Les Écritures ne permettent pas de traiter cette question de manière simpliste. Quand on regarde l’ensemble de ce qu’elles disent concernant la « crainte », on voit trois choses. Parfois le mot signifie avoir peur de Dieu, parfois il concerne d’autres peurs, et parfois il désigne une saine conscience de l’infinie disproportion qui existe entre nous et le Très-Haut. La Bible distingue les trois choses, tout en évoquant un rapport entre elles. Ainsi, Dieu emploie un même mot pour la peur qu’il ne veut pas, et pour la crainte qu’il recommande. Pourquoi ? Peut-être parce que la peur est une altération de ce qui existait avant le péché : la crainte de l’Éternel est pure, elle subsiste à toujours (Ps 19 v 10).

Cet article (catégorie 15 mn) est suivi de :  LA CRAINTE DE L’ÉTERNEL SUBSISTE À TOUJOURS)

 

 

première partie

ADAM RÉPONDIT : J’AI ENTENDU TA VOIX DANS LE JARDIN, ET J’AI EU PEUR

 

La première peur que l’Écriture mentionne est une peur envers Dieu.

(Gn 3 v 10) Une peur quand Dieu approche. L’homme et sa femme allèrent se cacher de devant l’Éternel Dieu (v 9). Cette peur est mentionnée comme résultant de leur désobéissance (v 6). Avant cela, le texte ne rapporte aucun signe de peur en Adam et Ève. Ici, la rupture d’avec Dieu a saboté leur paix intime (ils prirent conscience du fait qu’ils étaient nus, v 7), et leur confiante paix avec Dieu. Dans la logique du texte, cette peur est une anomalie par rapport à leur état premier. Anomalie signalant l’anomalie centrale : la rupture. Aujourd’hui encore, notre peur résulte de là : avoir écouté le diable menteur plutôt que Dieu créateur. Certains d’entre nous, éduqués dans la vérité, sentent bien leur état de perdition. D’autres, éduqués dans l’insouciance, ne le sentent pas. Mais, les uns comme les autres, c’est une approche de Dieu qui les rend conscients de l’état de perdition.

 

C’est la rupture d’avec Dieu qui explique les diverses peurs humaines.

La Bible montre ces peurs ; chez les païens comme chez les Israélites rebelles, elles sont liées à la distance d’avec Dieu : tribulation et angoisse pour toute âme humaine qui pratique le mal (Rm 2 v 9). Profondément inscrites en l’homme, elles sont très variées, mais peuvent se récapituler à la peur de manquer (de solutions ou de ressources) et la peur d’être rejeté (par Dieu ou par autrui). À la peur de manquer, Dieu répondra par : ne crains pas, crois seulement (Mc 5 v 36). À la peur d’être rejeté, Dieu répondra par : l’amour parfait bannit la crainte (1 Jn 4 v 18).

Il y a des peur très humaines : peur de l’accident, d’être malade, d’avoir faim, etc. En un mot, la peur de mourir. Et il y a des peurs spécifiques au croyant : la peur du péché, de se tromper, de déplaire, etc. En un mot : la peur que Dieu ne bénisse plus.

Note : dans le texte biblique, la peur est en soi un fait humain et non un démon qu’il faudrait chasser (2 Tim 1 v 7 concerne l’Esprit de Dieu).

 

Le Dieu bienheureux n’a pas voulu la peur, mais pour un temps l’a incluse dans sa pédagogie.

Nous expérimentons tous – plus ou moins – une peur de Dieu, car nous suivons Adam par naissance et aussi par nos propres désobéissances. Une fois que le péché a imprégné la nature humaine, Dieu traite avec des gens qui sauf exception le connaissent peu ou pas, des gens dont la conscience parle surtout le langage de la peur.

