Ces deux lettres se ressemblent. Toutefois, dans la seconde Jésus adresse un compliment plus large, et un reproche beaucoup plus grave. Il faut en comprendre les termes.  (voir aussi l’article sur les lettres à Éphèse et à Smyrne)

 

LA LETTRE À PERGAME

(Apocalypse 2:12-17)

 

Elle est écrite pour une église très exposée, très fidèle, mais où certains se corrompent.

Note, comme pour chacune des sept, Jésus ne dit pas : l’église de Pergame, mais l’église dans Pergame (litt.) ; comme lui-même n’était pas du monde mais envoyé dans le monde (Jean 17:16-18).

 

Je sais où tu demeures.

(v 13a)  Par ces mots Jésus désigne le lieu concret où cette église vit. Là est le trône de Satan, c’est à dire un lieu où les gens sont particulièrement réceptifs à l’influence du diable. L’emploi du mot trône au sujet de Satan, dénonce en fait une usurpation : la ville était massivement dévouée aux faux dieux (l’autel de Zeus y avait la forme d’un trône).  Mais, en disant : je sais, Jésus rassure cette église.

Il rassure aussi toute église de toute époque, qui vit dans un lieu où l’environnement spirituel et moral est plus maléfique qu’ailleurs.

 

Tu retiens mon nom, et tu n’as pas renié ma foi.

(v 13)  Vu l’environnement, ce double éloge a du poids !  Le Seigneur félicite cette église de résister au diable en ‘tenant ferme le nom de Jésus’ sans fléchir le genou devant un autre nom. Il félicite l’église de résister en ne reniant pas ‘ma foi’ c’est à dire celle que Jésus a donnée, et ce qu’il a dit de croire.  Le Seigneur appuie ce double éloge en rappelant que l’église à Pergame lui est restée fidèle même aux jours où Antipas, mon témoin fidèle, fut tué chez vous, là où demeure Satan (v 13b). Antipas, martyr isolé, semble être un prototype de tout chrétien dont la mise à mort, en tout siècle, afflige une église locale mais aussi peut l’intimider.  Si Jésus indique une seconde fois qu’il sait le rôle de Satan, c’est encore pour rassurer l’église.

 

Mais j’ai contre toi quelque grief.

Tu as là des gens qui maintiennent la doctrine de Balaam : il enseignait à Balaq à faire en sorte que les fils d’Israël trouvent une occasion de chute en mangeant des viandes sacrifiées aux idoles et en se livrant à la débauche (Ap 2 v 14). Balaam, ‘devin-prophète’ soudoyé par Balaq roi de Moab pour affaiblir Israël en le maudissant, en fut empêché par Dieu (Nombres chapitres 22 à 24). Mais il suggéra que les filles de Moab invitent le peuple aux sacrifices de leurs dieux et à la débauche avec elles (Nombres 25:1-2, Nombres 31:16). Il en résulta une grande plaie sur Israël.

À la pensée de Balaam, le Seigneur compare celle des Nicolaïtes, ‘croyants’ déviants dont il dénonce la théorie : ils articulent la convoitise sexuelle avec la découverte d’autres spiritualités, sans doute sous couvert d’amour et de liberté. C’est probablement ce qui a abusé quelques membres à Pergame : de même, tu as toi aussi des gens qui maintiennent pareillement la doctrine des Nicolaïtes (Ap 2 v 15).  Ces membres ne pratiquent peut-être pas carrément la débauche (le v 14 dit litt. : j’ai contre toi un peu), mais au lieu de la haïr ils entérinent le faux amour dont elle découle.

 

Repens-toi donc.

Même si son grief est limité à quelques membres contaminés, Jésus se montre tout à fait exigeant. C’est à l’église entière qu’il fait reproche. Il lui ordonne le repentir, non pas qu’elle ait soutenu cette doctrine mais elle en a toléré des partisans. Et il avertit. Repens-toi donc, sinon je viendrai à toi bientôt, et je les combattrai avec l’épée de ma bouche (v 16).  Sa parole, l’épée aigüe à deux tranchants (v 12), pénètre, sépare, juge les pensées du cœur (Hébreux 4:12-13). Elle visite l’église, mais elle combattra des individus, elle s’opposera durement à eux.

