Concernant les rachetés de Dieu, en Israël et partout, la Bible affirme ces deux choses : ils sont élus et étrangers. Le début de 1 Pi 1 pose cela comme saine doctrine et comme puissant encouragement, face à la double réalité que vivent les lecteurs. Car il y a un fort contraste entre leur glorieuse appartenance à Christ et leur douloureuse expérience dans le monde.
Cet article mentionne plus les ‘lecteurs’ de Pierre que ‘nous’ aujourd’hui ; c’est pour mieux nous faire plonger dans le texte, car c’est le plus profitable.
Pierre, apôtre de Jésus-Christ, aux élus étrangers dans la dispersion.
(1 Pi 1 v 1). En se présentant comme apôtre de Jésus Christ, Pierre magnifie au yeux de ses lecteurs celui par qui ils ont accès à Dieu. Eux, il les désigne aussitôt par le mot élus (dans l’original, ‘élus’ est le 4e mot de l’épître). Puis il les désigne par un autre mot, étrangers. Par le contraste entre ces deux mots, Pierre veut consoler ses lecteurs en leur faisant assumer qu’ils sont à la fois élus et étrangers. En effet, ils se sentent tellement liés à Dieu et si peu liés au monde. Tellement bénis, et tant persécutés. Sanctifiés tout en étant encore tentés. Chaque partie de l’épître mentionne leurs souffrances, et surtout ce qui aidera à les traverser : Christ a souffert pour eux.
Élus selon la préscience de Dieu le Père.
(1 Pi 1 v 2). Ils sont élus car Dieu a voulu les faire bénéficier du fait que Christ est de toute éternité le Fils unique du Père, l’Élu de Dieu. Dans sa divine pré-connaissance, avant la fondation du monde, il les a connus et voulus. Il les a prédestinés pour être joints à Christ. C’est là l’explication première de leur conversion. Jésus l’affirme : nul ne peut venir à moi si le Père ne l’attire (Jn 6 v 44). Ils sont élus comme le dit Jésus : ce n’est pas vous qui m’avez choisi, mais moi, je vous ai choisis (Jn 15 v 16).
Élus, par la sanctification de l’Esprit, pour l’obéissance et l’aspersion du sang de Jésus-Christ.
(1 Pi 1 v 2) Le fait, invisible, qu’ils soient élus se montre par le fait, visible, que l’Esprit Saint leur applique le bénéfice de la croix du Christ : elle les sanctifie et les transforme concrètement. L’obéissance dont parle ici Pierre, est premièrement celle de Jésus Christ. Son sacrifice expiatoire, qui purifie du péché, était obéissance au Père (Jn 10 v 18). Bien sûr, sa complète obéissance à la loi de Dieu est ‘justice’ qui aujourd’hui tracte leur obéissance (c’est Christ qui vit en eux, Gal 2 v 20). Dieu les a prédestinés à être semblables à l’image de son Fils (Rm 8 v 29).
Étrangers dans la dispersion.
(1 Pi 1 v 1) C’est justement en tant que semblables à Christ, qu’ils sont étrangers. Étrangers au sens où le confesse Jésus : ils ne sont pas du monde, comme moi, je ne suis pas du monde (Jn 17 v 14). Étrangers et voyageurs (1 Pi 2 v 11). Puisque leur citoyenneté est dans les cieux (Phil 3 v 20), être étrangers ici-bas n’est pas une perte ! Mais ça reste pénible. Pierre l’exprime en disant : étrangers dans la dispersion. Par cette référence aux déportations d’Israël et de Juda souffrant en Assyrie et en Babylonie (et par le mot aspersion du sang évoquant le Tabernacle) il rappelle que les églises prolongent la foi d’Israël. En diverses provinces elles unissent autour de Christ des juifs et des non juifs, pas sans difficultés mais sans fracture.
Que la grâce et la paix vous soient multipliées.
(1 Pi 1 v 2) Dieu les a déjà données, en Christ. C’est sur cette base que Pierre le prie de les donner encore aux lecteurs (et à nous aujourd’hui). En tant qu’élus ils ont reçu grâce et paix, en tant qu’étrangers ils en ont un continuel besoin.
Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ.
(1 Pi 1 v 3) Ce titre en dit plus sur Dieu que tous les autres titres : l’Éternel des armées, le Créateur, le Dieu d’Abraham, le Dieu des esprits de toute chair, le Saint d’Israël, etc. Pourquoi ? Parce que Jésus affirme : celui qui m’a vu a vu le Père (Jn 14 v 9). Ainsi, celui qui confesse le Fils a aussi le Père (1 Jn 2 v 23).
Selon sa grande miséricorde, il nous a régénérés par la résurrection de Jésus Christ d’entre les morts.
(1 Pi 1 v 3) Jésus l’a annoncé : moi je vis, vous aussi vous vivrez (Jn 14 v 19). Car s’il a dû souffrir, être mis à mort, ressusciter (Mt 16 v 21), c’est – les trois – comme notre substitut. Dieu a crucifié notre homme ancien par la croix de son Fils (cf. Gal 2 v 20), et il a créé notre homme nouveau par la résurrection de son Fils. C’est par elle que des humains corrompus et condamnés sont régénérés.
Régénérés pour une espérance vivante, pour un héritage qui ne peut ni se corrompre, ni se souiller, ni se flétrir ; et qui vous est réservé dans les cieux.
