Un verset biblique doit être compris et prêché en accord avec l’ensemble du texte biblique. Ce critère a un rival : la volonté humaine.  En moi, la chair ne se soumet pas à la loi de Dieu (Rm 8.7). Hélas, ce n’est pas toujours involontairement que, au lieu d’interpréter l’Écriture par l’Écriture, je l’interprète par ma raison et culture humaine, ou par mes déductions et intuitions.

 

Quand la Bible est lue selon « l’analogie de mes préjugés ».

Ironique ‘analogie’ que celle des valeurs du moment, ou des penchants coupables.  Par exemple, tel verset parlant de grâce, je le falsifie pour suggérer l’impunité. Ou bien tel verset parlant de loi, je me l’approprie pour contrôler autrui.  Tel verset parlant de prospérité, je le détourne par amour de l’argent. Ou tel verset parlant de liberté, je le tords par convoitise sexuelle.  Tel verset parlant de souffrance, je le pervertis par dolorisme. Ou tel verset parlant de communion, je le déforme par idéal de fusion.  Tel verset parlant d’unité, je le lis au filtre de l’égalité. Ou tel verset parlant du royaume, je le frelate par ambition ecclésiale. Etc.

Restent, bien sûr, les versets qui condamnent mes valeurs ou penchants, ceux-là je les passe sous silence, ou bien je les manipule jusqu’à leur ôter toute validité.  En arrière plan de tout cela, manœuvre le père du mensonge ; mais c’est bien la responsabilité des conducteurs que Jésus souligne : vous avez annulé la parole de Dieu au profit de votre tradition (Mt 15 v 6).

 

Quand des raccourcis ou déductions sont faits sciemment.

Quand je lis un texte biblique, la faute dans laquelle je tombe le plus facilement c’est le raccourci. J’y tombe par paresse, sans vérifier par exemple qui est visé par le texte.  J’y tombe par mauvaise foi, ainsi : il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes (Act 5 v 30), est lu : je n’obéirai à aucune autorité ni en église (contre Hb 13 v 17) ni en société (contre Rm 13 v 1).  J’y tombe par présomption, ainsi : je forme à votre sujet des projets de paix et non de malheur (Jér 29 v 11), est lu : tout se passera comme je l’espère. Ce verset devient un slogan qui escamote la sanction divine : aux Judéens déportés à Babylone, l’Éternel promet un retour seulement dans 70 ans (v 10), mais sur une fausse prophétie ils espèrent un retour dans deux ans (28 v 3).

Ensuite, la faute qui se dissimule le mieux c’est la déduction, car elle se présente comme logique.  Ainsi, du verset : les anges sont serviteurs de Dieu en faveur de ceux qui doivent hériter du salut (Hb 1 v 14), je déduis : puisque son Esprit habite en moi, les anges sont à mon service, je peux les commander. Cette déduction-là ne contredit peut-être pas directement un verset biblique, mais aucun verset ne la fait. C’est ça qu’il faut retenir !  Mes déductions doivent se subordonner à ‘il est aussi écrit’. En matière de doctrine, ce que je déduis d’un texte doit avoir été écrit ailleurs dans la Bible ; en effet, face à l’Écriture, ce qui est inédit vient du diable.

Autre chose est une déduction qui n’influe pas sur la doctrine. Si, par exemple, je veux évangéliser une ville mais pas les hameaux retirés, et que je lise : va sur le chemin qui est désert (Act 8 v 26), je peux y voir une direction de l’Esprit Saint. Car, pour conduire, l’Esprit utilise son livre comme il veut ; alors que pour enseigner, il n’innove pas au-delà de la foi transmise aux saints une fois pour toutes.

 

Quand des révélations personnelles dédaignent « l’analogie de la foi ».

Tant que les diverses ‘révélations’ ou intuitions spirituelles sont subordonnées à l’analogie de la foi, elles sont sécurisées.  C’est du charisme de prophétie, tout particulièrement, que Paul dit de veiller à l’exercer selon l’analogie de la foi (Rm 12 v 6). Il commande d’autocensurer mes inspirations partielles par l’inspiration parfaite du texte biblique.

Comment en arrive-t-on à neutraliser ce commandement protecteur ? En pensant : notre génération a reçu l’Esprit tellement plus que les précédentes !  Comme une sorte d’OGM, cette conviction dégrade l’authentique foi en la vertu du texte biblique. Alors, le verset : c’est partiellement que nous prophétisons (1 Co 13 v 9), est supplanté par l’idée : l’Esprit de Dieu habite en moi, donc je suis toujours inspiré. Une fois posé ce mensonge, vient l’idée que des révélations d’aujourd’hui pourraient compléter ce qui est écrit, révéler plus au sujet de Dieu, dessiner des modèles surpassant l’Église Primitive.  Le drame est que, tout en ajoutant à la Bible, on a l’illusion de ne pas la contredire, parce qu’on pense ne rien en retrancher. Or ajouter aura les mêmes conséquences funestes que retrancher (Ap 22 v 18-19).

Autrement dit, là où le courant charismatique est sain, il bénéficie d’une vraie richesse d’inspiration, sobre et précise (à l’image de : pendant la nuit, Paul eut une vision d’un Macédonien, Act 16 v 9-10).  Là où le courant est moins sain, il est parfois porteur de séductions qui revisitent les anciennes mystiques religieuses (par des techniques, répétitions, sons, on enivre l’âme pour provoquer des expériences intimes avec le divin ; là on attribue à Dieu ce qui est psychique ou même occulte).

 

En un mot.

Celui qui projette sur les Écritures ses propres déductions ou révélations, prend souvent cette projection pour de la foi, et se persuade d’être biblique. Mais il y a bonheur et sécurité sous l’enseignement des Écritures qui sont celles du Saint Esprit. C’est la place de celui qui est né, non de la volonté de l’homme, mais de Dieu (Jn 1 v 13).

 

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