Pour nous évangéliques, croire en la grâce de Dieu est une évidence.  Nous vivons de sa grâce… mais éprouvons parfois le sentiment de devoir la mériter. Ce sentiment – universel – ne doit pas être trop vite attribué à Satan l’accusateur, mais doit recevoir une thérapie biblique car il résulte de la rupture (Gn 3) et d’une décision de Dieu : le renvoi du jardin et, plus tard, le don de la loi. Loi qui révèle Dieu, sa condamnation du péché, et sa grâce pourvoyant à une expiation.  Seul celui qui a donné la loi nous fait vivre de la grâce, par notre abandon total à lui. C’est lui qui aide, et non les raccourcis qui opposent artificiellement ‘Dieu dur’ à ‘Dieu bon’.

Cet article n’est que le premier d’une série de trois visant à donner une vue d’ensemble de ce qu’est la grâce dans la Bible.  Suivent : GRÂCE VENUE PAR JÉSUS CHRIST,  puis : GRÂCE ET LOI.

 

Dieu donne le cadre de compréhension de la grâce.

Il le fait par la première mention du mot dans la Bible : l’Éternel dit : j’effacerai de la surface du sol l’homme que j’ai créé … mais Noé trouva grâce aux yeux de l’Éternel (Gn 6 v 7-8). C’est dans l’annonce d’une « fin du monde » (le déluge) que la Bible fait retentir le mot « grâce », aux oreilles d’une humanité déchue dont le cœur ne conçoit que des pensées mauvaises (v 5).  Ce mot « grâce » indique où espérer : en l’Éternel qui avait déjà révélé combien il est bon, ne serait-ce que par sa création. Dans tout l’AT, le Dieu qui condamne parlera de grâce à des pécheurs, qui n’ont aucune autre voie de salut. D’où, s’ils écoutent Dieu, leurs nombreuses expressions à la fois de reconnaissance et d’humilité.

 

C’est aux yeux de Dieu qu’on trouve grâce.

Le mot « grâce » apparaît beaucoup dans le texte de l’AT (env. 120 x), presque autant que dans le NT (env. 140 x). Il apparaît surtout dans les Psaumes et, posant le sens, dans le Pentateuque que Jésus appelle la Loi (Lc 24 v 44).  Quand les cinq livres de Moïse emploient le mot grâce, c’est presque toujours dans l’expression : trouver grâce, quelquefois aux yeux d’un humain mais surtout aux yeux de l’Éternel. C’est vers lui que le mot « grâce » oriente les cœurs ! Elle est présentée comme sa faveur, celle qui n’est pas un dû, celle que trop souvent le pécheur ne recherche pas.  Ensuite, citant le serviteur anonyme d’Abraham, Moïse ajoute une deuxième expression : Éternel, use de grâce envers mon seigneur Abraham (Gn 24 v 12).

C’est à dire : « use de grâce » envers un homme qui a « trouvé grâce » à tes yeux. Par ces deux expressions Moïse dit l’essentiel : la grâce est souverainement accordée par Dieu, et elle lui est demandée par ceux qui la valorisent. Et cela parce qu’elle est « la grâce d’une alliance » que Dieu ouvre aux siens (Dt 7 v 9) par fidélité (2 Rois 13 v 23).  « Use de grâce » sera l’emploi très majoritaire du mot « grâce » dans les Psaumes c’est à dire dans les chants et prières d’Israël. Bien sûr, dans l’AT fleurissent aussi d’autres expressions comme : l’Éternel fait grâce (Gn 43 v 29), il est plein de grâce (Ps 103 v 8), il donne la grâce et la gloire (Ps 84 v 12).

L’avant-dernière mention du mot, dit le ‘comment’ de la grâce de Dieu : je répandrai sur la maison de David un Esprit de grâce et de supplication et ils tourneront les regards vers moi, celui qu’ils ont transpercé (Za 12 v 10).  Le ‘comment’ ultime, ce sera la crucifixion du Fils.

 

Merveille sans égale, Dieu est plein de grâce.

Oui, sans égale parce que Dieu est lumière (1 Jn 1) et Dieu est amour (1 Jn 4), comme un tout et non comme deux moitiés de sa nature.  Dans l’AT le mot « grâce » (hébreu hén, du verbe hanan : porter le regard, se pencher favorablement, d’où : beauté) est présent dans les noms comme Anne, Jonathan, Nathan, Hanania, etc.  Concernant Dieu, le mot exprime à la fois sa faveur éblouissante et sa splendeur de bonté. Si la beauté existe dans sa création, c’est qu’il est lui-même perfection et merveille indicible : Dieu est lumière, splendeur et magnificence sont devant sa face (Ps 96 v 6). En Dieu, splendeur et faveur sont un, selon le refrain du Psaume 80 : fais briller ta face et nous serons sauvés.  (note : est-ce par influence biblique, en français aussi le mot grâce exprime la bonté gratuite et le charme)

 

La grâce de Dieu est plus spécifique que ses bienfaits universels.