(1 Pi 1 v 3-4) Dans la Bible, en amont du fait d’espérer, l’espérance est la chose espérée ; principalement la vie éternelle, l’héritage promis. Jésus l’affirme : il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père (Jn 14 v 2). En tant qu’élus, nous entendons que l’héritage est garanti par le Dieu incorruptible. En tant qu’étrangers, nous entendons que l’héritage nous est réservé. Ça dit que les grâces de Dieu déjà reçues ici-bas, ne sont pas l’héritage complet. L’héritage nous est promis dans les cieux : cette promesse est à croire et non à déconstruire au profit d’une espérance toute terrestre.
À vous qui êtes gardés en la puissance de Dieu, pour le salut prêt à être révélé dans les derniers temps.
(1Pi 1 v 5) Jésus a prié : Père saint, garde-les en ton nom (Jn 17 v 11). Et il a annoncé : je (les) ressusciterai au dernier jour (Jn 6 v 40). Jésus (le nom signifie l’Éternel sauve) est lui-même ‘le salut’. Sanctifiés par lui, les lecteurs expérimentent déjà son salut. En fait, ils expérimentent les arrhes du salut ; car ils sont encore ici-bas, étrangers. Mais le Jour vient où ils verront sa personne et tout le salut ; car ils sont élus.
Vous en tressaillez d’allégresse, quoique vous soyez maintenant, pour un peu de temps, puisqu’il le faut, affligés par diverses épreuves.
(1 Pi 1 v 6) C’est bien ce que Jésus avait annoncé. D’une part : votre cœur se réjouira, et nul ne vous ôtera votre joie (Jn 16 v 22). D’autre part : vous aurez des tribulations dans le monde ; mais prenez courage, moi j’ai vaincu le monde (v 33). En tant qu’élus, les lecteurs de Pierre exultent pour l’héritage promis avec Christ. En tant qu’étrangers, ils sont affligés. Pierre les encourage : c’est pour un peu de temps, du moins en comparaison de la nature éternelle de l’héritage. Et ajoute : il le faut. Est-ce aussi encourageant ? La suite répond.
Afin que votre foi éprouvée – bien plus précieuse que l’or périssable cependant éprouvé par le feu – se trouve être un sujet de louange, de gloire et d’honneur, lors de la révélation de Jésus-Christ.
(1 Pi 1 v 7) Voilà le sens de « il le faut ». Ce ne sont pas les afflictions ou la persécution en elles-mêmes qui sont nécessaires, mais le fait qu’elles éprouvent la foi. Dans la Bible, l’épreuve est épreuve de la foi, et c’est Dieu qui éprouve. Les afflictions contraignent les élus à se confier en Dieu, elles sollicitent, épurent, musclent la foi. Elles la révèlent précieuse. Leur foi sera sujet de louange. Louange de tous envers Dieu. Mais également, ici, éloge que Dieu fera de leur foi (cp. Rm 2 v 29). Quand ?
Lors de la révélation de Jésus Christ.
C’est là l’espérance centrale ! Le NT réfère tous les aspect de la vie chrétienne au Jour de Christ, à sa venue en gloire (voir article : EN VUE DU JOUR DE CHRIST). Il a promis : je reviendrai, et je vous prendrai avec moi (Jn 14 v 3). Cette perspective nous réjouit, en tant qu’élus ; cette perspective nous rend patients, en tant qu’étrangers.
Au long de l’Histoire de l’Église, la perspective de la Parousie du Christ a été parfois l’alibi pour se contenter de vivre du salut présent une mesure inférieure à ce que montre le NT. On s’est privé d’une partie de la grâce. De nos jours, la tendance est parfois inversée. On veut tout, tout de suite, même ce qui est promis au futur (il n’y aura plus ni deuil ni douleur, Ap 21 v 4). On n’admet plus d’être étranger sur la terre, mais on prétend la gouverner, y amener le ciel (c’est le ‘dominionisme’ : tout dominer ici-bas pour y établir le royaume). On introduit une fausse espérance.
Vous l’aimez sans l’avoir vu. Sans le voir encore vous croyez en lui, et exultez d’une joie indicible et glorifiée, obtenant le but de la foi : le salut de vos âmes.
(1 Pi 1 v 8) Ici, Pierre n’exhorte pas les lecteurs à aimer et croire. Il les félicite de ce qu’encore étrangers et affligés, ils aiment Dieu et croient en lui ! Pierre relève leur persévérance malgré des conditions défavorables : vous l’aimez sans l’avoir vu ; sans le voir encore, vous croyez en lui. Il relève, une deuxième fois, leur joie. Joie glorifiée (litt.) c’est à dire produite par Dieu, alors même qu’ils sont encore étrangers. Plus que tout, en écrivant aux lecteurs qu’ils aiment et croient, Pierre magnifie ceci : parce qu’ils sont élus, c’est Christ qui les fait aimer son Père et le croire ! C’est lui qui est auteur de leur salut commencé, et de leur salut à venir.
Conclusion.
Élus et étrangers. Cela explique à la fois l’éclat de l’Église et son effacement, à la fois son témoignage et les limites de ce témoignage. Or, le fait d’être élus et étrangers est facilement sous valorisé. D’un côté, la piété évangélique parle plus volontiers de ‘libre-arbitre’ que d’élection et de prédestination. De l’autre côté, un courant hyper-charismatique trouve défaitiste la notion d’étranger, et prétend que la mission est d’investir le monde pour le changer. Mais Christ continue à dire, aux uns : c’est moi qui vous ai choisis, et aux autres : ils ne sont pas du monde.
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