Quand Dieu renvoie Adam et Ève du jardin (pour éviter pire, Gn 3 v 22-23), il sait que ce renvoi contribuera à des peurs parmi leurs descendants. Sa pédagogie va donc inclure leurs peurs, avant que vienne le temps de les ôter. Ainsi, quand il donne à Jacob la vision de l’échelle, Dieu sait que la crainte jouera un rôle dans la prise de conscience du patriarche : Jacob eut de la crainte et dit : que cet endroit est redoutable ! ce n’est rien moins que la maison de Dieu ! (Gn 28 v 17). Sous le régime de la Loi la crainte avait sa place. Exemple : cet homme mourra ; tout le peuple l’apprendra, sera dans la crainte, et n’aura plus tant d’audace (Dt 17 v 13). Pour un temps Dieu a compté avec la peur (il le fait encore pour une personne non sauvée, revoir Rm 2 v 9). Qui reconnaît la force de ta colère et ton courroux, selon la crainte qui t’est due ? (Ps 90 v 11).

Dans le même temps, Dieu a enseigné une différence entre la peur et une saine crainte de l’Éternel : soyez sans crainte, c’est pour vous mettre à l’épreuve que Dieu est venu ; c’est pour que vous ayez pour lui de la crainte, afin de ne pas pécher (Exd 20 v 20). Du fait qu’ils ont écouté, certains ont vu l’Éternel être leur berger et ont connu la confiance exemplaire chantée au Ps 23 : dans la vallée de l’ombre de la mort, je ne crains aucun mal.

 

 

 

deuxième partie

L’AMOUR PARFAIT BANNIT LA CRAINTE

 

L’amour parfait bannit la crainte, car la crainte suppose un châtiment.

(1 Jn 4 v 18) Ce verset doit signifier pour nous ce qu’il a signifié pour l’apôtre Jean : pas qu’on ne devrait plus craindre l’Éternel (Jean a écrit Ap 11 v 18), ni qu’il ne châtierait plus ses ennemis (id), mais qu’à ses enfants il montre ce qui enlève leur peur de Dieu. C’est une puissance surnaturelle, celle de l’amour parfait, l’amour de Dieu ! Lui qui est légitime pour châtier, qui explique que l’homme méchant devrait le redouter (c’est une chose mauvaise et amère de n’avoir de moi aucune crainte, Jér 2 v 19), lui qui est juge, il se révèle sauveur !

Voici comment l’amour de Dieu a été manifesté envers nous : Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui (1 Jn 4 v 9). Se livrant au châtiment de nos péchés, il fut saisi d’effroi et d’angoisse (Mc 14 v 33). Pour ceux qui croient, son amour bannit la crainte en ôtant leur péché : il n’y a maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ (Rm 8 v 1). Ni frayeurs ni épouvantes : vous n’avez pas reçu un esprit de servitude pour être de nouveau dans la crainte, mais vous avez reçu l’Esprit d’adoption (Rm 8 v 15). Par son Esprit, Dieu nous parle un autre langage que celui de la peur ; elle n’est plus un outil pédagogique pour ceux qu’il a réconciliés avec lui-même. Car Dieu ne nous a pas destinés à la colère, mais à posséder le salut par notre Seigneur Jésus-Christ (1 Thess 5 v 9). C’est pourquoi il nous répète si souvent de ne pas craindre.

 

Celui qui craint n’est point parfait dans l’amour.

(1 Jn 4 v 18) Ce constat semble impliquer l’espérance d’un progrès pour ceux qui n’ont pas encore été parfaitement installés dans l’amour de Dieu. Il y a là un enjeu de foi : entendre son amour, le croire, nous y loger. Demeurez dans mon amour (Jn 15 v 9). Il faut prier pour être capable de comprendre – avec tous les saints – la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur, et de connaître l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance (Eph 3 v 18). Là se dissout notre insécurité face à Dieu.

