Les deux articles précédents traitaient des sept lettres dans leur ensemble. Celui-ci, et les suivants, traitent de ce que Jésus dit à chaque église en particulier. Car il parle aussi à nos églises aujourd’hui.

 

LA LETTRE À ÉPHÈSE

(Apocalypse 2:1-7)

 

Elle est adressée à une église très obéissante, mais en recul sur un point central.  Précision de lecture : Jésus s’adresse moins à l’individu qu’à l’église ; il n’exprime aucune distinction entre membres et corps (idem pour Smyrne et plus tard Philadelphie, mais pas pour les quatre autres).

 

Je connais tes œuvres, ton travail, ta persévérance.

(v 2a)  Au sujet de tout ce qu’une église fait, ce qui importe c’est ce que Jésus en dit.  Le point connu de cette lettre, c’est l’abandon du premier amour. Mais ce reproche est fait dans le contexte de compliments nombreux et significatifs. Le Seigneur Jésus assure qu’il approuve les œuvres de cette église, c’est à dire son fruit, sa conduite, son témoignage. Il la félicite pour sa constance à y travailler sous son regard, lui qui marche au milieu des sept chandeliers. De nouveau il la félicite pour sa constance, cette fois en lien avec ce qu’elle a souffert, sans se lasser. Jésus dit bien : souffert pour mon nom (v 3).

Le Seigneur dit ces mêmes choses à toute époque.  Il assure aux églises combien il agrée la pratique persévérante des œuvres bonnes que Dieu a préparées d’avance (Éphésiens 2:10). Et la persévérance quand elles souffrent pour lui. Il ne s’agit donc pas d’éloges superficiels, sensés être effacés par le reproche qui suivra.  D’autant moins que Jésus loue encore deux choses à Éphèse. Une avant le reproche, et une après.

 

Je le sais, tu ne peux supporter les mauvais.

(Ap 2 v 2b)  Singulier compliment : tu ne peux supporter !  Jésus y inclut : tu as éprouvé ceux qui se disent apôtres et ne le sont pas, et tu les a trouvés menteurs. Ces derniers se présentaient comme étant, non parmi les douze, mais parmi quelques autres que Dieu suscitait pour poser le fondement. L’église avait un critère pour voir s’ils étaient vrais ou faux : leur conformité ou non à l’enseignement de Christ confié aux douze.  Les faux que Jésus prévoit (Matthieu 24:11), que Jean pointe (2 Jean 1:9), que Pierre signale (2 Pierre 2:1), que Paul annonce (Actes 20:29), qu’il dénonce (2 Corinthiens 11:4 et 2 Corinthiens 11:13), les faux qui ont égaré la chrétienté au long des siècles, les faux d’aujourd’hui… ont en commun de trahir la fidélité à Dieu au profit de l’originalité d’une pensée ou d’une mystique.

Autre singulier compliment : tu hais les œuvres des nicolaïtes (pas leurs personnes) !  Et Jésus ajoute qu’il les hait aussi (Ap 2 v 6). La lettre à Pergame précisera que leur doctrine était idolâtre et menait à la débauche ; ici, Jésus félicite l’église d’avoir en dégoût idolâtrie et débauche.

Il dit ces mêmes choses aujourd’hui, et à la fin.  Dans nos églises Jésus loue, non les cœurs naïfs ouverts à tout apport spirituel, mais ceux qui vérifient si l’apport sert la vérité ou la tord. Jésus loue, non une tolérance à tout, mais la haine des souillures. À ses yeux, ça fait partie de la fidélité. Bienheureux les cœurs purs (Matthieu 5:8).

 

J’ai contre toi que tu as abandonné ton premier amour.

(Ap 2 v 4)  Que signifie premier amour ? L’expression désigne non pas une émotion, mais le début d’une découverte de Dieu. Comme l’Apocalypse entier, l’expression fait écho aux Écritures.  Ici, c’est Jérémie 2:2, où l’Éternel dit : je me souviens de ton amour de jeune fille, de ton affection de fiancée, quand tu me suivais au désert. C’est à dire : par la sortie d’Égypte et l’alliance au Sinaï, tu avais commencé à me connaître et à m’aimer.

