La question peut se poser autrement. Dans nos Églises, l’espérance est-elle restée ce que Dieu dit qu’elle est ?  Ou mettons-nous notre espoir ailleurs, par exemple en confondant les promesses divines avec le rêve d’un monde prospère où toutes les spiritualités se seraient fondues en un ‘pseudo évangile dominateur’ ?

Le but de cet article est, en partant de l’espérance, de voir qu’il y a un lien entre une réalité et le mot qui la désigne. Et ainsi, de réfléchir à la nature du vocabulaire biblique due à son inspiration.

première partie

ESPÉRANCE OU RÊVE : QUE DIT DIEU ?

La question porte sur le ‘rêve’ pris, non au sens propre (rêve durant le sommeil), mais au sens figuré (désir, idéal qu’on veut atteindre). Pour l’homme naturel, espoir et rêve sont très proches. Les deux désignent ce qu’on voudrait voir arriver, les deux impliquent une incertitude quant à l’accomplissement.  Mais pour le disciple de Christ, le propre de l’espérance c’est la certitude. Cela en raison de l’emploi que Dieu fait du mot ‘espérance’ (et de l’absence du mot ‘rêve’ au sens figuré dans la Bible).

Dans la Bible, on peut espérer uniquement ce que Dieu a promis.

Plus que par les dictionnaires français, grec, hébreu… la signification du mot espérance nous est donnée par le contexte biblique. Autrement dit par Dieu lui-même.  C’est lui qui n’a que rarement employé le mot au sens humain courant (Lc 6 v 34 ou 23 v 8). C’est lui qui a choisi de l’employer massivement pour désigner deux choses dont il est garant. D’abord la réalité céleste qu’il nous donne à espérer, ensuite le fait même que nous l’espérons et l’attendons. (voir : D’APRÈS LA BIBLE, QUE FAUT-IL ESPÉRER ?) Autrement dit, selon Dieu, ce n’est pas au cœur humain de choisir ce qu’il peut ou veut espérer. Ce n’est même pas au cœur régénéré de choisir, puisqu’il n’est pas initiateur de l’espérance, mais bénéficiaire. Or la chair ne peut admettre de ne pas choisir, elle va donc rechercher tout moyen de joindre espérance et volonté personnelle.  Néanmoins, contrairement aux hommes, Dieu n’appelle espérance ni leurs désirs naturels, ni leurs aspirations spirituelles quand elles déforment ses promesses (Lc 24 v 21).

La Bible emploie le mot ‘rêve’ uniquement au sens propre.

En français le verbe rêver a premièrement un sens propre (rêver en dormant). Et deuxièmement un sens figuré (imaginer, se projeter), pas toujours distinct d’un troisième sens (caresser des chimères).  Sans doute, comme toutes les cultures, Israël avait-il un mot correspondant au deuxième sens. Pourtant, par l’Esprit de Dieu, les Écritures n’emploient jamais le mot rêve ou songe au sens figuré ! Toujours au sens propre.  Assez souvent (env. 50 x), elles montrent Dieu inspirant des songes : quand il y aura un prophète, c’est dans une vision … un songe que je lui parlerai (Nbr 12 v 6). Rarement (3 x), elles mentionnent le rêve naturel : la multitude des pensées produit le rêve (Ecc 5 v 2). Parfois (11 x), elles parlent de rêves vains ou trompeurs : n’écoutez pas vos propres rêves (Jér 27 v 9).  Le NT n’emploie rêve ou songe que 7 x, au sens propre : pour Joseph, les mages, et : vos vieillards auront des songes (Act 2 v 17).

Précision importante, quand Dieu parle par songe à une personne, c’est elle qui en saisit le sens (Mt 1 v 20, 2 v 12, 27 v 19). À Joseph ou Daniel, Dieu a indiqué la signification d’un songe qu’il avait donné à un étranger ; mais nulle part le texte biblique n’en conclut que chaque croyant devrait interpréter les rêves d’autrui.  (voir ANNEXE en fin d’article)

Comment le mot ‘rêve’ au sens figuré a-t-il pris tant de place ?

