Un peu plus long que les précédents, cet article est consacré à trois églises.  Une est sans reproche. Deux sont proches de la perdition : Jésus dit que Sardes est morte, et Laodicée bientôt vomie. C’est bien au-delà de : j’ai contre toi quelque grief.

(voir aussi  LETTRES À PERGAME ET THYATIRE)

Avertissement technique : dorénavant les références bibliques seront actives pour un accès automatique aux versets (sauf parfois ceux dont le texte complet figure déjà dans l’article).

 

LA LETTRE À SARDES

(Apocalypse 3:1-6)

 

Elle est écrite à une église où seul un reste est vivant au sens biblique du mot.

 

Je connais tes œuvres : tu as le renom d’être vivant, mais tu es mort.

(v 1b)  Parfois, imbus de nous-mêmes, nous déclarons ‘morte’ une église parce qu’elle a moins de zèle que de recueillement. Parfois, idéalistes, nous déclarons qu’une église n’est jamais morte. Or, seul Jésus a le droit de dire ce qui est mort ou vivant.

Dans la lettre à Sardes, « tu es mort » ne signifie pas : « tu es inerte, inactif » ; puisque Jésus mentionne des œuvres. Ni : « tu es en déclin, quasi inexistant » ; puisque Jésus parle de renom.  En disant « tu es mort », Jésus pointe la réalité intérieure. Cette église a une réputation ; est-elle due à un foisonnement intellectuelle ou social ? En tout cas, quelque chose de très humain masque une ‘mort spirituelle’. Elle a atteint la presque totalité de l’assemblée : sois vigilant et affermis le reste qui allait mourir, car je n’ai pas trouvé tes œuvres parfaites devant mon Dieu (v 2). Jésus parle ici une seconde fois de mort, insistant sur l’enjeu !  Action et conduite de cette église ne sont pas parfaites en ce qu’elles ne viennent pas de Dieu. Le verset suivant éclaire.

 

Rappelle-toi donc comment tu as reçu et entendu la parole, garde-la et repens-toi.

(v 3a)  En indiquant ce remède-là, Jésus indique quel est le mal : on se désintéresse de l’Évangile, celui des Écritures. On le déprécie, on ne le considère plus comme ‘reçu’ de Dieu, on ôte ou ajoute à ce qu’on avait ‘entendu’. On n’en conserve que l’apparence. Et c’est mortel pour l’assemblée.  Confirmant l’enjeu de vie ou de mort, Jésus dit qu’il pourrait sanctionner subitement : si tu ne veilles pas, je viendrai à toi comme un voleur (v 3b), et tu ne sauras pas à quelle heure je viendrai te surprendre (cp. 1 Thessaloniciens 5:2-4).

En pointant une église qui écarte la vertu de la parole divine, la lettre à Sardes dit aussi ce qui est mortel au long des siècles, et aujourd’hui. Certains ont mis des dogmes inédits au même rang que l’Évangile ; et ont interdit au fidèle de lire la Bible. Certains ont obéi à : rappelle-toi comment tu as reçu et entendu la parole, garde-la et repens-toi. Certains ont produit une théologie libérale qui déconstruit l’autorité des Écritures. Certains prétendent que, ayant l’Esprit, le chrétien ne dépend plus de la Bible.  La boucle est bouclée, l’apostasie est rendue possible.

 

Cependant tu as à Sardes quelques hommes qui n’ont pas souillé leurs vêtements.

Ils sont peu nombreux ! Mais Jésus les différencie nettement de la masse, et loue leur résistance au mal. Souiller ses vêtements, c’est normaliser le péché dans le vécu quotidien.  Selon Jésus, déprécier durablement la Parole est une souillure spirituelle, qui s’étend en transgressions pratiques. Jésus loue ceux qui résistent à cela.  Et promet : ils marcheront avec moi en vêtements blancs, parce qu’ils en sont dignes (v 4). Pour eux, au vécu terrestre succèderont des vêtements blancs avec Jésus !  Est-ce un écho à ses vêtements devenus blancs comme la lumière lors de la transfiguration (Matthieu 17:2) ?