Bien sûr, l’épée aigüe fait de même pour les églises de tout siècle. Elle y distingue la fidélité. Elle y pointe une contamination.

Au vainqueur je donnerai de la manne cachée (Ap 2 v 17). C’est le vrai pain du ciel (Jean 6:32), Christ lui-même, comparable à aucune des spiritualités prétendant combler les âmes.  … et un caillou blanc. C’est l’approbation de Christ, son ‘suffrage d’acquittement’ en faveur de l’église (à l’inverse de Actes 26:10 où Paul dit : j’apportais mon suffrage, litt. mon caillou). Approbation qui balaiera les avis du monde.  … sur ce caillou est écrit un nom nouveau que personne ne connaît, sinon celui qui le reçoit. C’est la future dimension d’identité et d’adoption qui sera reçue du Christ !

 

 

LA LETTRE À THYATIRE

(Apocalypse 2:18-29)

 

L’église destinataire est remarquable !  Mais Jésus y condamne un ministère pour sa séduction instituée. Ce n’est pas un hasard si la lettre commence par : voici ce que dit le Fils de Dieu ! Qui a les yeux comme une flamme de feu, et les pieds comme du bronze, c’est à dire qui voit tout, et qui vient juger.

 

Je connais tes œuvres, ton amour, ta foi, ton service, ta persévérance…

(v 19)  et tes dernières œuvres, plus nombreuses que les premières. On peut difficilement imaginer un éloge plus complet. Il est plus large que dans les lettres précédentes. Rien n’y manque : Jésus dit que cette église agit, aime, croit, sert (ça implique générosité, bon témoignage, et divers dons) ; le tout sur la durée, et même avec des progrès !  Clairement, Jésus voit et agrée l’ensemble.

D’une manière comparable, tout au long de l’Histoire de l’Église et jusqu’à la fin, le Seigneur a vu – et verra – tant de choses qui accomplissent sa volonté. C’est lui qui, inlassablement, crée en son peuple le vouloir et le faire ; nos églises lui en doivent une profonde reconnaissance.

 

Mais j’ai contre toi que tu laisses la femme Jézabel, qui se dit prophétesse, enseigner et séduire mes serviteurs…

… pour qu’ils se livrent à l’inconduite et qu’ils mangent des viandes sacrifiées aux idoles (v 20).  À quoi se réfère Jésus ? Achab, un roi d’Israël, avait épousé Jézabel fille du roi de Sidon, et institué à Samarie le culte de Baal (1 Rois 16:31-32) qui impliquait des pratiques occultes et une prostitution sacrée en vue de la fertilité. Plus qu’auparavant, Israël avait donc juxtaposé ce culte à celui de l’Éternel, espérant la prospérité quand même Dieu châtiait en retenant la pluie, par exemple (1 Rois 17:1).

En dénommant ‘Jézabel’ un ministère reconnu à Thyatire, Jésus fustige la légitimation de la porneia (toute relation sexuelle non biblique) et de l’idolâtrie. C’est un amalgame entre dévotions, sexe et inspirations.  À l’église elle-même, le Fils de Dieu, qui a les yeux comme une flamme de feu, reproche seulement de laisser cette femme enseigner.

 

La lettre à Thyatire, et nos églises aujourd’hui.

Dans toute la Bible les idoles sont les divinités païennes. Par l’expression récurrente « le trône de Dieu et de l’Agneau », l’Apocalypse nourrit l’adoration des églises. Mais aussi leur rappelle qu’il y a idolâtrie quand la confiance de cœur due à Dieu et à son Fils, est placée ailleurs : en un esprit, un personnage vivant ou décédé, une chose (Romains 1:25).  Le NT nomme idolâtrie le culte des anges (Colossiens 2:18), la cupidité (Colossiens 3:5), avoir pour dieu son ventre (Philippiens 3:19), ses passions (2 Timothée 3:4), etc. Le lien entre idole et débauche, c’est la passion.

