Cet homme-là est peu connu même des lecteurs de la Bible, peu de choses sont écrites de lui. Sauf un épisode où il devient le bénéficiaire d’une saisissante bonté de la part du roi David. Bonté qui illustre remarquablement la grâce que Dieu nous accorde sur les mérites de Christ, et non sur les nôtres.

 

Une bonté à la fois inattendue et fondée.

David dit : reste-t-il encore quelqu’un de la famille de Saül, pour que j’use de bienveillance envers lui à cause de Jonathan ? (2 Sam 9 v 1). David est celui que l’Éternel avait oint et qu’il a maintenant établi roi sur tout Israël. Avant cela, David avait longtemps souffert, surtout de la part de Saül le roi précédent qui le pourchassait pour le faire mourir. Jonathan était fils de ce Saül. Pourtant, parce que Dieu avait choisi David, Jonathan avait résisté à son père, soutenu David, et même fait alliance avec lui devant l’Éternel (1 Sam 18 v 3 et 23 v 17-18). (voir l’article JONATHAN)

Au moment où David parle, et Saül et Jonathan sont morts depuis environ 20 ans, tués par les Philistins. Mais chose admirable, plus que des fautes de Saül contre qui, David choisit de se souvenir de l’alliance avec Jonathan dont l’âme s’était attachée à la sienne à cause de l’Éternel. Entre les motifs de revanche et les motifs de fidélité, il retient les seconds.

On trouve donc Tsiba, qui avait servi Saül. On le fait venir auprès de David, et ce dernier demande : n’y a-t-il plus personne de la famille de Saül pour que j’use envers lui de la bienveillance de Dieu ? (2 Sam 9 v 3a). À ce stade, David ignore qui sera le bénéficiaire, pourtant son intention n’est rien moins que de lui manifester la bonté de Dieu lui-même ! Tsiba répond : il reste encore un fils de Jonathan perclus des pieds (v 3b). Bouleversé sans doute, le roi l’envoie chercher (v 5). À cause de ses années de clandestinité, puis de troubles généralisés, David ignorait l’existence de Mephibosheth.

 

Qu’en est-il de ce Mephibosheth ?

Il est petit-fils de Saül. Et fils d’un père admirable, Jonathan. Quand ce dernier est tué lors d’une offensive ennemie, Mephibosheth n’a que 5 ans. Dans la fuite qui s’ensuit, il tombe et en reste infirme (2 Sam 4 v 4). Lui, petit-fils de roi, souffre comme tous de cette guerre. Les années passent, il est orphelin (au moins de père), boiteux, réfugié. Non seulement il n’a plus de famille royale, mais il n’a plus de chez soi : il vit dans la maison d’un certain Makir à Lodebar.

Quels sentiments habitent Mephibosheth au sujet du règne de David ? A-t-il un cœur comme Saül, refusant de voir David régner à la place de sa famille ? Ou un cœur comme Jonathan, acceptant que ce soit l’oint de l’Éternel qui règne ? Sans répondre directement, le texte suggère la deuxième réponse. Quand les envoyés de David le conduisent vers le roi, il se prosterne et dit : qu’est ton serviteur, pour que tu te tournes vers un chien mort tel que moi ? (9 v 8). Par ces mots (qui aujourd’hui choquent) il se reconnaît sans statut, et indigne d’aucun honneur (en Israël les chiens étaient à demi sauvages et considérés impurs).

 

David montre une bienveillance… de Dieu.

Plus qu’une émotion, elle est une orientation volontaire. À quoi ressemble cette bienveillance ? Avant tout David dit : Mephibosheth ! (v 6), le touchant par son nom (cp. Jn 20 v 16). Puis il lui dit : soit sans crainte ! (v 7a), le rassurant profondément. Il continue : pour sûr, je vais user de bienveillance envers toi à cause de ton père Jonathan (id), garantissant cette promesse par l’alliance avec Jonathan. Ensuite il concrétise : je te rendrai toutes les terres de ton père Saül (v 7b), démontrant une vraie implication. Et voici le sommet : tu mangeras tous les jours à ma table (id), c’est à dire : je t’ouvre ma communion. Oui, le texte répète quatre fois : mangera à ma table (v 7, 10, 11, 13) et précise : comme l’un des fils du roi.

De plus, le roi mandate Tsiba et tous les siens (environ 40 personnes) pour servir Mephibosheth et son fils Mika, et faire valoir les terres qu’il a nouvellement reçues, sans doute sur le territoire de Benjamin (2 Sam 9 v 9 à 11). Mais Mephibosheth habitait à Jérusalem, car il mangeait en permanence à la table du roi. Il était boiteux des deux pieds (v 13). Ce dernier verset souligne à la fois l’incroyable faveur qui lui est faite, et sa condition si limitée.

 

Comment Mephibosheth va-t-il répondre à tant de bienveillance ?

Des années après l’épisode du ch 9, alors que David fuit devant la révolte armée de son fils Absalom, Tsiba se rallie à lui avec des vivres. David s’étonnant de l’absence de Mephibosheth, Tsiba répond que son maître a dit : aujourd’hui la maison d’Israël me rendra le royaume de mon père (2 Sam 16 v 1 à 3). David réplique : voici, tout ce qui appartient à Mephibosheth, c’est à toi (v 4). Mephibosheth était il à ce point ingrat envers David ?

Quand plus tard David revient, Mephibosheth va à sa rencontre et lui apprend qu’il voulait le suivre mais que, boiteux, il a été devancé et trompé par Tsiba (2 Sam 19 v 25-29). Mephibosheth est resté fidèle, mais sûrement peiné par les calomnie de Tsiba, et angoissé de voir que David y a cru trop vite. En tout cas, le roi tranche : toi et Tsiba, vous partagerez les terres (v 30). Alors Mephibosheth, à son tour admirable de bienveillance, répond : qu’il garde même le tout, puisque mon seigneur le roi rentre en paix dans sa maison (v 31).

 

Pas dans chaque détail mais globalement, l’histoire de Mephibosheth image celle des rachetés. Précédemment déchus et étrangers à Dieu, nous avons été réconciliés grâce au sang de l’alliance nouvelle en Christ, et accueillis dans sa communion comme des fils adoptifs. Là, notre vrai bonheur n’est pas dans nos biens ou notre réputation mais dans le fait que Christ soit roi !