Il en va de même à toute époque.  Pour toute église, le premier amour c’est l’amour du nouveau converti pour Dieu. Non seulement cet amour est nouveau par rapport à tout amour connu avant notre conversion, mais surtout il résulte de notre adoption dans l’amour vraiment premier, celui du Père envers son Fils unique (Jean 5:20 et Jean 17:26). Alors la rencontre avec le Christ sauveur produit le vouloir et le faire. L’image des fiançailles appuie cette idée : tout ce que l’église fait, elle le fait par amour pour lui.

 

Que signifie ‘tu as abandonné’ ?

Vu le contexte, Jésus ne dit pas à cette église qu’elle ne l’aime plus. Il vient de dire qu’elle persévère à œuvrer pour lui, et persévère en souffrant pour lui, qu’elle discerne ceux qui tordent sa parole, qu’elle hait ce qu’il hait.  Mais Jésus pointe bien un abandon, à ses yeux pas anodin (j’ai contre toi que…). Pour comprendre où est l’abandon, il faut lire les termes de la solution : souviens-toi donc d’où tu es tombée, repens-toi, et pratique tes premières œuvres (Ap 2 v 5). Solution triple.  D’abord Jésus pousse cette église à se souvenir de son amour du début.  Ensuite, il ordonne un repentir.  Enfin, à cette église qui œuvre fidèlement, Jésus prescrit d’œuvrer… comme au début.  Quelque chose (était-ce la satisfaction, la peine, la routine ?) avait semble-t-il changé une belle église mue par la reconnaissance, en une belle église de devoir – que Jésus loue cependant.

Mais il reste que, dans la bouche de Jésus, les mots « abandon du premier amour » font écho à ses mots plus lourds : l’amour du plus grand nombre se refroidira (Matthieu 24:12). D’où sa mise en garde : sinon je viendrai à toi et j’écarterai ton chandelier (l’église) de sa place, à moins que tu ne te repentes (Ap 2 v 5b). Deuxième appel au repentir, et menace de déplacer cette église de son rang, de lui ôter son rayonnement présent (et probablement une récompense).

Le Seigneur parle semblablement aujourd’hui.  Que nos églises se souviennent que leur nature est liée à : tu aimeras l’Éternel. Qu’elles se repentent de ce qui les en a éloignées, et qui sera indiqué par l’Esprit de Jésus. Puis qu’elles agissent de nouveau par cet amour premier.

Au vainqueur, je donnerai à manger de l’arbre de vie qui est dans le paradis de Dieu (v 7).

 

 

 

 

LA LETTRE À SMYRNE

(Apocalypse 2:8-11)

 

Elle est adressée à une église très éprouvée, puis persécutée.  Celui qui y parle est le premier et dernier, celui qui était mort et qui est revenu à la vie. Celui qui a souffert pour cette église !

 

Je connais ta tribulation.

(v 9a)  Je sais ta détresse, et ta pauvreté, mais tu es riche. En disant : je sais, Jésus console déjà.  À cette église en peine, église insignifiante pour le monde, Jésus donne son verdict : elle est riche en foi et en prix devant lui. Jésus prend parti pour elle, contre les graves calomnies de faux croyants : je sais les blasphèmes de ceux qui se disent Juifs et ne le sont pas (v 9b). Ceux-ci ne mentent pas sur leur ethnie, mais sur leur légitimité spirituelle, c’est à dire leur fidélité à l’Éternel et à son Messie (Actes 4:26-27). Les mots ‘ils ne le sont pas’ s’expliquent par : leurs cœurs incirconcis (Lévitique 26:41) et : le Juif c’est celui qui l’est intérieurement (Romains 2:28-29).

