Christ est au-dessus de tout. En disant cela, le NT précise que c’est non seulement dans le siècle présent, mais encore dans le siècle à venir (Eph 1 v 21). Il y a entre ces deux siècles une distinction que la venue de Jésus a rendu plus nette. D’abord parce qu’il donne la vie éternelle, ensuite parce que le dieu de ce siècle (2 Co 4 v 4), le prince de ce monde (Jn 16 v 11), est jugé. Le NT multiplie les expressions comme : ce temps-ci, ce monde, cette vie… et leur oppose : la vie éternelle, la vraie vie, le royaume éternel, etc. C’est toujours pour souligner la différence entre ce qui passe et ce qui demeure, entre ce qui est déchu et ce qui est glorieux.
Le NT enseigne abondamment de ne pas confondre la vie présente et la vraie vie.
L’expression saisir la vraie vie (1 Tim 6 v 17-19) s’oppose au présent siècle et à ses richesses incertaines, mais aussi à toute l’existence terrestre : car vous êtes morts, et votre vie est cachée avec le Christ en Dieu (Col 3 v 3), quand Christ votre vie paraîtra, alors vous paraitrez aussi avec lui dans la gloire (v 4). Nous sommes crucifiés avec Christ (Gal 2 v 20) qui a confessé au Père : ils ne sont pas du monde comme moi je ne suis pas du monde (Jn 17).
Nous vivons trop comme si la vie présente était la vraie vie. Or, c’est seulement en distinguant entre les deux que nous pouvons vivre dans le siècle présent d’une manière sensée, juste, pieuse (Tite 2 v 12). Alors, notre espérance n’est pas de réussir notre vie mais de la trouver en Christ (Mc 8 v 35) ; notre prière ne poursuit pas nos désirs (Jcq 4 v 3) mais le règne de Dieu ; l’église ne cherche pas à imiter le monde (Rm 12 v 2) mais à y porter la parole de vie (Phil 2 v 15). Si par contre nous confondons cette vie et la vraie vie, nous revendiquerons pour ici-bas tout ce que Dieu prévoit pour le Jour où ce qui est parfait sera venu (1 Co 13 v 10). Si Jésus a été crucifié ce n’est pas pour nous rendre idéale la vie présente, mais pour nous donner accès au siècle à venir.
Ce temps-ci n’est pas la vie éternelle.
Nous savons que, pour un racheté, la vie éternelle ne commence pas après son décès mais dès sa nouvelle naissance (1 Jn 5 v 11) ; c’est à dire que sa vie présente est un temps pour déjà communier à Christ et témoigner de lui, pas uniquement pour attendre l’au-delà. Mais, dépassant ce que dit Jésus, nous oublions vite que lui et tout le NT parlent de la vie éternelle surtout au futur : quiconque perdra sa vie pour moi et l’Évangile recevra au centuple, présentement dans ce temps-ci, des maisons, des frères, des sœurs, des mères, des enfants et des terres, avec des persécutions et, dans le siècle à venir, la vie éternelle (Mc 10 v 30).
Par notre oubli nous prenons la vie présente pour la vraie vie, comme si croire en Dieu servait surtout à mieux se loger, manger, boire, se vêtir (Mt 6 v 31), et se réaliser par le commerce ou la créativité. Un tel dévoiement n’est pas né dans les régions où l’Église est démunie ou persécutée, mais dans les sociétés prospères où tout invite à vivre pour soi. Or : désormais que ceux qui usent du monde (se marient, pleurent, se réjouissent, achètent) soient comme s’ils n’en usaient pas réellement, car la figure de ce monde passe (1 Co 7 v 30-31). Bien sûr Dieu pourvoit à nos besoins, mais avec une tension entre cette vie et l’éternité. Marcher par l’Esprit (Gal 5 v 16) implique cette tension car c’est ne pas faire ce que nous voudrions (v 17).
Il faut accepter la tension qui existe entre la vie présente et la vie à venir.
La Bible parle de l’une et de l’autre. Elles sont liés en ce qui concerne l’amour, la foi, la sainteté à pratiquer dès maintenant devant Dieu. Elles sont opposées en ce qui concerne la tentation, les souillures, la mort. Nous avons les prémices de l’Esprit (Rm 8 v 23a) et nous gémissons en attendant la rédemption de notre corps (v 23b). Cette tension vient par Dieu. Vouloir la supprimer c’est, soit se projeter vers l’au-delà et être dans le déni du monde, soit ambitionner que dès ici-bas il n’y ait plus ni deuil ni cri ni douleur (Ap 21 v 4). Dans la parabole de l’ivraie et du bon grain (Mt 13 v 24 à 30), quand les serviteurs veulent résoudre la tension (veux-tu que nous arrachions l’ivraie ?) le maître répond : non, de peur que vous ne déraciniez en même temps le blé.
On ne doit pas rêver de fondre en un les deux siècles. Quand Jésus enseigne de prier : que ta volonté soit faite comme au ciel aussi sur terre (Mt 6 v 33), ça doit signifier pour nous ce que ça signifiait pour lui et ses apôtres. Jésus enseigne cette prière à ceux qui le suivent ; ce sont eux qui, pour sanctifier son nom, feront la volonté de leur Père (ex. Act 4 v 32). Mais Jésus et tout le NT ont prédit que le monde ne la ferait pas (Mt 24 v 12). Selon l’ensemble de la Bible, le règne à venir n’envahit pas le siècle présent mais y est annoncé pour en arracher les élus (Gal 1 v 4), ensuite Dieu le fera disparaître (Ap 20 v 11).
En demeurant dans ce corps nous demeurons loin du Seigneur.
Ces mots (2 Co 5 v 6), c’est le Seigneur qui les a fait écrire, lui qui a pourtant dit : je suis tous les jours avec vous (Mt 28 v 20). Il s’est donné lui-même pour nos péchés afin de nous arracher au présent siècle mauvais. Ce monde ne peut donc pas être notre héritage ; il ne peut pas être notre modèle (Rm 12 v 2), ni notre lieu identitaire (Hb 13 v 14). Si l’amour pour le présent siècle (2 Tim 4 v 10) nous fait agir et parler de façon à lui plaire, cela fausse notre annonce de l’Évangile et du siècle à venir.
voir aussi : D’APRÈS LA BIBLE, QUE FAUT-IL ESPÉRER ?
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