bible. Puis relèvera trois mots du NT qui donnent un bon aperçu de ce que disent les miracles.
première partie
COMMENT APPARAÎT LE MOT MIRACLE DANS LA BIBLE
Au commencement, Dieu.
Au commencement, Dieu fit les cieux et la terre (Gn 1 v 1). Quand la Genèse rapporte que Dieu fait, avec son Esprit (v 2), et qu’il dit, (v 3), et qu’il insuffle un souffle de vie (2 v 7), et plus tard qu’il ferme la porte de l’arche (7 v 16), le texte ne qualifie pas cela de miraculeux. Parce que Genèse présente Dieu dans sa réalité, et non la manière dont – bien après la rupture – les hommes trouveront ‘surnaturel’ ce qui surpasse les ‘lois’ physiques. (ce n’est pas un hasard si le mot surnaturel est absent de la Bible)
La Genèse précise que Dieu fait par sa parole. Dieu dit : que la lumière soit, et la lumière fut (v 3), Dieu dit : qu’il y ait une étendue entre les eaux (v 6), etc. Aussitôt l’homme et la femme créés, Dieu les bénit, il parle (Gn 1 v 28). Il leur parle de multiplier, et de leur nourriture, et de celle des animaux. Il parle de l’arbre défendu, il parle de ne pas être seul. Dieu les a créés non séparés de lui, capables de l’entendre. Quand ils causent la rupture, Dieu appelle et leur parle (Gn 3 v 9), de ce qu’ils ont fait, et des sanctions, et de ce que lui fera par grâce (Gn 3 v 15b). Même à Caïn meurtrier de son frère, Dieu parle, avant le crime et après (Gn 4 v 6 et 9). Tout le rapport des hommes à Dieu passe par la parole de Dieu que, pendant un temps encore, ils restent capables d’entendre.
Parole de Dieu, et miracles.
Du fait que la méchanceté de l’homme est grande sur la terre ; et que chaque jour son cœur ne conçoit que des pensées mauvaises (Gn 6 v 5), il finit par se rendre sourd à la parole de Dieu. Toutefois l’Éternel parle à Noé puis, pendant au moins un millénaire, à personne (selon le texte biblique). Puis, dans l’humanité qui ne l’entend plus, l’Éternel dit à Abram… (Gn 12 v 1). Il parle et se manifeste : élection, appel, apparition, alliance, promesse, naissance d’Isaac. Des siècles après, l’Éternel parle à Moïse, précisant qu’il lui parle de vive voix (Nbr 12 v 8) ce qui ne sera pas le cas pour les prophètes ultérieurs (v 6).
À Moïse Dieu mentionne les miracles, pour la première fois de la Bible. C’est donc l’Éternel qui introduit le mot prodige : je frapperai l’Égypte par toutes sortes de prodiges (Exd 3 v 20). Les dix plaies vont signaler au Pharaon que l’Éternel intervient et juge le pays ; mais, avant cela, ils signalent à Israël que le Dieu de leur père Abraham connaît leurs douleurs et descend pour les délivrer de l’oppresseur (v 6 à 8), par compassion et fidélité à l’alliance. L’Éternel introduit aussi le mot signe, concernant le bâton de Moïse devenu serpent puis redevenu bâton (Exd 4 v 4), et concernant sa main devenue lépreuse puis redevenue saine (v 6) : si les Israélites n’écoutent pas la voix du premier signe, ils croiront à ce dernier signe (v 8). Par ce mot, Dieu indique le but : c’est afin que les Israélites croient que l’Éternel, le Dieu de leurs pères, t’est apparu (v 5). D’évidence, Dieu introduit le mot miracle en rapport avec la réalité du mal (oppression, serpent, lèpre…), et avec la puissance de Dieu sur les effets du mal ; le mal qui rend sourd à sa parole.
La voix des signes, et « la parole envoyée ».