Dans l’Histoire de l’Église l’inconduite sexuelle a abondé. On a aussi agrégé à la foi des superstitions animistes par exemple, ou des philosophies ésotériques, ou diverses mystiques.  Jusqu’à aujourd’hui, les idoles sont Mammon, la Reine du ciel, l’Homme, Éros, la République, Gaïa (la terre), etc. Et voici le rapport avec l’occulte : ce qu’on sacrifie à des idoles, on le sacrifie à des démons et non à Dieu (1 Corinthiens 10:20). Autrement dit, espérer quelque chose d’une idole nous pré-connecte au diable. C’est contre Dieu un adultère, une porneia spirituelle ; souvent couplée à une porneia physique. Comment cela arrive-t-il ?  À Corinthe, certains n’ont pas séparé entre leurs charismes et leur culture païenne.  À Thyatire, on a sans doute tordu un verset (ce que vous vénérez sans le connaître, c’est ce que je vous annonce, Actes 17:23) et prétendu qu’un héritage serait à récupérer chez Satan (voir ci-dessous).  Aujourd’hui, cette dernière idée fait des ravages, façonnant un ‘évangile’ qui n’est plus étranger aux paganismes mais qui serait leur accomplissement.

Remarque : les deux fois où les sept lettres mentionnent un ministère spécifique, apôtres puis prophétesse, c’est pour les dire menteurs et séductrice. Tous ne le sont pas, certes, mais il faut entendre l’avertissement.

 

Je lui ai laissé du temps pour se repentir, mais elle ne veut pas se repentir de sa prostitution.

(Ap 2 v 21).  Jésus attendait le repentir non de l’église mais de Jézabel et ses suiveurs. Maintenant il annonce : voici que je la jette sur un lit, et ceux qui commettent adultère avec elle, dans une grande tribulation, s’ils ne se repentent pas de ses œuvres (v 22), je frapperai de mort ses enfants ; et toutes les églises connaitront que moi je suis celui qui sonde reins et cœurs, et je vous rendrai à chacun selon ses œuvres (v 23).  C’est bien le Fils de Dieu qui fait tout ça ! (comp. c’est pour cela qu’il y a parmi vous beaucoup de malades, 1 Corinthiens 11:30-32 ; Ananias tomba et expira, Actes 5:5 ; les enseignants subiront un jugement plus sévère, Jacques 3:1).  À Thyatire, Christ châtie un ministère et ses fans, dont la séduction est d’autant plus venimeuse qu’ils prétendent fournir des clés spirituelles à partir de leur connaissance des profondeurs de Satan.

Note utile : la lettre n’assimile pas Jézabel à un « esprit de contrôle » mais à une séduction instillant une idolâtrie.

 

Mais à vous, tous les autres à Thyatire qui n’ont pas cette doctrine…

… et n’ont pas connu, comme il disent, les profondeurs de Satan, je dis : je ne mets pas sur vous d’autre fardeau ; seulement, ce que vous avez, tenez-le ferme jusqu’à ce que je vienne (Ap 2 v 24-25).

Jésus sépare tout net entre les séducteurs et le reste de l’église. Il la rassure : à ses yeux, elle ne porte pas le poids du péché de Jézabel. Ce que Jésus commande à l’église c’est de tenir ferme ce qu’elle a, ce qui implique de ne plus être accommodante.

Au vainqueur, qui garde mes œuvres jusqu’à la fin (qui, en vue de l’échéance ultime, soit tient ferme, soit se repent d’avoir suivi la séduction), je donnerai autorité sur les nations (v 26). Le vainqueur sera associé au règne du Fils juge, dont il est écrit : avec un sceptre de fer il les fera paître, comme on brise un vase d’argile (v 27, citant Psaumes 2:9), comme moi aussi j’ai reçu de mon PèreEt (au vainqueur) je lui donnerai l’étoile du matin (Ap 2 v 28), Christ lui-même (selon Apocalypse 22:16).

 

Début magnifique, suite difficile ; par les lettres à Pergame et à Thyatire le Seigneur Jésus alerte ses églises de tout siècle sur leur friabilité face à l’idolâtrie ! Puisse notre génération écouter ce que l’Esprit dit aux églises par ces lettres (Ap 2 v 29).

 

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