Concernant ce règne, on trouve dans le christianisme deux expressions, l’une est classique : « il règne dans nos cœurs », l’autre est récente : « il faut établir le royaume de Dieu ». Mais la Bible n’emploie ni l’une ni l’autre. En fait, l’une et l’autre réagissent au même paradoxe : Dieu règne mais nous ne voyons pas encore que tout lui soit soumis. L’une oublie que le règne de Dieu c’est sa souveraineté universelle, pas d’abord son autorité sur notre âme individuelle. L’autre oublie que Dieu a lui-même établi son règne, l’a fait approcher, et qu’il nous dit de le recevoir puis le proclamer, jamais de le construire. L’une espère surtout le royaume futur. L’autre veut voir un royaume terrestre.

 

première partie :

L’ÉTERNEL RÈGNE, IL EST REVÊTU DE MAJESTÉ

Royaume, règne, royauté de Dieu : dans la Bible ces mots ne désignent pas trois choses distinctes. Ils traduisent un même mot hébreu, que l’AT emploie environ 75 fois au sujet de Dieu (sans compter trône, majesté, domine, etc). Royaume, règne, royauté : c’est le pouvoir et l’action du Dieu des cieux, l’autorité agissante du Dieu créateur et sauveur.

 

L’Éternel a établi son trône dans les cieux et son règne domine sur toutes choses.

(Ps 103 v 19)  Pourquoi le règne de Dieu est-il proclamé comme tout à fait réel ? Parce qu’il est céleste. Jésus le souligne en donnant un sens rigoureusement équivalent aux expressions « royaume de Dieu » et « royaume des cieux » (Mt 19 v 23-24). Pourquoi y a-t-il un royaume ? Parce qu’il y a un Roi : Dieu sur le trône !  Précision : Dieu est ‘roi’ implique qu’il est légitime, alors qu’un ‘empire’ n’est que la loi du plus fort.

L’Éternel règne, il est revêtu de majesté (Ps 93 v 1). Partout, la Bible confesse et chante que l’Éternel règne déjà. Il est utile de noter que, par pédagogie, Dieu indique d’abord ce que son royaume n’est pas : dans Genèse, le mot royaume désigne le pouvoir des rois de la terre. Puis, d’Exode à Malachie, le texte développe ce qu’est son royaume, en opposant cette notion à celle de pouvoir humain. Jésus résume cela en disant au gouverneur : mon royaume n’est pas de ce monde (Jn 18 v 36).

 

Réalité céleste, le règne de Dieu se montre dans ses interventions envers son peuple.

Tout l’AT a affirmé la royauté éternelle de Dieu, qu’elle soit vue ou non. Mais elle était vue dans ses œuvres de créateur : l’Éternel règne, aussi le monde est ferme, il ne chancelle pas (Ps 96 v 10). Vue dans ses jugements : l’Éternel juge les peuples avec droiture (id). Vue dans divers évènements ou époques : l’Éternel siégeait lors du déluge, l’Éternel siège en roi pour toujours (Ps 29 v 10). Surtout, sa royauté était vue dans les délivrances accordées à son peuple : l’Éternel règnera éternellement et à toujours (Exd 15 v 18). Ce cri a suivi la délivrance d’Égypte et la destruction de l’armée du Pharaon, qui ont manifesté que Dieu règne. Manifestation fondatrice pour la foi d’Israël.

Les rois passent, qu’ils soient petits (Jos 12) ou grands (Dn 2 v 37). Mais le règne de Dieu est en tous les siècles et toutes les générations (Ps 145 v 13). Il a autorité indépendamment de ce que l’homme fait ou pas : le Roi des rois est en lui-même bienheureux (1 Tim 6 v 15). L’AT déclare : le Très Haut est redoutable, grand roi sur toute la terre (Ps 47 v 3), Dieu est roi sur toute la terre (v 8) ; il règne sur les nations, il siège sur son saint trône (v 9). Le titre « l’Éternel des armées » récapitule l’ensemble. De diverses manières donc, il manifeste son règne, même si on ne le voit qu’en partie.

 

Dans toute la Bible, dire : « l’Éternel règne » est un cri de contentement.

