Une fois sauvés et aimés par Christ, nous découvrons que son amour reste premier, gratuit, non mérité ; et qu’aucun de nous n’a fini d’apprendre à le recevoir (Eph 3 v 18-19).
Aimé par Jésus, et déçu.
Lire Mc 10 v 17 à 23. Comme Jésus se mettait en chemin un homme accourut et, se jetant à genoux devant lui, lui demanda : bon Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? Peu de gens sont venus à Jésus avec autant d’empressement, de sincère déférence, et préoccupés par ce qui est la volonté même de Dieu : donner la vie éternelle (Jn 6 v 40). Jésus, l’ayant regardé, l’aima. Or l’homme repart sans voir dans cet amour la clé de ce qu’il cherche. Pourquoi ?
La raison se devine dans les paroles que Jésus lui dit.
Pourquoi m’appelles-tu bon, personne n’est bon si ce n’est Dieu seul : le jeune homme, bien que sans vanité, semble penser que le salut résulte de la bonté des croyants devant Dieu, et semble considérer Jésus comme l’un d’eux.
Tu connais les commandements… ici, Jésus ne cite pas celui d’aimer l’Éternel, mais ceux qui prescrivent un comportement honnête et bon : le jeune homme répond, sans mentir, qu’il les a tous gardés dès sa jeunesse. Jésus, l’ayant regardé, l’aima.
Il te manque une chose, va, vends tout ce que tu as… : le jeune homme s’assombrit à ces mots et s’en va tout triste, car il a de grand biens (lesquels pouvaient indiquer une approbation de Dieu sur quelqu’un).
Difficile de se laisser aimer, quand on attend la solution ailleurs.
La demande du jeune homme concernant la vie éternelle indique une intuition : « mon mérite ne suffit sans doute pas ». Or c’est justement son mérite qui l’empêche de voir l’amour de Jésus comme la clé. Il reste sur la clé qu’il a déjà : sa propre bonté, sa propre fidélité, et ses biens mérités. Certes il a été élevé ainsi, selon les Écritures… pas tout à fait selon elles, car elles magnifiaient amplement l’amour de l’Éternel pour son peuple, et sa grâce patiente. Ne voyant pas l’amour de l’Éternel dans celui de Jésus, le jeune homme rate le privilège final : Puis viens, et suis-moi.
Car il a de grands biens. Quand ensuite Jésus précise aux auditeurs : il est difficile à ceux qui ont des biens d’entrer dans le royaume de Dieu, il parle d’un obstacle à première vue matériel mais qui en réalité est spirituel : on ne reçoit pas bien l’amour de Dieu quand, pour être approuvé de lui, on place son espoir dans ce qu’on a réussi (même si ce n’est pas au point d’être serviteur de Mammon, Mt 6 v 24).
Barnabas.
Une tradition ancienne suggère que ce jeune homme serait celui qui, plus tard, fut appelé Barnabas : disciple généreux, consolant (Act 4) et bon (Act 11). On ne sait pas si c’est lui. Mais ce qu’on sait, c’est que quiconque se laisse pleinement aimer par Jésus, sera affranchi des espoirs palliatifs. Il verra son âme guérir progressivement et sera rendu par Dieu remarquablement bon et fidèle. L’amour de Dieu fera pour lui ce que l’énergie de la lumière fait pour un arbre : par la photosynthèse, elle le nourrit et le fait croître.
Qu’est-ce qui réduit ma réception de l’amour de Dieu ?
Par exemple, ça peut être un reste d’inaptitude à croire un amour désintéressé, ou même une tendance – quasi inconsciente – de boycotter Dieu à cause de ce que j’ai souffert.
Autre exemple, ça peut être le sentiment de ne pas mériter du tout l’amour que Dieu a prouvé par la croix de son Fils. Ce sentiment est sain quand il pousse au repentir et à la foi reconnaissante, mais il est malsain quand il pousse à se fermer.
Ces exemples, comme celui du jeune homme en Mc 10 et d’autres personnages dans la Bible, ont en commun un paradoxe très instructif : ce n’est pas en me centrant sur moi – que ce soit sur ma misère ou sur ma valeur – que je reçois mieux l’amour de Dieu, au contraire.
Car si Dieu m’aime, ce n’est pas pour lui un devoir de secouriste envers ma misère, mais c’est sa tendresse accordée en son Fils. D’autre part, ce n’est pas une romance sentimentale, mais un sacrifice sanglant me rachetant de la perdition, et une adoption me faisant place autour de son Fils.
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