Le verbe a d’abord eu un sens péjoratif, proche de divaguer.  Puis il a désigné les idéaux individuels ou collectifs, au siècle français des Lumières, dans le « rêve Américain », l’Internationale communiste, la Décolonisation, etc.  Ensuite, le verbe est devenu omniprésent à propos du succès dans l’entreprise, la politique, l’art, le sport, l’épanouissement, avec l’idée d’un ‘pouvoir’ du rêve.  Finalement le christianisme – toujours poreux au monde – a plaqué ce verbe sur sa piété, pour dire : vision (au sens figuré) ou projet. Et aussi pour stimuler l’action, prétendant que tout service pour Dieu résulte de nos rêves. Ce qui est une idée aux racines païennes. Le texte biblique montre autre chose : il ne dit pas qu’Abraham aurait rêvé d’une postérité nombreuse comme les étoiles (Gn 15 v 2), mais que Dieu lui en promet une (v 5), sans pousser Abraham à accomplir la promesse. Dans le NT, les conversions, la mission, les dons, l’Église, ne sont jamais présentés comme ayant été au préalable le rêve des disciples.  Parce que le propre de la puissance et la grâce de Dieu c’est des choses qui ne sont pas montées au cœur de l’homme (1 Co 2 v 9). Dessein, élection, appel, envoi, disciple, commandement… tous ces mots bibliques magnifient la volonté de Dieu. Alors, pourquoi investir notre foi dans ce mot ‘rêve’ qui, au sens figuré, est absent des Écritures ; et qui flatte notre volonté en véhiculant surtout l’idée de nous réaliser nous-mêmes ?  Certains argumentent : « mes rêves sont ceux que Dieu me donne ». Mais l’argument revient à dire : ce que, dans la Bible entière, Dieu ne fait jamais résulter de la capacité des siens à imaginer, il le fait avec moi. Une telle ambition spirituelle est encouragée surtout dans les courants où l’on revendique qu’être conduit par l’Esprit implique parfois de sortir du cadre de l’Écriture.  D’autres argumentent : « mes rêves ne sont que le moyen de m’approprier les œuvres préparées d’avance par Dieu ». Mais, de nouveau, pourquoi est-ce un moyen absent des Écritures qui devrait me faire mieux entrer dans la volonté de Dieu ?

Peut-on dire que Dieu rêve ?

Est-ce une vraie question ? Pas du tout. Puisque dans la Bible rêver est une chose uniquement humaine.  Rêver, au sens propre, implique l’état non conscient du sommeil ; cela ne peut absolument pas s’appliquer à Dieu !  Rêver, au sens figuré, implique d’ignorer si le désir se réalisera ou pas ; cela ne peut pas davantage s’appliquer à Dieu !  Dire, contre le vocabulaire biblique, que par exemple la prédestination c’est Dieu qui rêve, revient à plaquer sur Dieu notre nature humaine assujettie au temps. Quand on enseigne aux saints qu’ils doivent rêver parce que Dieu rêve et que c’est cela qui déclenche la réussite, on ‘paganise’. Ça ressemble à : vous serez comme des dieux (Gn 3), mais ça masque : celui qui aura trouvé sa vie la perdra (Mt 10 v 39 litt.). Certains paganisent en présentant comme modèle un personnage qui a rêvé puis brillamment réussi dans les affaires ; selon Jacques (Jcq 4 v 13) il est plutôt modèle de présomption et de gloriole (v 16).

 

deuxième partie

VOCABULAIRE BIBLIQUE ET INSPIRATION

Dans la façon dont s’est formée l’Écriture, qu’est-ce qui fait que ses mots véhiculent la vie ?  Le sujet « espérance ou rêve » oblige à creuser un peu cette question.

Le langage biblique vient de Dieu.

Malgré le vécu très varié des auteurs et les siècles qui les séparaient, le texte biblique montre une providentielle unité de langage. Et même de vocabulaire. Du moins pour les choses essentielles. Cela s’explique uniquement par Dieu : il s’est révélé en agissant et en parlant. Il a créé, fait alliance, délivré, etc. Parallèlement, il a dit le sens de son œuvre en donnant à des éléments réels valeur d’images : ténèbres, sang, arche, etc. Et il a dit son œuvre en choisissant des mots : séparer, bénir, souffler, repos, promesse, commander, etc. Mais aussi : amour, espérance, foi, sainteté, crainte, etc.  Il est capital de noter que images et mots perdurent de Genèse à Apocalypse en conservant leur sens.

Il y a continuité entre inspiration et vocabulaire biblique.