En tout cas, Jésus répète : ainsi le vainqueur se vêtira de vêtements blancs (v 5). Récompense dont la perspective rassure celui qui garde l’Évangile : je n’effacerai pas son nom du livre de vie (id). La récompense sera d’être reconnu par Jésus lui-même : et je confesserai son nom devant mon Père et ses anges (id).

À Sardes, Jésus se présente comme celui qui a les sept esprits de Dieu et les sept étoiles (v 1).  De même aujourd’hui, son statut divin seul nous évitera d’aimer le renom terrestre plus que la parole de Dieu.

 

 

 

LA LETTRE À PHILADELPHIE

(Apocalypse 3:7-13)

 

Avec Smyrne, Philadelphie est la seule église où Jésus ne dénonce rien. Il se présente à elle avec des mots qui, en résumé, signifient : je te ferai entrer dans la cité céleste !

 

Voici ce que dit le Saint, le Véritable, celui qui a la clé de David…

(v 7)  L’église à Philadelphie est approuvée car elle ne trouve sa sainteté que dans le Saint ; et sa vérité que dans le Véritable.  Jésus lui affirme être celui qui a la clé de David, qui ouvre et nul ne fermera, qui ferme et nul n’ouvrira (id.). Ce verset n’évoque pas Matthieu 16:19 (je te donnerai les clés) mais Ésaïe 22:22, où l’Éternel charge son fidèle serviteur Éliakim de la clé de la maison de David (le bâtiment). Il l’établit chef du palais royal.  En langage de l’AT, Jésus dit donc que c’est lui-même qui a la clé : l’autorité de faire entrer ou pas dans le royaume. En langage du NT, il avait dit : si quelqu’un entre par moi il sera sauvé (Jean 10:9).

 

Je connais tes œuvres. Voici j’ai mis devant toi une porte ouverte que nul ne peut fermer…

(v 8)  La paix de cette église réside en Jésus qui sait, sans autre commentaire, l’action et la conduite et le témoignage du collectif. L’avenir de cette assemblée est sûr : Jésus en personne lui a ouvert, définitivement, la porte de la maison du Père (cf. Jean 14:2). Et nul ne l’empêchera d’entrer.

… parce que tu as peu de puissance, que tu as gardé ma parole, et que tu n’as pas renié mon nom (id.). Le Seigneur ne dit pas à Philadelphie qu’elle entrera parce qu’elle a plus de foi, de miracles, de fruits, d’influence que d’autres églises. Non.  Elle entrera par lui ! en gardant sa parole, en confessant son nom. Cette fidélité est évidemment un dû envers Christ, pourtant elle a du prix à ses yeux.  De même, au long des siècles, Christ n’a pas manqué d’églises ‘lambda’, sans éclat particulier, que les présomptueux ont méprisées, mais pas lui.

 

Voici, je te livrerai des gens de la synagogue de Satan…

… qui se disent Juifs et ne le sont pas, car ils mentent. Voici, je les ferai venir se prosterner à tes pieds et reconnaître que je t’ai aimé (v 9).  Pour la deuxième fois (après Smyrne), Jésus mentionne à une église sans reproche qu’il voit combien lui sont hostiles ceux qui ont l’apparence extérieure de la foi tout en rejetant le Messie.  Il annonce leur déconfiture, à la fois sanction au vu de l’église, et révélation de son grand amour pour elle ! Jésus – qui a la clé – annonce qu’il jugera ses ennemis mais peut-être aussi qu’il les sauvera en leur faisant reconnaître, non que l’église est puissante mais qu’elle est aimée de lui.

 

Parce que tu as gardé la parole de la persévérance en moi…

(v 10)  Le Seigneur redouble son compliment du v 8 : cette église persévère en lui comme c’est écrit de le faire, elle persiste à croire sa parole et y obéir.

