L’apôtre Pierre, qui fait cette déclaration, en dit aussitôt le sens : si nous intégrons le fait qu’il y aura une fin, cela nous aidera à vivre selon Dieu et non selon la volonté des hommes. La fin de toutes choses est proche, soyez donc sensés et sobres en vue de la prière (1 Pi 4 v 7).
Pierre insiste.
L’épître encourage à espérer en Dieu, s’abstenir des convoitises, avoir une bonne conduite, malgré la souffrance spécialement la persécution. Le contexte immédiat du verset 7 est : ne pas faire la volonté des païens mais celle de Dieu (v 3 à 6), et : aimer les frères (v 8 à 10). Pierre est-il seul sensible au fait qu’il y aura une fin ? Non. Jean l’est aussi (1 Jn 2 v 28), et Jacques (Jcq 5 v 7), et Paul (1 Co 15 v 19), et Jude (Jud v 21), et l’auteur d’Hébreux (Hb 9 v 27). Plus tard Pierre écrit : le jour du Seigneur viendra comme un voleur, en ce jour les cieux passeront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre avec les œuvres qu’elle renferme sera consumée (2 Pi 3 v 10). La piété des apôtres s’est forgée autour de l’espérance du Jour de Christ. C’est leur joie ultime. Pour eux, la fin n’est pas simplement une chose à annoncer mais aussi un moteur de sainteté : puisque tout cela est en voie de dissolution, combien votre piété et votre conduite doivent être saintes (2 Pi 3 v 11).
Celui qui a le plus parlé de fin, c’est le Seigneur Jésus.
De lui vient l’expression ‘la fin du monde’ (Mt 13 v 39). Il l’annonce en rapport à la fois avec la multiplication de l’iniquité et la prédication de l’Évangile dans le monde entier : alors viendra la fin (Mt 24 v 12 à 14). C’est lui qui a dit : le ciel et la terre passeront (v 35).
Selon Jésus, la fin c’est avant tout sa seconde venue ! Faisant une comparaison avec la destruction de Sodome, il dit : il en sera de même au jour où le Fils de l’homme se révèlera (Lc 17 v 30). Selon Jésus, la fin c’est aussi ce qui dit la vanité des choses d’ici-bas : les gens mangeaient, buvaient, achetaient, vendaient, plantaient, bâtissaient… mais le jour où Loth sortit de Sodome, une pluie de feu et de souffre tomba du ciel et les fit tous périr (v 28-29). Par ce genre de paroles, Jésus a placé la vie de ses apôtres sous la marque d’une fin. En vue de quoi ? En vue du service de celui dont le règne n’aura pas de fin (Lc 1 v 33, cp Dn 7 v 14).
Jésus souligne une opposition entre la volonté de l’homme et l’évidence d’une fin.
On connait l’épisode où Pierre, qui avait précédemment renié Jésus, est restauré par son Maître, et conforté dans son amour pour lui, et chargé de paître ses agneaux et ses brebis (Jn 21 v 15 à 17). Que lui annonce ensuite Jésus ? Tu feras de grandes choses, verras des milliers de conversions, même des guérisons par ton ombre, et une résurrection sur ta prière ? Non.
Jésus lui annonce : en vérité, en vérité je te le dis, quand tu étais plus jeune tu attachais toi-même ton vêtement et tu allais où tu voulais ; mais quand tu seras vieux un autre te l’attachera et te mènera où tu ne voudras pas (v 18). Christ place la vie et le ministère de Pierre sur ce rail : ta volonté ne fera plus loi. Le texte explique : il dit cela pour indiquer par quelle mort Pierre glorifierait Dieu (v 19). La suite du NT montre la volonté naturelle de Pierre jugulée par cette parole.
Quand Pierre parle de la fin à venir, il le fait avec une connotation présente.
Pour lui, la fin n’est pas théorique et lointaine, elle a une résonnance quotidienne qui maintient sa volonté soumise à celle de Dieu. Pierre vit normalement (il ne fonde pas de monastère), avec son épouse il sert Dieu. Mais, depuis la parole de Jésus, il intègre que sa vie n’est qu’une tente qu’il va quitter (2 Pi 1 v 14). Paul le dit autrement : que ceux qui achètent soient comme s’ils ne possédaient pas, et ceux qui usent du monde comme s’ils n’en usaient pas réellement, car la figure de ce monde passe (1 Co 7 v 31). Dieu ait pitié de nous si tout, même notre élan spirituel, est investi dans la vie ici-bas comme si Jésus n’allait pas revenir ! Attention, vivre comme s’il n’y avait pas de fin, nous conforte à vivre pour nous-mêmes.
Voilà pourquoi Pierre enseigne d’être sensé et sobre, en vue de la prière. Être sensé et sobre (en ambition, en loisir, en consommation) est évident si on écoute Jésus parler de fin. Prier est évident si on écoute Jésus promettre ce qui demeure. Selon lui, il est insensé pour l’homme de ne valoriser que la réussite terrestre (Lc 12 v 20). C’est le modèle de vie des moqueurs et convoiteurs qui oublient volontairement que par la parole de Dieu les cieux et la terre actuels sont réservés pour le feu, au jour du jugement (2 Pi 3 v 5 à 7).
Qu’est-ce que je perds en n’intégrant pas la fin annoncée ?
Si la fin est un point de doctrine que j’admets, sans être une vive parole de Christ pesant sur moi et mes priorités, je reste chrétien mais tout sera décentré. La prière, au lieu d’être orientée par le dessein et la parole de Dieu, le sera par les choses d’ici-bas. L’espérance, au lieu d’être constituée de ce que Dieu a promis, sera mon attente de ce que je désire le plus. La sagesse, au lieu d’être celle qui a donné la croix (1 Co 2), sera des principes de succès. L’évangélisation, au lieu de dire le Crucifié qui sauve de la perdition, se contentera de dire que Dieu aime les gens comme ils sont. En un mot, la vérité du salut sera déformé.
Conclusion.
Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde (Mt 28 v 20). Dans sa forme actuelle, notre communion à Christ aura elle-même une fin ; car elle n’est que prémices de : je reviendrai et je vous prendrai avec moi (Jn 14 v 3).
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voir aussi : LE TEMPS PRÉSENT ET LE SIÈCLE À VENIR