Jésus compare notre attente de « son retour en Roi » à l’attente qui mobilise les demoiselles d’honneur d’un mariage (lire Mt 25 v 1 à 13) : Alors le royaume des cieux sera semblable à dix vierges qui prirent leurs lampes pour aller à la rencontre de l’époux. La parabole a un message central, qu’il faut entendre avant tout : veillez donc, puisque vous ne savez ni le jour ni l’heure (v 13). Souvent on réduit cette parabole à un questionnement : qui sont les vierges folles ? en suis-je ? Il faut le prendre en compte aussi.

Cet article propose donc trois parties : le contexte de la parabole, le message central de la parabole, l’autre message de la parabole.

 

première partie

LE CONTEXTE

 

La parabole suit Mt 24 où Jésus parle de ce qui se passera après lui et jusqu’à la fin.

Il annonce le ‘comment’, un peu le ‘quand’, et surtout le ‘quoi’ : toutes les tribus de la terre verront le Fils de l’homme venir sur les nuées du ciel avec puissance et grande gloire (24 v 30). Et il conclut : tenez-vous prêts (24 v 44).

Cette conclusion, il la concrétise ensuite par une série de quatre paraboles. Un, celle du serviteur soit fidèle soit maltraitant (24 v 45-51), où Jésus annonce : le maître viendra. Deux, celle des dix vierges. Trois, celle des talents (25 v 14-30), où il dit : le maître revint et leur fit rendre compte. Quatre, celle des brebis et des boucs (25 v 31-46), qui commence par : lorsque le Fils de l’homme viendra dans sa gloire.

 

Les paraboles de Jésus disent d’abord aux Israélites de son époque comment le considérer.

En effet, c’est vers eux que Jésus a été envoyé (Mt 15 v 24). Ils doivent entendre sa parole ; tout perdre pour lui ; l’honorer. Car le ‘semeur’ c’est le Fils de l’homme ; la ‘perle de grand prix’ c’est le royaume venu en lui ; le ‘fils’ pour lequel un roi fit des noces, c’est lui.  Bien sûr, par extension, les paraboles de Jésus disent aux croyants de toute époque comment le considérer.

Rappel, les paraboles ne sont pas des allégories (où l’auteur invente chaque détail pour symboliser quelque chose, ex. une femme représente la justice, sa balance la rigueur, son bandeau l’impartialité).  Jésus prend des scènes réelles de la vie (ici, un mariage) pour transmettre une idée centrale, importante (ici, être prêt). Parfois, il introduit dans la scène un fait qui en dépasse le cadre (ici, l’époux tarde jusqu’au milieu de la nuit). Si la scène est familière, c’est pour fixer l’idée. Si un élément – parfois allégorique – dépasse la scène, c’est pour appuyer l’importance de l’idée centrale.  Exemple encore : par une scène courante (des semailles) Jésus fixe l’idée qu’en lui, Dieu envoie sa parole ; par ce qui dépasse la scène (accent sur tout type de sol), Jésus appuie sur l’importance d’écouter. Cette idée s’est profondément fixée en Pierre (cp. Act 10 v 36) ; comme en Paul celle de la perle de grand prix (cp. Phil 3 v 8).

Revenons à la parabole des dix vierges. Si elle était allégorie, « vierges » pourrait figurer des gens purs et parfaits. « S’endormir » reprocherait une tiédeur spirituelle. « L’huile » symboliserait l’Esprit Saint. « Achetez-en pour vous » évoquerait la conversion. Etc. Ces interprétations ne sont pas compatibles avec la scène décrite (nous le verrons peu à peu).

 

 

deuxième partie

LE MESSAGE CENTRAL DE LA PARABOLE

 

Comment les premiers auditeurs entendent-ils la parabole ?

Aux mariages de cette époque, il est courant qu’avec ses compagnons le marié aille de la maison de ses parents vers celle de la mariée, qui l’attend avec les siens et des compagnes. Puis, ainsi complet, le cortège retourne vers la maison du marié (ou un lieu plus grand) pour le festin de noces. Ce retour peut se faire en nocturne, des compagnes de la mariée étant chargées d’illuminer le cortège avec des lampes à huile.

