En fait, ce titre est impropre. Parce que le verset qu’il évoque (Eph 3 v 18) ne dit pas exactement de comprendre l’amour, mais de comprendre ce qu’est la largeur et longueur et hauteur et profondeur. La phrase s’interrompt sans dire ‘profondeur de l’amour’.  Ensuite seulement Paul introduit le mot pour parler de connaître l’amour du Christ (v 19). Comprendre que Dieu est majesté conduira à l’amour véritable.

 

première partie

CRAINDRE DIEU ET CONNAÎTRE SON AMOUR

 

Comprendre que Dieu est d’une vertigineuse immensité.

Dans la Bible, le chemin vers la plénitude n’est pas de concevoir ou définir pourquoi Dieu aime. Mais de comprendre que l’Éternel est grand et très digne de louange (Ps 96 v 4), indiciblement supérieur à ce qu’on nomme communément amour, bien, vie…  Eph 3 v 14 à 19 est une prière adressée au Père qui est dans les cieux ! C’est lui qui est largeur et longueur et hauteur et profondeur. Devant sa majesté, l’intelligence est de fléchir les genoux (v 14).

Le commencement de la sagesse c’est la crainte de l’Éternel (Prov 1 v 7). Cette crainte (pas la peur qui éloigne) est le saisissement viscéral produit par l’incroyable disproportion qui existe entre lui et nous. Dans ce cadre, quand la majesté de Dieu agit, on est aussi atteint par son amour. Connaître correctement l’amour de Dieu vient avec craindre Dieu.  Parfois hélas, pensant mieux convaincre les gens que Dieu est amour, nous cherchons à gommer la disproportion entre l’Éternel et les hommes. Ça revient à les priver de l’amour véritable.

Eph 3 dit de comprendre avec tous les saints (v 18). Ça signifie, puisqu’ils ont été sanctifiés, comprendre avec ce que la croix du Christ opère en eux. Ça signifie comprendre avec l’Église universelle, et non par ma piété spécifique. Ça signifie avant tout comprendre avec ce que les auteurs de l’Écriture rapportent de cette immensité.

 

Fléchir les genoux mène à expérimenter l’amour de Christ.

Qui est de taille à comprendre Dieu ? Personne n’a jamais vu Dieu ; Dieu le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui l’a fait connaître (Jn 1 v 18).  Quels sont ceux qui le connaitront en goûtant combien Christ les aime ? Ceux qui obéissent à : repentez-vous et croyez (Mc 1 v 15). Au fur et à mesure qu’ils le font, ils expérimentent la grâce qui purifie et nourrit. Dieu les fortifie par son Esprit (Eph 3 v 16), Christ habite par la foi dans leur cœur (v 17), les enracine et les fonde dans l’amour (id).  Pour eux ‘connaître’ est une marche de disciple du Christ ! Paul la résume ainsi : je vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi (Gal 2 v 20).  Cette marche s’accompagne d’émotions variées ; mais, dans le NT, connaître l’amour du Christ consiste en une vie de disciple, pas en un envol mystique de poète.

Rappel : l’amour dont Dieu aime est volonté de bien avant d’être émotion. Comprendre que Dieu est majesté mène à découvrir son amour. Ramener Dieu à la dimension humaine mène à un autre amour.

 

Connaître l’amour du Christ, amour surpassant la connaissance.

(Eph 3 v 19)  Le paradoxe de cette phrase est un éclairage. Transpercés par ce qui nous surpasse, nous expérimentons ce qui échappe aux incrédules : l’amour sanctifiant de Christ. S’il ne nous surpasse pas, nous ne le connaîtrons pas. Le Seigneur Jésus est clair : le royaume des cieux est pour les petits enfants, celui qui perd sa vie la trouvera, Dieu élève ceux qui s’abaissent, etc.

Le paradoxe souligne que l’amour surpassant de Dieu peut se connaître ! Mais en Christ.  Quand il s’agit de foi en Dieu, le verbe ‘connaître’ ne nous réfère pas à « Adam connut Ève, sa femme (Gn 4 v 1), ne nous invite pas à une fusion romantique. Le verbe désigne une expérience qui perdure, et une révélation par les Écritures !  Ainsi, pour avoir une idée juste (bien que partielle) de l’amour de Dieu, il faut suivre sa pédagogie c’est à dire la manière dont il l’a progressivement révélé dans la Bible. Mais réfléchir à l’amour en fonction des concepts du siècle, n’est pas approprié à l’amour de Dieu.

 

Celui qui m’aime sera aimé de mon Père.

(Jn 14 v 21)  C’est Jésus qui dit cela, et il continue : moi aussi je l’aimerai et je me manifesterai à lui. C’est à dire : il va connaître et expérimenter mon amour ! Dans les Évangiles ça implique foi et suivance.  En formulant une condition pour être aimé du Père, Jésus ne nie pas que Dieu nous a aimés le premier ! Il dit que le Père accorde à certains de vraiment connaître et goûter son amour. Parce qu’ils obéissent au Dieu sauveur en aimant Christ qu’il a envoyé. Ils expérimenteront durablement que Christ les aime et intervient dans leur vie.

Remarque, il y a une symétrie entre Jn 14 où aimer Christ mène à connaître l’amour de Dieu, et Eph 3 où comprendre la grandeur de Dieu mène à connaître l’amour de Christ.

 

 

deuxième partie

LA PÉDAGOGIE DE DIEU CONCERNANT SON AMOUR

Dieu commence par des actes, non en disant son amour.