Au commencement Dieu crée l’homme et pourvoit à tout.  Après la rupture il ferme l’accès à l’arbre de vie, tout en restant celui qui pourvoit à la vie humaine, malgré les ravages du mal. Les Écritures appellent cela bonté, bienveillance, patience de Dieu. Elle profite à tout homme, croyant ou pas, en plusieurs domaines.  D’abord, dans la vie physique : les compassions de Dieu s’étendent à toutes ses œuvres (Ps 145 v 9) et la lumière est bonne pour les yeux (Ecc 11 v 7).  Ensuite, elle profite dans le domaine moral : si une femme n’oublie pas son nourrisson (Es 49 v 15) c’est qu’elle est image du Dieu compatissant. Si les gouvernants peuvent ordonner ce qui est juste (Jb 8 v 15), c’est par la sagesse reçue du créateur.  Plus encore, elle profite dans le domaine spirituel : c’est la pensée de l’éternité inscrite dans les cœurs (Ecc 3 v 11). Pour toutes ces raisons, le dernier verset des Psaumes dit que tout ce qui respire doit louer l’Eternel.

Concernant ces bienfaits de Dieu envers les humains, on parle de « grâce commune ». Pourtant, quand la Bible les désigne, elle n’emploie pas le mot « grâce » car elle le réserve à une bonté particulière, celle qui pourvoit à l’expiation des fautes. Le mot grâce apparait dans le cadre de l’élection, de l’alliance, du salut : choix de Noé, appel d’Abraham, choix de Moïse, don de la loi et des sacrifices qu’elle prescrit (Ps 119 v 29 dit litt. la grâce de ta loi).

 

 

C’est Dieu qui a initié l’expiation par le sang versé.

Dieu dit : la vie (l’âme) de la chair est dans le sang, je vous l’ai donné sur l’autel afin qu’il serve d’expiation pour votre vie, car c’est par la vie que le sang fait l’expiation (Lv 17 v 11). Expier c’est effacer une faute en portant la mort qu’elle mérite.  La Bible est claire : le péché mène à la mort et nul ne peut expier ni son propre péché ni celui d’autrui (Ps 49 v 8-9). C’est Dieu qui a donné le moyen d’expiation, le sang : une âme innocente meurt pour une âme coupable. À travers tout l’AT, bien que le substitut qui meurt ne soit encore qu’un animal, la gratuité divine brille. Qu’est-ce qui est gratuit ?  C’est que Dieu s’occupe lui-même du péché. Il avait dit la sanction (tu mourras), maintenant il agit pour sauver le coupable. Il le fait d’abord sans un mot, en faisant à Adam et Eve des vêtements de peau c’est à dire en tuant un animal (Gn 3 v 21). Il le fait en se montrant propice à Abel, dont l’offrande est un animal (Gn 4 v 4). Il le fait explicitement en sentant une odeur agréable (Gn 8 v 21) quand Noé offre des animaux. Il le fait mystérieusement par son alliance avec Abraham, quand sa fournaise passe entre des animaux coupés en deux (Gn 15 v 17). Surtout, il le fait quotidiennement en prescrivant à Moïse les sacrifices d’expiation-propitiation (voir Annexe) qui permettront à Israël de perdurer sous le regard de l’Éternel (Exd 29 v 38-39).

 

La gratuité montrée par Dieu dans l’AT anticipe sur celle du NT.

Une idée facile, mais caricaturale, est que sous l’ancienne alliance tout se méritait et sous la nouvelle tout est gratuit. En fait, le pardon accordé sous l’ancienne alliance l’était en vertu d’une décision unilatérale de Dieu : transférer le péché du coupable sur un animal innocent (Lv 1 v 4 et 16 v 21) et pardonner en anticipant la seule vraie expiation, celle que son Fils allait accomplir. Celle que préfiguraient les sacrifices d’animaux. Pour le pécheur du temps de l’AT il y avait une grâce !  Elle ôtait les péchés moins par le sang des taureaux ou des boucs (Hb 10 v 1 et 4) que par la décision divine d’anticiper sur le sang de Christ : heureux l’homme à qui le péché est pardonné, à qui l’Éternel ne tient pas compte de sa faute (Ps 32 v 1). Cette décision était gratuite et unilatérale : ce n’est pas Adam, Abel, Noé, Abraham, ou Moïse qui ont demandé à Dieu de pourvoir à l’expiation.  De même la plus haute et plus fréquente promesse de l’AT, celle d’un Messie, était unilatérale et gratuite (et non : quand vous m’obéirez pleinement je l’enverrai).