Au regard d’aujourd’hui, l’oubli par certaines de faire réserve d’huile (Mt 25 v 3) n’explique guère que le marié les refoule. Mais, dans le vécu d’alors, leur négligence choque les auditeurs car ils savent que les compagnes ont pour rôle d’honorer le marié. Ils approuvent la décision des vierges sages qui, outrées en découvrant l’inconséquence des folles, refusent de partager leur huile : non jamais (litt.), il n’y en aurait pas assez pour dix lampes (à demi approvisionnées, elles s’éteindraient pendant le trajet, v 9). En un mot : il est hors de question que le cortège nuptial soit en panne de lumière !

Pour les auditeurs donc, toute la scène a du sens, y compris le fait que l’époux affirme à certaines : je ne vous connais pas, signifiant qu’elles ne sont pas de vraies amies.  Mais un point se démarque de la scène usuelle : l’époux n’arrive que vers le milieu de la nuit. Au minimum, ça suggère aux auditeurs que ce n’est pas n’importe quel époux. Au mieux, ça leur évoque un texte où, après avoir annoncé l’expiation par son Serviteur (Es 53), l’Éternel se compare à un époux pour Israël (Es 54 v 5). Peut-être, ça leur rappelle Jean-Baptiste, connu de tous, qui comparait Jésus à l’époux (Jn 3 v 29).

 

Le message de la parabole est simple : tenez-vous prêts.

Le royaume de Dieu paraîtra en la personne de Christ, tel un marié, dignement attendu ou pas.  Jésus commence par dire ce qui est digne : dix vierges vont à la rencontre de l’époux (Mt 25 v 1) ; évidemment, un tel enjeu mérite qu’on se tienne prêt. Mais aussitôt, Jésus signale une anomalie : cinq sont folles (mot grave qui évoque ‘faire fi de Dieu’, v 2) ; évidemment, dédaigner l’enjeu les empêche d’être prêtes. La parabole avertit l’auditeur : la moitié (non arithmétiquement, mais beaucoup) des personnes qui sont sensées attendre l’époux n’y accordent pas une vraie importance. Elles semblent être là pour autre chose. La seconde moitié figure des personnes prudentes, leur cœur est tout entier . En préparant une réserve (v 4) elles prennent au sérieux l’époux et leur rôle envers lui. C’est ça être prêt.

Que l’enjeu soit vital, Jésus l’avait déjà dit. Un roi fit des noces pour son fils (Mt 22 v 2) ; le roi vit un homme qui n’avait pas revêtu un habit de noce (v 11), c’est à dire n’avait pas voulu honorer le fils mais plutôt rester comme il était (Paul expliquera : vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ, Gal 3 v 27). Dans l’Israël de ce temps, et jusqu’à la fin du monde, être prêt à ce que l’Éternel veut c’est honorer son Messie (voir Ps 2 v 2, 7, 13).

Tout le message est dans ce cri : voici l’époux ! (Mt 25 v 6), et dans ce mot : les prêtes (litt.) entrèrent avec lui au festin de noces (v 10).

 

Le message de la parabole est pratique : être prêt c’est être en train de faire ce que Christ a dit.

Tout en précisant que les sages aussi s’endormirent (Mt 25 v 5), Jésus les affirme prêtes. Prêtes car elles ont fait, pour l’époux, ce qu’il fallait.  Comment être concrètement prêt ? La meilleure réponse vient de Jésus, dès la parabole du serviteur fidèle : heureux ce serviteur que son maître, à son arrivée, trouvera faisant ainsi (24 v 46). Bien sûr, il s’agit de faire non pour soi mais pour le maître !  Par la série de quatre paraboles, Jésus dit comment être prêt pour son avènement. Un, l’attendre en nourrissant les siens, et non en s’enivrant et les maltraitant. Deux, l’attendre en vérité, et non en apparence. Trois, l’attendre en travaillant pour son règne : voici cinq (ou deux) autres talents que j’ai gagnés (« bien attendre la seconde venue de Christ, c’est bien annoncer sa première venue », Spurgeon). Quatre, l’attendre en secourant les siens qui souffrent de faim, soif, sont étrangers, nus, malades, en prison.

Tout simplement donc, être prêt consiste à magnifier l’époux et à faire ce qu’il veut.  Dans la piété évangélique, c’est notre force de voir le lien entre « se convertir » et être prêt. Mais c’est notre faiblesse de sous évaluer le lien entre « faire » et être prêt.