Comprendre et connaître ainsi, est moins souvent une affaire d’émotion qu’une marche avec Christ, un apprentissage lucide à ses côtés. C’est en pleine tempête qu’il dit aux siens : pourquoi avez-vous tellement peur ? comment n’avez-vous pas de foi ? (Mc 4 v 40). Tous, nous avons des raisons logiques de craindre ce que les hommes craignent (1 Pi 3 v 14), mais refusons que notre peur se pose en rivale de la parole de Christ ! Sinon, nous nommerons sagesse ce qui est de la peur, et équilibre ce qui est de l’incrédulité.

Avoir peur un moment n’est pas péché, mais la laisser nous envahir et décider pour nous, si.

 

Jésus n’a pas formé ses disciples par la crainte.

Envers les disciples ayant discuté de qui est le plus grand (Mc 9 v 33-37), sa pédagogie a été admirable. Sachons-le, pour un membre de Christ la peur ne fait pas pécher moins, mais plus. Si nous faisons les choses par peur, cela favorise le péché. Exemples : la peur de Dieu sape la confiance, la peur d’autrui fait mentir, la peur de manquer rend pingre, etc. Si c’est la peur qui pousse à être dévoué et serviable, ça finira en amertume. Si on s’occupe d’un mal par peur d’être accusé de laxisme, on sera injuste. L’amour de Christ ne nous laisse pas avec la peur comme moteur. Illustration : nos pères ont traversé des océans et continents avec l’énergie du charbon, mais nos moteurs d’aujourd’hui ne sont pas fait pour le charbon. De même, nos âmes de nouvelle alliance ne sont pas faites pour fonctionner avec la peur. Note : dans le NT, quand le français dit ‘de peur que’, le grec n’a pas le mot peur mais ‘pour pas que’ (Mt 5 v 25).

 

Attention, Dieu nous veut sans peur mais pas présomptueux.

Notre Dieu dit qu’il n’y a aucune condamnation pour ses enfants, il ne dit pas que sur terre il les veut inconscients des dangers spirituels. Le Seigneur Jésus nous avertit : veillez et priez, afin de ne pas tomber en tentation (Mc 14 v 38) ; cela, il le dit à Gethsémané, où il subit l’angoisse résultant de nos péchés. Certes, veiller ne consiste pas à avoir peur, mais ne soyons pas plus radicaux que ce qui est écrit. À ceux qui sont fiancés au Christ comme une vierge pure, Paul écrit : toutefois, de même que le serpent séduisit Ève par sa ruse, j’ai peur (litt.) que vos pensées ne se corrompent et ne s’écartent de la simplicité à l’égard de Christ (2 Co 11 v 2-3). Parfois, l’action du malin ou l’orgueil humain rend utile une certaine crainte. Dieu, qui a retranché certains juifs incrédules et greffé certains païens, avertit ces derniers : n’aie pas de pensées hautaines, mais crains (Rm 11 v 20-21). Avoir reçu la foi, et l’Esprit d’adoption, ne nous rend pas supérieurs aux Corinthiens, aux Israélites, aux chrétiens qui nous ont précédés. Si donc quelqu’un nous signale un risque de pécher, ou un glissement doctrinal, ne balayons pas l’avertissement en accusant ce frère de parler sous l’effet d’une peur.

 

Notre amour aussi bannit la peur.

Qu’est-ce qui a empêché le serviteur de faire fructifier ce que son maître lui avait confié ? J’avais peur de toi, tu prends ce que tu n’as pas déposé (Lc 19 v 21), autrement dit je craignais un abus de pouvoir. Quelque forme que prenne la peur, le remède c’est la foi envers Dieu et l’amour de Dieu. L’amour parfait c’est donc celui de Dieu. Et, plus le nôtre s’enracine et se fonde dans le sien (Eph 3 v 17), plus il se parachève. Plus on aime comme Dieu, plus on contribue à bannir la peur, dans un domaine puis un autre.

(voir aussi :  LA CRAINTE DE L’ÉTERNEL SUBSISTE À TOUJOURS)