Si notre conception de la grâce s’est forgée par des raccourcis qui opposent artificiellement la grâce de Dieu à toute sa loi, notre cœur ne saura plus où situer l’obéissance à Dieu.

Au sens habituel, le mot loi désigne le Pentateuque c’est à dire les cinq livres de Moïse (Lc 24 v 44). On peut dire en résumé qu’ils font connaître Dieu à Israël (et par lui à l’humanité) et qu’ainsi ils contiennent la formule du bien et de la vérité (Rom 2 v 20). Le Pentateuque présente trois genres de textes qui se retrouvent en proportions variées dans les cinq livres.

Troisième de la série, cet article est précédé par : GRÂCE DANS L’AT, et : GRÂCE VENUE PAR JÉSUS CHRIST.

 

Premièrement, la loi révèle qui est Dieu.

Le mot hébreu « thora » signifie d’abord « direction à prendre » (Exd 18 v 20), d’où : enseignement (24 v 12). Le Pentateuque, à commencer par Genèse, contient des textes narratifs exposant qui est le Dieu créateur. C’est une grâce. Sans être des codes de loi, ils sont englobés dans l’appellation « loi » car ils enseignent, en exposant les voies de l’Éternel. Ces textes le révèlent saint et seul sage, glorieux, bon et juste. Ils relatent la rupture causée par Adam ; ils montrent l’élection et la manière dont Dieu a établi ses alliances, avec Noé, avec Abraham. Ils exposent longuement son alliance avec Israël par la médiation de Moïse. La déclaration « l’Éternel vous aime » (Dt 7 v 8) est emblématique de cette loi qui nous dit comment est Dieu.

 

Deuxièmement, la loi dit ce qui plait à Dieu.

En plus de lois régissant les affaires sociales de l’époque, le Pentateuque contient les dix commandements du Dieu de grâce et beaucoup de lois morales qui prescrivent un état de cœur et un comportement. En précisant ce que Dieu aime ou déteste, ces textes affinent la ‘loi’ déposée par le créateur dans la conscience humaine (Rom 2 v 15) et visent la crainte de l’Éternel. Cette loi morale doit communiquer aux hommes sagesse (Dt 4 v 6) et bien-être ; s’ils la suivaient pleinement, ils vivraient par elle (Lv 18 v 5). Or elle leur fait expérimenter qu’ils en sont incapables. En exigeant : « vous serez saints car je suis saint » (Lv 19 v 2), elle crée cette aspiration en eux, mais aussi elle met explicitement les transgresseurs sous la malédiction de Dieu (Dt 27).

 

Troisièmement, la loi dit les règles d’accès à Dieu.

Le Pentateuque contient des textes qui ancrent dans les âmes le sentiment d’être pécheur donc séparé de Dieu : en réglementant la manière de s’approcher du Dieu Saint, en codifiant les ablutions, la nourriture, les jours à observer, ils inculquent la notion de pureté et d’impureté devant Dieu. Surtout, ils enseignent au peuple la nécessité de sacrifices expiatoires (Lv 1 à 7), et ils prescrivent en détail qui peut les présenter et selon quelles règles. D’où les nombreuses lois relatives aux offrandes, aux aliments, à la lèpre, etc. En avertissant ceux « qui s’approchent de l’Éternel » (Exd 19 v 22), la loi leur évite d’être frappés.

– La « loi révélation » peut se résumer par : je suis celui qui suis.

– La « loi morale » peut se résumer par : tu aimeras l’Éternel ton Dieu, et ton prochain.

– La « loi d’accès » peut se résumer par : je verrai le sang.

 

Le régime dont Moïse était médiateur n’est pas toute la loi de Dieu.