 

Est-ce que l’huile symbolise quelque chose ?

En général, dans la Bible, l’huile est simplement une denrée matérielle : pour se nourrir (1 R 17 v 12), s’éclairer (ici), s’entretenir (Lc 7 v 46), soigner des plaies (Lc 10 v 34).  Quelquefois, l’huile est symbole : de la bénédiction de Dieu (Ps 23 v 5b), de la joie (Es 61 v 3), de l’onction par laquelle Dieu nous consacre à lui (2 Co 1 v 21). Ces grâces sont spirituelles, Dieu les octroie par son Esprit ; l’huile y représente ce que l’Esprit Saint opère (mais aucun verset ne dit : ‘huile du Saint Esprit’).

Revenons à la parabole.  Elle ne doit pas être lue sous un angle individualiste, car dans la scène l’huile est nécessaire non à un trajet personnel de jeunes filles mais au service d’une noce. Si l’huile figurait le Saint Esprit, la demande : donnez-nous de votre huile (Mt 25 v 8) signifierait qu’on peut donner l’Esprit à autrui (?!). Et la réponse : il n’y en aurait pas assez pour nous et vous (v 9), signifierait que si on en donne, on en a ensuite moins pour soi (?!). Et la consigne : allez plutôt chez ceux qui en vendent, signifierait : allez vers Dieu, repentez-vous, et il vous donnera son Esprit ; puis revenez vers Jésus, et il vous refoulera (?! cp Jn 6 v 37).  Autrement dit ‘achetez-en pour vous’ n’évoque pas Es 55 v 1.

Dans cette parabole, faire réserve d’huile n’est que le moyen concret d’honorer l’époux. Ça illustre toute action liée au fait d’attendre l’avènement de Christ. Dans les autres paraboles de la série, ‘nourrir’ ou ‘faire fructifier’ ou ‘secourir’ illustrent la même chose.

 

 

troisième partie

L’AUTRE MESSAGE DE LA PARABOLE

 

C’est un grave avertissement : tous n’entreront pas.

Certains, nombreux, entreront aux noces de l’Agneau. D’autres, nombreux, n’entreront pas. L’exigence de la parabole apparaît d’autant mieux aux premiers auditeurs, qu’ils trouvent la scène logique. Y compris le rejet des cinq insensées dont le péché n’est pas d’avoir oublié quelque chose mais d’avoir bafoué un époux qui, dans la scène, est le personnage important (elles l’appellent seigneur). La vertu des prudentes est de prendre très au sérieux sa venue. En impliquant qu’il ne s’agit pas de n’importe quel marié, en suggérant que l’époux c’est lui, Jésus évoque la fidélité de Dieu à son alliance. C’est cette splendeur qui explique l’exigence !

Heureusement, ce n’est pas à nous de dire qui entrera ou pas, c’est à Christ. Mais c’est à nous d’être d’un cœur entier dévoué à l’époux ! Ou pas.

 

Que représentent les vierges folles ?

Première interprétation : extrapolant à partir du mot vierges, notant qu’elles attendent l’époux, même si elles manquent d’huile, on pourrait penser qu’elles figurent des chrétiens vrais mais fautifs, endormis, peu remplis de l’Esprit. Or ça force le texte, où l’époux leur dit : en vérité, je ne vous connais pas (Mt 25 v 12).  Deuxième interprétation : notant que la porte leur fut fermée, on pourrait penser que les folles figurent des personnes complètement incroyantes. Ça force aussi le texte qui les présente comme compagnes de la fiancée.  Il reste une troisième interprétation : le texte lui-même. Dès le début il mentionne les dix vierges ensemble, c’est seulement ensuite qu’une différence apparaît quant à leur considération envers l’époux. Et, même là, elles sont montrées assoupies puis réveillées ensemble. Autrement dit, les folles sont ‘compagnes de la fiancée’ mais pas en vérité.

On peut en conclure que les folles figurent des Israélites qui ne craignent Dieu qu’en apparence et dédaignent son Élu. Par extension, elles figurent des gens qui évoluent dans le christianisme pour d’autres motifs que Christ. Cela est fréquent dans les églises de multitude où l’on peut n’être chrétien que de nom, et aussi dans les églises de professants où des conversions peuvent être soit superficielles soit fausses, même pendant les réveils.  Un disciple consciencieux mais faible ne doit pas craindre qu’au dernier jour Jésus lui déclare : « je ne te connais pas ». Un croyant de façade, à fortiori un croyant perfide, doit le craindre.