S’ils n’écoutent pas la voix (litt.) du premier signe… Dans le texte hébreu, l’Éternel dit bien : voix. Il enseigne à Moïse et Israël que le signe dit quelque chose ! Pourquoi faut-il cette voix-là ? Elle vient en secours à la surdité spirituelle. Que dit cette voix ? Elle signale Dieu ! Quand la main de Moïse est instantanément guérie de sa lèpre, ce fait-là pointe vers le Créateur qui forma l’homme de la poussière du sol (Gn 2 v 7). Quand les prodiges frapperont l’Égypte, ils signaleront Dieu comme le Très-haut, et le signaleront à Israël comme le sauveur. Dans le monde physique, les prodiges et signes de Dieu servent la parole de Dieu (et non la remplacent !). Toute la Bible fait le lien entre les miracles de Dieu et sa parole. Note : étant ‘exceptions ponctuelles’ aux lois de la création, prodiges et signes indiquent à la fois que Dieu domine ces lois et qu’il ne les abolit pas (mais les soutient, Héb 1 v 3).
Après quatre siècles de silence entre AT et NT, Dieu a envoyé la parole aux fils d’Israël (Act 10 v 36). Par ces mots, Pierre dit que la parole a été faite chair (Jn 1 v 14) ; le miracle central, c’est l’incarnation de Jésus ! Envoyé dans l’humanité sourde à Dieu, c’est par sa parole que Christ guérit le lépreux, ressuscite un mort, calme la tempête… Jésus dit au paralytique : je te le dis (litt.), lève-toi, prends ton lit et va dans ta maison ; à l’instant il se leva (Mc 2 v 11). Avec Jésus, plus que jamais, le miracle sert la parole de vie. Ainsi Pierre, qui aurait pu s’écrier : à qui irions-nous ? tu fais tant de miracles, répond : Seigneur, à qui irions-nous ? tu as les paroles de la vie éternelle (Jn 6 v 68) ; paroles que ses miracles soulignent. Et Paul, au lieu d’écrire : la foi vient des miracles, écrit : la foi vient de ce qu’on entend de la parole de Christ (Rm 10 v 17) ; parole que les miracles servent.
Le mot miracle signifie : chose étonnante.
Parce que la rupture a voilé Dieu aux hommes, son intervention qui au début leur était évidente, leur apparaît maintenant comme étonnante (contre Gn 18 v 14 : y a-t-il rien d’étonnant de la part de l’Éternel, idem Jér 32 v 17, 27). En hébreu, miracle = action étonnante et redoutable (pèlè) ; prodige, puissance, signe ; puis = chose belle, merveille (Ps 77 v 12-13). En grec, miracles = choses étonnantes, merveilleuses (thaumasia). (note : le latin mirari signifie s’étonner)
Le fait que Dieu introduise le mot miracle dans la Bible montre combien il comprend les hommes dans leur ignorance de lui. Et le fait qu’il opère des miracles montre la même chose.
deuxième partie
QUE DISENT LES MIRACLES DIVINS ?
Davantage que par thaumasia, le NT désigne le miracle par trois mots : prodige (térata), acte de puissance (dynameis), signe (sèmeia) ; parfois les trois ensemble (ex : Act 2 v 22). Ce ne sont pas trois types de miracles mais plutôt trois manières de considérer un même miracle. 1. réaliser : c’est Dieu ! 2. confesser : il a fait ça ! 3. se demander : pourquoi ?
Prodige.
Ce mot dit qu’un miracle est vu comme extraordinaire ou effrayant. Pas juste en cas de jugement, mais par un choc devant la supériorité de Dieu. Ainsi, à la vue de l’ange dans le tombeau vide, les deux Marie furent épouvantées (Mc 16 v 5), tremblantes et hors d’elles-mêmes (v 8). À la Pentecôte, Pierre cite Dieu : je ferai des prodiges en haut dans le ciel, et des signes en bas sur la terre … le soleil se changera en ténèbres et la lune en sang, avant que vienne le jour du Seigneur (Act 2 v 19, Joël dit : jour redoutable). À l’être humain qui est poussière et retournera à la poussière (Gn 3 v 19) le prodige crie la ‘distance’ entre lui et Dieu (ensuite seulement il y verra un signe du salut). Car le prodige provoque l’interrogation : ce que je vois ici, qui le fait ? Ainsi, même les magiciens d’Égypte sont forcés de reconnaître : c’est le doigt de Dieu ! (Exd 8 v 15).