… je te garderai moi aussi de l’heure de la tentation qui va venir sur le monde entier pour éprouver les habitants de la terre (v 10).  Jésus peut désigner ici toute dictature, guerre, catastrophe généralisée, pendant laquelle son église souffrira à toute époque. Mais, annonçant la fin, il évoque surtout une chose particulière, planétaire, qui fera apparaître le fond de chaque humain.  C’est la séduction par le dernier antichrist (Apocalypse 13:3), pendant laquelle l’église sera présente, sans puissance propre (Apocalypse 13:7), mais gardée par Christ. Gardée de manière à ne pas être vaincue par la tentation de se prosterner devant la bête (comme le feront tous les habitants de la terre), protégée en ce que son nom est inscrit dans le livre de vie de l’Agneau (Apocalypse 13:8).

 

Je viens bientôt (litt. : vite).

(Ap 3 v 11)  Cette promesse de Jésus, prescrite aussi comme sujet de prière (Ap 22 v 17), est faite pour qu’à Philadelphie et aujourd’hui, la foi et l’action soient mises en perspective avec la Parousie. Ça fait 2000 ans que Jésus a dit : je viens vite. Le sens n’était sans doute pas : « dans peu de temps », mais plutôt : « rapidement après les derniers signes » (cp. Luc 21:31).

Il faut maintenant relever la seule chose que Jésus commande à Philadelphie : tiens ferme ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne (Ap 3 v 11).  Il lui ordonne, non de chercher des révélations complémentaires, mais de ne pas lâcher ce qu’elle a déjà. Parce qu’elle l’a reçu de lui. C’est un ordre pour le présent. Alors que, dans tout le NT, la perspective de la couronne est future, pour le Jour de Christ.

 

Du vainqueur, je ferai une colonne dans le temple de mon Dieu, et il n’en sortira plus.

(v 12)  Jésus le fera entrer et l’établira dans la vraie Maison (cp. Apocalypse 22:14). Il exaucera le désir multi millénaire formulé par David : je voudrais habiter toute ma vie dans la maison de l’Éternel (Psaumes 27:4).

La suite de la récompense est formulée en termes très ‘visuels’.  J’écrirai sur lui le nom de mon Dieu… (scellant ainsi l’éternelle appartenance à Dieu),  … et celui de la ville de mon Dieu, la nouvelle Jérusalem qui descend du ciel d’auprès de mon Dieu… (parachevant : notre citoyenneté est dans les cieux, Philippiens 3:20),  … ainsi que mon nom nouveau (exauçant le vœu formulé par Paul : mon but est de le connaître lui, Philippiens 3:10).

Remarque : Jésus dit quatre fois « mon Dieu ». Ça en dit long sur sa soumission au Père. Ça dit que la vraie foi est celle au Dieu de notre Seigneur Jésus Christ.

 

 

 

LA LETTRE À LAODICÉE

(Apocalypse 3:14-22)

 

Je vais te vomir de ma bouche.

Quel est donc l’état de cette église ? La réponse est dans la suite du texte.  Je connais tes œuvres (v 15a). Il y a dans cette église un vécu et de l’action ! Mais : tu n’es ni froid ni bouillant. Si seulement tu étais froid ou bouillant ! Ainsi, parce que tu n’es ni froid ni bouillant, je vais te vomir de ma bouche (v 15-16). Trois fois Jésus redit : ni froid ni bouillant, c’est à dire : ni incrédule ni consacré. Peut-être que Laodicée se pense équilibrée, mais ce n’est pas l’avis de Jésus.  Il y a là une église où les œuvres perdurent, mais où Christ ne semble pas vraiment important. Au long des siècles, et aujourd’hui, souvent nous restons croyants mais notre cœur n’est plus vraiment à Christ car nous amassons des trésors pour la terre (cf. Matthieu 6:19-21).