Précision utile, les folles ne figurent pas les nombreuses personnes dont la conversion est progressive et non instantanée, ni les petits enfants par définition immatures et dont la foi est en train d’éclore.

 

Jésus avertit ses auditeurs contre une piété de façade.

Il avait déjà averti en langage clair. Quiconque me dit Seigneur, Seigneur, n’entrera pas forcément dans le royaume des cieux, mais celui-là seul qui fait la volonté de mon Père ; beaucoup me diront : Seigneur, Seigneur … je leur déclarerai : je ne vous ai jamais connus (Mt 7 v 21-23).  Jésus avertit aussi en paraboles. Concernant l’invité non revêtu d’un vêtement de noce, il dit : jetez-le dans les ténèbres du dehors (22 v 12 ). Idem concernant le serviteur qui enterre le talent (25 v 30). Ou le serviteur établi mais maltraitant : il le mettra en pièces (24 v 51).

De ceux qu’il rejettera, le Seigneur Jésus parle en précisant : beaucoup, et aussi : un serviteur.  Parce que l’Éternel avait collectivement averti Israël : ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur est très éloigné de moi (Mt 15 v 8), Jésus avertit l’Israël de son temps, et celui qui suivra. Implicitement, il avertit le christianisme qui sera greffé sur l’alliance avec Abraham. ‘Cinq entre dix’ suggère que, selon notre Seigneur, la fausseté n’est pas un problème mineur dans le monde religieux.

 

Il faut accepter que Jésus distingue entre compagne et compagne.

Le Seigneur connaît ceux qui lui appartiennent (2 Tim 2 v 19-20). C’est à lui, et non à nous, de dire qui entrera ou pas dans le royaume. Toutefois c’est nous qu’il met en garde.  Ainsi, Paul avertit que les hommes garderont l’apparence de la piété, mais renieront ce qui en fait la force (2 Tim 3 v 5). Il mentionne des pseudo frères (Gal 2 v 4). Pire, des loups redoutables s’introduiront dans le troupeau, et des hommes aux paroles perverses se lèveront du milieu de vous (Act 20 v 29-30). Jean écrit que plusieurs antichrist sont sortis de chez nous (1 Jn 2 v 19). Jude mentionne des personnes qui sont des écueils dans vos agapes, et à qui sont réservées les ténèbres (Jud v 12).  Mais ne confondons pas tout ; les gens qui sont croyants sans l’être en vérité ne sont pas des loups qui égarent le peuple de Dieu. Les uns sont à gagner, les autres à écarter. Cependant il y a un point commun entre tous : ils évoluent parmi ce peuple. Que cela ne nous mène pas à déprécier le peuple de Dieu, au contraire ; car si Dieu l’avertit c’est parce qu’il le chérit.

Pourquoi tant souligner les avertissements de Dieu ? Parce qu’ils font partie de « être prêt pour l’avènement de Christ » ! Ce n’est pas en les supprimant de notre langage que nous manifesterons plus d’amour. Dieu, qui distingue entre compagne et compagne, ne nous veut pas aveugles à ce qui est faux. Seul le diable prétend que l’amour consiste à ne pas distinguer.  Ainsi, la séduction antichrist suggère déjà que toutes religions et spiritualités n’en sont qu’une, englobant un pseudo-évangile progressiste (niant le péché, le Fils unique, l’expiation, le jugement à venir). Cet esprit séducteur veut prohiber toute distinction entre compagne et compagne. Il veut aussi, avertit Jésus, que soient haïs de tous (Mt 24 v 9) ceux qui maintiendront l’Évangile (où il dit : nul ne vient au Père que par moi).

 

En résumé.

La parabole des dix vierges finit à la fois en apothéose et en drame. Ainsi finira également l’histoire du religieux : cinq entreront dans le royaume éternel, cinq n’entreront pas. Veillez donc, puisque vous ne savez ni le jour ni l’heure. C’est à dire veillez par amour pour Christ, évidemment, veillez aussi par humilité puisque vous êtes limités. Tenez-vous prêts.  D’après cette parabole, être ‘prêt’ pour l’avènement de Christ c’est le magnifier et faire, les deux par un attachement vrai.

 

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