En effet, le messager de très bonnes nouvelles publie le salut, et dit à Sion : ton Dieu règne ! (Es 52 v 7). Chanter son règne signifie se réjouir car c’est lui qui est, qui crée, qui fait loi, qui se fait aimer, qui juge, qui sauve. Dans l’AT on publie la gloire de son règne (Ps 145 v 11-12), on chante qu’il règne dans les cieux et éternellement. On chante que ça change beaucoup de choses ici-bas, premièrement pour ses fidèles (v 10). Et on se réjouit de la promesse d’un règne par le Messie. Il enseignera à prier : que ton règne vienne (Mt 6 v 10)… parce que : c’est à toi qu’appartient dans tous les siècles, le règne (v 13).

 

Je suis l’Éternel, votre Saint ; le créateur d’Israël, votre roi.

(Es 43 v 15)  Puisque Dieu est roi au ciel et sur terre, pourquoi a-t-il précisé : roi d’Israël ? Parce que son dessein était de révéler à des hommes qu’il a un Élu (Es 42 v 1), le Messie, sous l’autorité duquel il veut tout réunir (Eph 1 v 9-10). Cet Élu éternel, Dieu l’a progressivement révélé dans le cadre de l’élection d’Abraham et de sa descendance. Dans ce cadre-là, il a montré de plusieurs manières sa majesté royale : car l’Éternel est notre juge, l’Éternel est notre législateur, l’Éternel est notre roi : c’est lui qui nous sauve (Es 33 v 22). Il a dévoilé sa royauté (Es 6 v 1) et celle du Messie qui est son Fils (Ps 2 v 6-7), royauté hors de laquelle les hommes périssent (v 12). Le Roi sauveur a donc créé Israël pour être un « fournisseur d’accès » vers lui (Rm 3 v 2 et 9 v 4-5), pour ceux qu’il appelle.

 

 

 

deuxième partie :

LE ROYAUME DE DIEU S’EST APPROCHÉ

(Mc 1 v 15)  En disant cela, Jésus rappelle à ses auditeurs ce que les Écritures disaient du règne de Dieu : il est réalité céleste, et il est intervention envers eux. En disant « s’est approché », Jésus dit que maintenant Dieu intervient plus directement, de plus près ! C’est la bonne nouvelle, qui accomplit la promesse d’une alliance nouvelle : tous me connaitront (Jér 31 v 31-34). Sur l’initiative unilatérale de Dieu, au jour fixé, le Roi se rapproche d’eux : la lumière est venue chez les siens (Jn 1 v 11), la parole a été faite chair (v 14), la grâce et la vérité sont venues (v 17). Salut et libération : si c’est par l’Esprit de Dieu que moi je chasse les démons, le royaume de Dieu est donc parvenu jusqu’à vous (Mt 12 v 28). Et Jésus commande de croire cette bonne nouvelle.  (le NT mentionne plus de 200 fois le royaume de Dieu et du Christ)

 

Quiconque ne recevra pas le royaume de Dieu comme un petit enfant, n’y entrera pas.

(Mc 10 v 15)  Qu’est-ce qui dit le mieux les objectifs actuels du règne de Dieu ? La façon dont Jésus parle de le recevoir ! Dans la Bible, le royaume de Dieu est à la fois son pouvoir de rédemption et la cité céleste. Les interventions du Roi accomplissent le salut, et nous orientent vers le paradis (Lc 23 v 43). C’est à la fois simple et grandiose.

Jésus dit pour qui est le royaume. Le règne des cieux est pour ceux qui ressemblent aux petits enfants (Mt 19 v 14). C’est un bonheur ! Bienheureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux (Mt 5 v 3). Annoncé à tous, il ne s’ouvre qu’aux cœurs humbles rendus sensibles à ce que Dieu veut faire (comme un DVD ne s’ouvre que dans tel logiciel). Ce règne change ceux qui le tiennent pour plus précieux que tout ce qu’ils ont et sont (Mt 13 v 44). Mais il échappe à ceux qui veulent conserver leurs valeurs et impureté, se promouvoir et dominer.

Rappel capital, le royaume des cieux existe en lui-même, et non à mesure que des hommes le reçoivent. Dieu est déjà roi, et l’idée d’une royauté qui viendrait graduellement à l’existence est étrangère aux Écritures (G-E Ladd, Théologie du NT).

 

Jésus dit la manière dont le royaume doit être reçu.