La position humaine est double : être perdu loin de Dieu, et être appelé par lui. Le Dieu de grâce, parce qu’il cherche des adorateurs en esprit et en vérité, a toujours mis une condition ‘de volontariat’ liée au sang : dans l’AT c’est apporter l’animal à sacrifier, dans le NT ce sera avoir foi au sang de Christ.

 

Le Dieu qui condamne est celui qui fait grâce.

Il faut insister là-dessus, parce que c’est ainsi que Dieu a voulu faire comprendre sa grâce. À des pécheurs qu’il condamne, il tend sa grâce.  Dès le début, Dieu révèle qu’il fait les deux : l’Éternel, l’Éternel, Dieu compatissant et qui fait grâce, lent à la colère et riche en bonté et en vérité (litt.), qui conserve sa bienveillance jusqu’à mille générations, qui pardonne la faute, le crime, le péché ; mais qui ne tient pas le coupable pour innocent, et qui punit la faute des pères sur les fils et sur les petits-fils jusqu’à la troisième et la quatrième génération (Exd 34 v 6-7). Ailleurs il précise la distinction entre : ceux qui me haïssent, et : ceux qui m’aiment (Exd 20 v 5-6, Dt 5 v 9-10).  Toute la Bible est sans équivoque : si le Dieu de vérité fait grâce ce n’est nullement qu’il tient le coupable pour innocent, c’est qu’il pourvoit lui-même à l’impossible expiation. Dès le début, et jusqu’à la fin, Dieu punit le péché qui n’est pas expié : il envoie le déluge, ou les plaies d’Égypte, ou celles sur Israël au désert, il le livre entre les mains des ennemis (Jug), il frappe par le bâton (Ps 89 v 33) et même par l’épée, par la famine, par la peste (Ez 14 v 21).  Il le fait en distinguant entre punir pour corriger et punir pour détruire : je ne t’exterminerai pas, je te punirai selon le droit, je ne puis pas t’innocenter (Jér 30 v 11). L’expression « bonté de Dieu » (Ps 136 par ex.) doit signifier pour nous ce qu’elle a signifié pour les auteurs bibliques : « un juge gracie par le sang », et non : « le péché n’est pas si grave que ça ».  (Jésus aussi distinguera entre Lc 12 v 47 et Lc 19 v 27)

 

Car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité est venue par Jésus Christ.

Nous avons tous reçu de sa plénitude et grâce pour grâce (Jn 1 v 16), car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité est (litt.) venue par Jésus Christ (v 17). Ce deuxième verset constitue un résumé de toute la révélation de Dieu. Hélas on le lit trop comme si Jean avait écrit : loi ‘mais’ grâce, comme si la grâce de Dieu s’opposait à sa loi.  En fait, l’expression de Jean ‘grâce pour grâce’ (grâce reçue pour la raison que Dieu est compatissant) s’appuie sur une parole de Dieu à Moïse : je fais grâce à qui je fais grâce (Exd 33 v 19). Et l’expression ‘grâce et vérité‘ (litt.) est aussi de Moïse citant le serviteur d’Abraham qui loue la solide fiabilité de Dieu (Gn 24 v 27).  Ainsi, Jean enseigne que par la loi (le Pentateuque) l’Éternel s’est fait connaître Dieu de grâce, puis que cette grâce est venue par Jésus Christ, pour une alliance définitive. Les arrhes de la grâce (la loi) ont préparé les élus à mieux bénéficier d’une plénitude de la grâce (l’Évangile).

 

 

ANNEXE.

Dans la Bible les sacrifices sanglants sont à la foi expiatoires et propitiatoires. Expier c’est effacer une faute en portant la mort qu’elle mérite. Par la juste colère du Dieu qui est grâce, c’est l’âme qui pèche qui mérite la mort, une peine juridique prévue par Dieu (le jour où tu en mangeras, tu mourras). Toutefois Dieu, qui veut sauver, donne un moyen d’expiation (Lv 17 v 11) : le sang. C’est donc le sacrifice d’une vie, c’est la mort d’une âme (animale) exempte de péché à la place d’une âme souillée.  Selon la Bible, cette mort d’un substitut est pénale car elle est le châtiment qui couvre-efface le péché du coupable.

L’effacement du péché fait propitiation c’est à dire apaise la colère de Dieu contre l’âme coupable (Exd 32 v 11 et 30) et le rend propice à celle-ci. L’expiation qui efface la faute, est aussi une propitiation qui satisfait l’Éternel. C’est l’idée tant répétée par l’expression « sacrifice d’une agréable odeur à l’Eternel » (Gn 8 v 21), une odeur d’apaisement. Le sacrificateur fera propitiation pour eux et il leur sera pardonné (Lv 4 v 20)

 

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