Jésus ajoute une expression difficile (ils sont une synagogue de Satan, Ap 2 v 9b) qui désigne non pas tout Juif, mais certains qui veulent détruire son église. Dans l’Évangile il avait dit d’une part : je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël (Matthieu 15:24), et d’autre part : vous avez pour père le diable (Jean 8:44). Sa première parole invite des Juifs qui n’ont pas encore pu croire au Messie Jéshua. Sa deuxième fustige certains chefs Juifs (cf. Actes 14:19).

 

Ne crains pas ce que tu dois souffrir.

(Ap 2 v 10)  Le texte dit bien ‘tu dois’ et se comprend avec ‘puisqu’il le faut’ (1 Pierre 1:6). Ephèse avait souffert pour Jésus, mais ici ce sera bien davantage. C’est Jésus qui l’annonce : le diable va jeter certains d’entre vous en prison. Et qui aussitôt réconforte, en quatre fois.  D’abord, Jésus aide en prononçant : ne crains pas, parole de vie adressée par celui qui maîtrise le diable.  Puis, il aide en disant le sens : afin que vous soyez éprouvés. Le but (afin que) est bien sûr celui de Dieu, qui les sanctifie par la vérité mais aussi par l’épreuve de leur foi (1 Pierre 1:7).  Ensuite, Jésus réconforte par sa maîtrise du volume des tourments de cette église : dix jours. Ça signifie probablement beaucoup mais limité.  Enfin Jésus console par une demande : sois fidèle jusqu’à la mort. Et par une promesse : et je te donnerai la couronne de vie (Ap 2 v 10b).  Seul lui – qui a souffert ! – peut consoler une église fidèle en lui demandant de rester fidèle. Et fortifier une église persécutée, à laquelle il ne reproche rien, en lui précisant : jusqu’à la mort.  (remarque : à l’église de Smyrne, Jésus ne présente pas les souffrances comme étant des sanctions sur le péché, contrairement à Thyatire)

Jésus console de même à diverses époques.  Le contraste entre ce qu’une église perd au présent et ce qu’elle recevra au futur, souligne sa nature d’adoratrice de Dieu. Cela apparaît dans le contexte de la première mention du verbe adorer : par foi en l’Éternel, Abraham accepte de tout perdre pour lui (Genèse 22:5).

 

Jésus dit ces mêmes choses au long des siècles, et pour la fin.

C’est bien lui qui a prédit la persécution. Le serviteur n’est pas plus grand que son maître ; s’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi ; s’ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre (Jean 15:20).  Parfois, Jésus annonce de grandes douleurs pour une église dans une région. L’église à Smyrne est le prototype de toutes les églises persécutées, en tout lieu. Persécutées avec perfidie, spoliation, cruauté morale, torture… Persécutées par des gouvernants mais aussi, prévient Jésus, par des autorités religieuses : quiconque vous fera mourir pensera offrir un culte à Dieu (Jean 16:2).

Comment une église martyr restera fidèle à travers le temps et l’affliction ? Par la vertu de celui qui est éternel, qui est le premier et le dernier, qui était mort et il vécut.  Par son Esprit, il lui promet : le vainqueur, pas de danger qu’il soit atteint de la seconde mort ! (Ap 2 v 11).

 

Note annexe. 

Pourquoi la lettre, comme les sept, est-elle adressée à l’ange de cette église ?  C’est probablement en lien avec Ap 1 v 1 : Jésus fait connaître les choses à Jean par l’envoi de son ange. La nature du messager (c’est le sens du mot ange) souligne l’importance du message (cp. Actes 7:53). Ce fut le cas tout au long de l’histoire du salut, par exemple avec l’ange envoyé vers Josué, et surtout l’ange envoyé à Marie puis Joseph, et aux bergers.  Ici, le fait qu’un ange transmette la lettre, souligne qu’elle vient du Christ céleste et qu’elle pointe des enjeux éternels. Solennité commune aux sept lettres.  (évidemment, le sens n’est pas que l’ange sera persécuté ; ni que Jésus nommerait ange « le » responsable de l’église, vu que dans le NT c’est toujours un collège qui dirige une église)

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