Note : le fait que ces magiciens aient pu imiter Moïse jusqu’à un certain point, le fait que selon Jésus de faux christs opéreront des prodiges (Mt 24 v 24), et que selon Paul ce sera par la puissance de Satan (2 Th 2 v 9), ça ne pose pas question dans la Bible. Parce que c’est la Bible de Dieu, seul vrai roi.
(Actes de) puissance.
L’expression traduit dynameis (puissance) quand le contexte montre un miracle. L’accent est alors mis sur l’acte lui-même, acte du Tout-Puissant. Acte au profit d’un homme ou du peuple entier : à Dieu tout est possible. Ainsi, quand Jésus calme la tempête sur le lac (Mc 4 v 39) c’est, envers les disciples dans la barque un puissant bienfait, qui met fin à un danger de mort. Bienfait qui ensuite les interpelle sur la vrai nature de Jésus : quel est donc celui-ci, car même le vent et la mer lui obéissent (v 41). Comme dans l’Exode, bien des miracles dans l’Évangile servent à libérer quelqu’un des conséquences du mal (mort, maladie, démonisation…). D’autres servent plus simplement : quand Jésus multiplie les pains (Mc 8 v 6), c’est pour que les gens ne défaillent pas en chemin (v 3). C’est un bienfait qui rassasie les estomacs (v 8), non qui prouve sa divinité. Cependant, après cette seconde multiplication, Jésus montre aux disciples qu’elle aurait dû affecter les yeux et oreilles de leur cœur endurci, pour qu’ils écoutent mieux ses paroles (v 14 à 21).
Ainsi l’acte de puissance mène à confesser : Dieu l’a fait ! Certes, un acte divin de puissance ne contraint pas les hommes à croire, mais ça les interpelle. Dans Jean, le commencement des signes que fit Jésus est un bienfait non vital, l’eau changée en vin (Jn 2 v 11a), mais ça appelle la foi : il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui (v 11b).
Signe.
Dans le NT c’est le mot le plus fréquent, car il dit le but du miracle. En français on relève qu’un signe signale quelque chose. En grec, l’idée est proche : un sèmeia (signe visible) indique et fait connaître une chose invisible, le salut. Ainsi, quand Jésus guérit le paralytique amené par quatre amis, il dit : afin que vous sachiez que le Fils de l’homme a sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés : je te le dis, lève-toi (Mc 2 v 10). La guérison, belle bonté envers cet homme, signale une plus ultime bonté : le pardon des péchés. Il n’est pas rare que, avant ou après un miracle, Jésus exprime de quoi c’est le signe (ex : Mt 12 v 12, 16 v 9, 21 v 21 ; Lc 13 v 16 ; Jn 5 v 14, 9 v 1 et 39, 11 v 42). Dans toute la Bible, par les miracles, Dieu fait signe aux hommes pour les rendre attentifs à sa parole de salut. Afin qu’ils s’interrogent : que dit ce miracle, pourquoi Dieu l’a-t-il fait ?
Il l’a fait pour aider à entendre l’enjeu final : vie éternelle ou perdition ? Avoir besoin de cette aide n’est pas forcément puéril (Jn 4 v 48), car Jésus lui-même présente ses miracles comme aide à croire sa parole : croyez-moi … sinon, croyez à cause de ces œuvres (Jn 14 v 11). Ainsi, dans le NT, la quasi totalité des miracles bénéficient aux non sauvés, afin qu’ils croient. Dieu les accorde dans le cadre de l’évangélisation : les miracles restent liés aux paroles de la vie éternelle. En cela, ils bénéficient aussi aux chrétiens (Gal 3 v 5).
Pour conclure, un miracle indique Dieu et sa parole.
Les signes, introduits par Dieu pour secourir la surdité envers lui, n’ont pas cessé dans le NT (ni dans l’Histoire de l’Église) après la résurrection de Christ, bien qu’en lui la réconciliation soit accomplie. Envers ceux qu’il appelle du monde, Dieu prolonge le même secours. Secours aussi envers son Église facilement incrédule. Elle ne doit pas, éludant la dimension prodige et acte de puissance, réduire les miracles à des allégories du salut céleste. Elle ne doit pas non plus, éludant la fonction de signe, espérer que le miraculeux efface ici-bas toutes les conséquences de la rupture.
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