Il n’a pas appelé Israël puis les non juifs à réfléchir sur l’amour mais à ouvrir les yeux sur l’œuvre de Dieu.  D’abord, il se manifeste par la création, où tout est bon. L’interdiction de toucher au deuxième arbre (Gn 2 v 9) signale qu’existe une connaissance toxique.  Après la désobéissance, la sanction mais aussi la grâce amorcée signalent que Dieu a un dessein (Gn 3 v 15).  Le regard porté sur les offrandes d’Abel et de Caïn signale (d’après 1 Jn 3 v 12) une volonté de bien chez Dieu.

Plus tard Dieu montre que son dessein implique un choix volontaire. Il le montre par l’élection d’Abraham, la promesse, et l’alliance (alliance avec Isaac et non Ismaël, Jacob et non Ésaü, Israël et non les autres peuples).  Dans le cadre de l’alliance et pas ailleurs, l’Éternel commence à dire son amour (Dt 7 v 8), sans jamais le disjoindre de sa loi. Parce qu’elle formule le bien que Dieu veut !  Et parce que, avec tous les prophètes qui suivront, elle dévoile l’existence d’un Élu ! Le Messie en qui Dieu se complaît, le Fils éternel que Dieu aime.

 

Il ne faut pas déconnecter amour de Dieu et volonté de Dieu.

Seul le diable suggère que si Dieu nous aime, il veut ce que nous voulons. Dieu révèle autre chose.  Acte clé de Dieu, il envoie son Messie. Dieu l’a préfiguré par divers prophètes, sacrificateurs, rois, par lesquels il redit sa volonté, et sa miséricorde envers Israël. À Israël il annonce ses châtiments et ses délivrances. Il lui confirme : je t’aime d’un amour éternel (Jér 31 v 3) et lui promet l’alliance nouvelle (Jér 31 v 31).  Dans l’AT et le NT Dieu fait déborder sa bienveillance hors du cadre de l’alliance, mais il ne dit son amour que dans ce cadre.

Alliance ancienne vers le Messie, alliance nouvelle par le Messie. Dieu se montre plus nettement que jamais en Yéshua incarné, crucifié, ressuscité. En lui vient la rédemption de beaucoup ; et il prédit la perdition de beaucoup d’autres (Mt 7 v 13).  Ceux qui l’écoutent découvrent – une fois qu’ils ont cru – que c’est uniquement dans le Fils Élu qu’ils sont prédestinés et aimés (Eph 1 v 4).

Suivant la pédagogie de Dieu, Jésus ne dit pas de prêcher l’amour aux incroyants (dans le NT ses apôtres ne l’ont jamais fait). Il dit de le prêcher lui, sa croix et sa résurrection, pour le pardon des péchés et la vie éternelle. Seule la parole de la croix est puissance de salut (1 Co 1 v 18) qui fait obéir à ce commandement : que celui qui aime Dieu aime aussi son frère (1 Jn 4 v 21).  (note : en Jn 3 v 16, Jésus ne prêche pas à des incroyants mais explique à un fidèle)

 

Contrairement au nôtre, l’amour de Dieu n’est pas un amour-besoin.

Nul ne comprend vraiment l’amour de Dieu, sinon qu’il est différent du nôtre (tout amour n’a pas la même essence).  Entre l’amour de Dieu et celui des humains, la différence n’est pas d’intensité mais de nature. Le sien est éternel, le leur passe ; le sien est aséité (voir ci-dessous), le leur est lié au besoin ; le sien est volonté de bien, le leur est sensation et souvent convoitise. Le sien consiste à donner la vie éternelle, le leur est saveur pour la vie éphémère.  Bien sûr, la générosité de Dieu s’exerce pendant leur vie éphémère, mais ce que la Bible nomme « amour de Dieu » est unique. Parce qu’il leur propose l’amour dont il aime son Fils unique.

‘Aséité’ : le mot évoque un attribut de Dieu qui est de se suffire ‘à soi- même’.  Attention, de nos jours se répand une idée séduisante : Dieu nous aurait créés parce que, sans nous, son amour était incomplet ; et là aurait été son motif pour accepter de sacrifier son Fils. Cette idée flirte avec le blasphème, elle falsifie la compassion divine, fausse le sens de l’adoption, pervertit des paroles de chants.

Autre séduction : étant capables d’amour, tous les humains auraient en eux quelque chose de divin, qu’il leur suffirait de reconnaître. L’idée vient du diable : vous serez comme des dieux, vous connaîtrez (Gn 3 v 5). Même des chrétiens en sont éblouis, et présentent la conversion comme une prise de conscience de qui on est déjà. Inconsciemment ils rétrogradent Dieu au second rang, au service de notre prétendue divinité et de l’idole ‘Amour’.

 

Conclusion.

Revenons à Eph 3.  Christ habite par la foi dans le cœur de ceux qu’il a rachetés. C’est ça qui leur donne la force de comprendre (v 18, litt.) que la grandeur de Dieu surpasse tout. Pourquoi faut-il de la force ? Parce que craindre Dieu implique de résister au courant antichrist (1 Jn 4 v 3) qui s’oppose à Dieu mais surtout vise à prendre sa place.  Mais nous persistons à fléchir les genoux devant la majesté du Père : au roi des siècles, immortel, invisible, seul Dieu, honneur et gloire au siècle des siècles, amen ! (1 Tim 1 v 17). Il est le bienheureux et seul souverain, le roi des rois et le Seigneur des seigneurs, qui seul possède l’immortalité, qui habite une lumière inaccessible, que nul homme n’a vu ni ne peut voir ; à lui honneur et puissance éternelle, amen ! (6 v 15-16).

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(voir aussi : LE PÈRE AIME LE FILS)