Le royaume de Dieu est proche, repentez-vous (Mc 1 v 15). Selon Jésus, l’autorité royale de Dieu demande notre repentance ; et aussi la déclenche. Le fait que Dieu soit roi ne consiste pas en paroles seulement mais en puissance (1 Co 4 v 20), et va produire en nous la crainte de son nom, la foi en sa grâce, la nouvelle naissance, la ressemblance à Jésus, etc. Aimer son règne c’est accepter que son autorité nous change : repentez-vous parce qu’il est proche, et non pour qu’il s’approche. Comment reçoit-on le royaume ? En recevant Jésus et sa parole (la parole du royaume, Mt 13 v 19), en entendant, en comprenant, en portant du fruit (v 23).

Quand s’approche le règne de Dieu, pour comprendre correctement que faire et comment être, le mieux est de considérer les verbes que Jésus emploie (sans ajouter des verbes de notre cru). Car ses verbes à lui font de ceux qui l’écoutent des ‘fils du royaume’ suscités par le Roi incarné (Mt 13 v 38).

 

Concernant notre salut, Jésus parle de recevoir le royaume, et y entrer, le voir.

Recevoir le règne de Dieu. Comment ne pas le recevoir, puisqu’il est justice et gloire de Dieu, grâce et salut par Dieu ! L’insistance sur « recevoir » implique que l’intervention du pouvoir royal, et le bénéfice qui vient avec, sont donnés d’en haut. Ce n’est pas l’homme qui les obtient par mérite.

Entrer dans le royaume de Dieu est la conséquence. En fonction des versets, y entrer signifie soit : expérimenter dans notre vie la transformation qu’opère le règne de Dieu (Mt 23 v 13), soit : être introduit au dernier jour dans son royaume céleste » (2 Tim 4 v 18).

Voir le royaume de Dieu (Jn 3 v 3-5), c’est pareil qu’y entrer. C’est, étant né de l’Esprit, entendre, voir, contempler, toucher ce qu’opère dès maintenant la parole de vie (1 Jn 1 v 1), ensuite c’est voir la face de Dieu dans le royaume des cieux (Ap 22 v 4 et Mt 8 v 11). En fait, si on est fils adopté (Eph 1 v 5), c’est par la royauté de Christ et de Dieu (Eph 5 v 5).

 

Le royaume doit être attendu, Jésus parle de prier pour sa venue, et de le chercher.

Attendre le royaume de Dieu. Quiconque craint Dieu prend pour perspective l’œuvre du Roi sauveur, et non les décisions des puissants qu’ils soient religieux, juridiques, ou politiques (Lc 23 v 51).

Prier que vienne le règne du Père céleste. Amen ! Jésus commande cela aux siens (Mt 6 v 10). Pour sanctifier son nom, ils prient que brille son pouvoir de juge Sauveur jusqu’à son retour.

Chercher premièrement le règne de Dieu et sa justice (Mt 6 v 33). C’est être cohérent avec la prière. Concrètement, c’est nous efforcer de servir en priorité l’Évangile, au lieu de ne penser qu’à nos besoins.

 

Concernant notre appel, Jésus parle de tout quitter pour le royaume, nous priver, et le proclamer.

Tout quitter pour le royaume. Les Évangiles y insistent, ils rapportent l’appel de Jésus : suis-moi (Lc 9 v 59), quiconque regarde en arrière n’est pas bon pour le royaume de Dieu (v 62). Ils rapportent l’obéissance des disciples (Lc 18 v 28-29), et les paraboles de Jésus (Mt 13 v 46).

Se priver douloureusement pour le royaume. Parfois, plus que quitter quelque chose, des élus renoncent à un bonheur personnel et légitime : il y en a qui se sont rendus eunuques, en vue du royaume des cieux (Mt 19 v 12).

Proclamer que le royaume des cieux est proche (Mt 10 v 7). Les verbes précédents orientaient surtout l’attitude de cœur. Celui-ci est, au sujet du règne de Dieu, le seul commandement de mission. Il implique de dire et de démontrer la seigneurie du Sauveur : cette bonne nouvelle du royaume (celle que vous avez vue en moi) sera prêchée dans le monde habité entier (Mt 24 v 14). Jésus précise que c’est pour servir de témoignage à toutes ethnies (et non pour les gouverner).

 

Reconnaissance ! Le Père nous a délivrés du pouvoir des ténèbres, et nous a transportés dans le royaume du Fils de son amour (Col 1 v 13).  Espérance ! Je ne boirai plus de ce fruit de la vigne jusqu’au jour où j’en boirai du nouveau, avec vous, dans le royaume de mon Père (Mt 26 v 29).

 

(l’article suivant sera : LES MYSTÈRES DU ROYAUME DE DIEU)