Concernant Dieu, la Bible évoque une ‘parenté’ Esprit – Parole – Écriture (pour lire plus, voir étiquette : ÉCRITURES).  Voilà la raison suprême pour ne pas mépriser le lien que Dieu a mis entre ses réalités et ses mots. Au fur et à mesure qu’il a fait écrire ses paroles, l’inspiration qu’il donnait aux auteurs garantissait l’unité de langage qu’on observe dans toute la Bible. C’est pourquoi, aujourd’hui encore, le vocabulaire biblique est le contenant que Dieu juge approprié à la communication de sa grâce. Si ce vocabulaire vient de Dieu, c’est pour mieux servir Dieu et son dessein.  Puisque nous croyons que l’Écriture est inspirée de Dieu (2 Tim 3 v 16) avec précision (Mt 5 v 18), allons-nous négliger son vocabulaire ?

Le vocabulaire de Dieu sert sa révélation.

Dieu a agi et parlé et fait écrire la Bible, non pour rencontrer les idéaux humains, mais pour révéler des choses qui ne sont pas montées au cœur de l’homme, et sont hors de sa portée : expiation, régénération, sanctification, etc.  Du début à la fin, Dieu révèle son salut par son Esprit et par ses mots. Trahir son vocabulaire c’est éloigner les gens de la révélation. Faire correspondre l’Écriture aux passions obscurcies des incroyants, c’est leur masquer le salut. Par ailleurs, supprimer des mots clés comme saint, crainte, grâce, repentance, etc. c’est causer aux croyants un affaiblissement spirituel. Il est faux de penser que, pour les choses saintes, changer le contenant (le vocabulaire biblique) n’aura aucun effet sur le contenu (la vérité qui libère). Illustration. Qu’arrive-t-il à l’eau potable si, pour la transporter, on remplace les bouteilles par quelques bidons ayant contenu des engrais chimiques ?  De même, des mots qui ont été forgés par le monde pour entretenir sa convoitise, renforceront en nous qui les adoptons notre tendance à vivre pour nous-mêmes.

Maintenir le vocabulaire biblique ou l’adapter ?

D’évidence, le maintenir n’est pas motivé par le seul goût du traditionnel, ou l’émotion liée aux formes apprises dans l’enfance.  D’évidence aussi, il y a des ajustements rendus nécessaires par l’évolution de la langue française (exemple, l’ancienne traduction « sans faire acception de personne » est devenue « sans partialité, 1 Pi 1 v 17). De tels ajustements ne visent que la clarté. Dans notre réflexion, nos exhortations, nos chants, etc. maintenir le langage biblique doit être motivé par la crainte de Dieu, car c’est son langage.  Et si nous employons des mots plus actuels, choisissons seulement ceux qui ne diluent pas la révélation inspirée. Et n’ayons jamais pour motif de coller aux aspirations des incroyants.

En résumé.

Accepter dans notre piété le mot ‘rêve’ n’est pas une inoffensive reformulation de l’espérance et la foi. C’est dédaigner le fait que le vocabulaire biblique conserve l’empreinte de l’Inspiration.  Ce dédain pourrait bien être un formidable producteur d’œuvres que le feu consumera au Jour dernier car, bien qu’œuvres chrétiennes, leur matériau est charnel (1 Co 3 v 12 à 15). Heureusement Paul mentionne aussi des œuvres bonnes que Dieu a préparées d’avance (Eph 2 v 10). Petites ou grandes elles servent Dieu, non parce que nous aurons poursuivi nos rêves comme des idoles domestiques, mais parce que nous aurons suivi le Maître.

 

ANNEXE

Interpréter les rêves des gens est une chose que Dieu a accordé en de très rares occasions, par exemple à Joseph ou Daniel. Mais ce n’est pas une chose qui, dans la Bible, fait partie de la mission du chrétien. Le paganisme considère les rêves comme communications des dieux. Partout, prêtres et sorciers ont développé leurs grilles d’interprétation : telle image symbolise telle chose. Plus récemment, des psychanalystes considèrent les rêves comme messages du subconscient, à décrypter selon des grilles élaborées d’après leurs observations.

À l’inverse, la Bible distingue radicalement entre songe donné par Dieu et rêve naturel. Elle ne dit jamais que nous devrions expliquer les rêves d’autrui. C’est pourquoi elle ne donne jamais de critères d’interprétation qu’il nous faudrait appliquer. La prétention d’interpréter les rêves fait partie d’une tendance récente qui revendique pour ‘le don de prophétie’ tout ce qu’offrent l’ésotérique et l’occulte. Les grilles d’interprétation ‘pseudo chrétiennes’ ne sont en fait que symbolisme et stéréotypes artificiels. Ou, pire, elles ne font que proposer du divinatoire, comme les autres. Il faut résister à cette séduction.

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