Attention, ce n’est pas au conditionnel que Jésus parle à cette église de la vomir. Ce mot signale un état qu’il serait contre-nature de tolérer : une église « Chrétienne » où « Christ » est à la porte (Ap 3 v 20). En disant que c’est lui, Jésus, qui va la vomir, il indique un état pour lui inacceptable.

 

Parce que tu dis : je suis riche, je me suis enrichi et je n’ai besoin de rien.

(v 17).  Jésus vomira cette église parce qu’elle considère comme richesse non pas ce qui est en Christ, mais ce qui est en elle-même. Il déclare à cette église qu’elle s’illusionne totalement : et parce que tu ne sais pas que tu es malheureux, misérable, pauvre, aveugle, et nu (id.).  En ne précisant pas quels sont les domaines où Laodicée se ment à elle-même, la lettre interpelle bien sûr toute église de tout siècle, quel que soit le domaine où elle s’illusionne gravement.

Aujourd’hui autant qu’à Laodicée, une telle déchéance collective ne doit pas être sous-estimée !  Sa gravité se mesure à la radicalité du remède que Jésus indique : cette église doit recevoir de lui un salut qu’elle n’a plus.  Tel est parfois le seul enjeu pour une église, et cette lettre nous avertit tous (v 22) de ne pas ignorer.  Rappel : le NT montre un salut qui ne se perd pas, mais montre aussi des exceptions (ex. Hébreux 6:4-6 ou 2 Pierre 2:21).

 

Je te conseille d’acheter chez moi…

Le verbe ‘acheter’ fait référence à Ésaïe 55:1-2 (venez, achetez sans rien payer) où Dieu appelle au salut dans l’alliance éternelle. Ici, Jésus appelle l’église à recevoir de lui or, vêtement, vueJe te conseille d’acheter chez moi de l’or éprouvé par le feu, afin que tu deviennes riche. Et des vêtements blancs, afin que tu sois vêtu et que la honte de ta nudité ne paraisse pas. Et un collyre pour oindre tes yeux, afin que tu voies (Ap 3 v 18). Ces trois images décrivent la rédemption. Or éprouvé : ce qui est de Dieu, incorruptible et pur. Vêtement blanc : être justifié et revêtir Christ, qui seul ôte le péché. Yeux du cœur : connaître Dieu.

À cette église qui n’est plus dans la vérité, Jésus se présente comme l’Amen, le témoin fidèle et véritable. Elle n’est plus dans la crainte de Dieu, Jésus se dit auteur de la création de Dieu (v 14).  Remarque : cette lettre n’adresse pas sa menace clairement à certains et son appel clairement à d’autres. Cela nous garde de juger. En effet, quand la parole est écartée nous le voyons, mais seul Christ voit parfaitement l’importance qu’il a ou pas dans un cœur.

 

Moi, je reprends et je corrige tous ceux que j’aime.

Aie donc du zèle et repens-toi ! Voici, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je souperai avec lui et lui avec moi (v 19-20).  Laodicée est encore nommée église. Car, même presque vomie, elle abrite ceux que Jésus aime.  Toutefois il se dit à la porte, dehors ; mais aussi en approche pour appeler. Sa voix, qui globalement n’est plus entendue, le sera par certains. Repentir et conversion seront leur victoire (du fumier, il relève le pauvre, 1 Samuel 12:8).  Le vrai souper, la communion avec le Sauveur, leur sera offert.

Le vainqueur : je le ferai asseoir avec moi sur mon trône, comme moi j’ai vaincu et je me suis assis avec mon Père sur son trône (Ap 3 v 21).

 

Conclusion globale aux sept lettres.

Éblouis par la personne de Christ qui s’adresse à ses églises de tous temps et jusqu’à la fin, gardons-nous de faire à leur sujet un diagnostic plus alarmant que le sien, ni plus rassurant que le sien.

 

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