De même que signer un courrier en valide le contenu, prier montre que croire Dieu est devenu réel (comp. Rm 10 v 10). Quand il y a foi, prier est une évidence comme l’est la respiration. Parfois prier est difficile, comme respirer dans un nuage de poussière.  Si donc on veut réfléchir à ce qui fait qu’on prie, il faut aussi réfléchir – un peu – à ce qui fait qu’on ne prie pas.  (je dédie cet article à ma petite-fille qui est l’auteur du titre)

 

Que nous apprend la première mention de la prière dans la Bible ?

Avant la rupture, Adam et Ève avaient connu Dieu de près !  Quand nous lisons la suite nous pouvons nous étonner de voir que pendant longtemps (235 ans, selon Gn 5 v 3-6) personne n’a prié. Puis vient la naissance d’Enosch, fils de Seth, fils d’Adam, et nous lisons : c’est alors que l’on commença à invoquer le nom de l’Éternel (Gn 4 v 26).  Le texte de Gn 4 contient des éléments qui suggèrent pourquoi jusque-là on ne priait pas.

De la vie d’Adam et Ève hors du jardin, Gn 4 ne rapporte rien, ni la peine ni les péchés.  Il rapporte seulement que pour la naissance de Caïn, Ève avait dit : j’ai acquis un homme avec l’Éternel (Gn 4 v 1), et pour la naissance de Seth elle dit : l’Éternel a donné une autre descendance, à la place d’Abel que Caïn a tué (Gn 4 v 25).  Ce contraste entre ‘j’ai acquis’ et ‘l’Éternel a donné’ doit avoir du sens, puisque c’est le seul détail écrit concernant Adam et Ève. Or, juste après ce contraste, le texte saute à la naissance du fils de ce Seth (v 26) et situe là un commencement de la prière.

 

Quel rapport entre ce contraste et la prière ?

Quand Ève dit : j’ai acquis un homme avec l’Éternel, elle semble bien soustraire Adam (est-ce de l’arrogance, une animosité dans le couple, la lâcheté d’Adam : c’est la femme que tu as mise auprès de moi qui m’a donné de l’arbre, Gn 3 v 12) ?  Mais quand Ève dit : l’Éternel a donné, elle est plus humble, marquée d’avoir souffert par le fils qui fut son orgueil. Le texte suggère que ces mots « l’Éternel a donné » sont la clé du surgissement de la prière. Pas encore chez Ève, profondément traumatisée (elle ne mentionne toujours pas Adam), mais plus tard quand Seth aura lui-même un fils.  Ce délai montre à la fois combien le péché handicape l’élan vers Dieu, et combien Dieu est patient.

Nous aussi, devenus enfants de Dieu, nous restons descendance d’Adam et Ève. Avec des cicatrices et un reliquat de tendance au mal. Le NT dit : vous êtes charnels (par jalousies et discordes, 1 Co 3 v 3). Ainsi, pour écrire : aimons-nous les uns les autres (1 Jn 3 v 11), Jean précise : ne faisons pas comme Caïn (v 12, comp. v 15).  Lumière encore sur Gn 4, le NT signale que se déprécier mutuellement entre croyants étouffera la prière ; particulièrement si des maris déprécient leurs épouses : honorez-les comme cohéritières de la vie, afin que rien ne fasse obstacle à vos prières (1 Pi 3 v 7).

 

Prier répond à Dieu.

Plus que parler à Dieu comme on peut, prier c’est répondre à Dieu. C’est donner suite à ce qu’il fait et dit !  Voilà la grande leçon de Gn 4 : la prière n’a pas surgi de ce que Ève a vécu et souffert, mais de ce que Dieu a fait ; il a donné. Ça n’a pas été : « nous te parlons », mais : « maintenant notre cœur te considère ».  Leçon soulignée, en creux, par le vécu de Caïn : aucune prière n’en surgit (le texte n’appelle pas ses récriminations des prières). Mal agir, tenir Dieu pour injuste, s’endurcir, tuer… (Gn 4 v 4 à 16, 1 Jn 3 v 12). Aucune prière non plus chez ses descendants : ils se réalisent, sont ingénieux, violents… des vies bien remplies sans Dieu (Gn 4 v 17 à 24).

Tant que ma priorité est ce que je veux, ce que je réussis, ce qui me manque… je suis comme dans un nuage de poussière où respirer est difficile : je ne prie guère. Mais quand le nom de l’Éternel devient important… c’est comme l’air des sommets où respirer est un délice : je prie. Et je le fais sur la plus solide des bases : Dieu, qui a donné la vie, le mouvement, et l’être (Act 17 v 28), a surtout donné son Fils. Par Jésus, je prie : Père, que ton nom soit sanctifié !  C’est le germe pour une vie entière de prière.

Curieusement le texte de Gn 4 ne suggère pas des prières de demande, mais de considération envers Dieu comme créateur et comme berger. Ce sera la trame du livre des Psaumes. Là, Dieu inspirera des demandes justes.

 

Entre dans ta chambre, ferme ta porte, et prie ton Père qui est dans le secret.

(Mt 6 v 6)  En commandant cela Jésus indique que Dieu, en plus d’être omniprésent, a un lieu exprès pour moi, un lieu où je peux venir exprès pour lui. Ce lieu n’est pas la chambre proprement dite (il n’est ni matériel ni une ambiance) mais plutôt le fait que je ferme la porte (!) à ce qui n’est pas Dieu. Et principalement le fait que Dieu se rend présent à mon cœur dont il connaît tout !  Jésus conclut : et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra, c’est à dire te récompensera de venir ainsi vers lui.  Contrepied définitif à : Caïn sortit de la présence de l’Éternel.

 

La prière signe la foi.

Que cette signature ne soit pas estompée, ni par nos programmes chargés, ni par des rivalités.  Car prier est – jusqu’à la fin – une signature générée par Dieu lui-même, ses paroles de grâce, ses actes bienveillants. C’est ce qu’implique : priez par l’Esprit.

 

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