Dès le tout début, il y a loi : cultives, manges de tout, pas du 2e arbre, sinon tu mourras. Ensuite il y a l’élection d’Abram et la promesse, qui pointent vers le Fils éternel. Mais, déjà, la loi de Dieu est vérité (Ps 119 v 142), enseignement, lampe, pluie (Es 55), pain (Dt 8 v 3) et miel (Ps 19 v 10-11). Elle est aussi feu et marteau (Jér 23 v 29) car, en plus de son ministère de révélation, elle a un autre but : 430 ans après la promesse, dans le cadre temporaire du « régime dont Moïse est médiateur » (Gal 3 v 19), la loi sert de révélateur du péché (Rm 7 v 13), avec aussi un ministère de condamnation (Dt 27), qui tue (2 Co 3 v 6-7). Ce régime était nécessaire pour une raison pragmatique : l’homme que Dieu appelait n’était pas dans une innocence neutre quant à Dieu, il était englué entre bien et mal, conditionné au mal tout en se pensant bon.

Le reste de l’AT, qui reprend les trois genres de textes et la condamnation, est aussi appelé loi (1 Co 14 v 21) : il s’est écrit dans le cadre de l’alliance avec Abraham. Il sert ce cadre et, sans relâche, annonce le Messie qui réalisera la « loi révélation » (tous me connaîtront), et la « loi morale » (je ferai qu’ils suivent mes prescriptions), et surtout accomplira la « loi d’accès » par son sacrifice.

 

 

Je suis venu pour accomplir la loi.

Ne pensez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes, je suis venu, non pour abolir mais pour accomplir (Mt 5 v 17). De quelle loi Jésus parle-t-il ? De toute la volonté de Dieu. Il l’accomplit d’abord en y obéissant comme nul ne l’a fait (moi je fais toujours ce qui lui est agréable, Jn 8 v 29). Ensuite il l’accomplit en étant le sacrifice parfait qui donne sa vie en rançon pour beaucoup (Mc 10 v 45). Enfin, étant celui qui justifiera le pécheur, Jésus affirme être celui en qui la loi a son sens ultime (il a été dit tel commandement, mais moi je vous dis, Mt 5). Elle ne pourra donc plus être lue avec Christ comme elle l’a été sans lui : quand ils lisent l’Ancien Testament, un voile demeure sur leurs cœurs ; il ne disparaît qu’en Christ (2 Co 3 v 14). Si Jésus est né sous la loi, ce n’est pas pour lui-même mais pour racheter ceux qui étaient sous la loi (Gal 4 v 4-5). Il a obéi aux dispositions de la loi (circoncision, offrandes, etc) afin de leur en appliquer la vraie portée : conversion, adoration, etc. C’est la grâce venue par Jésus Christ.

 

Jusqu’à ce que tout soit réalisé.

Pas un iota de la loi ne passera, jusqu’à ce que tout soit arrivé (Mt 5 v 18). Ce que l’AT contient doit arriver. Ce mot arrivé (ou réalisé) précise ce que Jésus entend par accomplir : il va faire arriver ce que la loi dit. La partie du Pentateuque qui est « régime confié à Moïse » a atteint son but depuis qu’elle est accomplie par Jésus, principalement les lois concernant l’expiation : on ne se souviendra plus de l’arche de l’alliance de l’Éternel, et on n’en fera pas d’autre (Jér 3 v 16). Son couvercle, le propitiatoire, recevait le sang (Lv 16 v 14 à 16) ; en disant : nouvelle alliance en mon sang, Jésus déclare ancienne la précédente. D’autres lois, réalisées en Jésus, n’ont pas fini de s’accomplir en nous, principalement : tu aimeras l’Éternel ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force (Dt 6), loi que Jésus cite comme commandement permanent (Mt 22, Mc 12, Lc 10).

Pourquoi, selon Jésus, les aspects de la loi qui se sont réalisés passent-ils ? Parce qu’ils ont atteint leur but. Le régime mosaïque n’avait pas pour but de justifier l’homme (Act 13 v 39). Un de ses buts était de dire la gravité du péché et de condamner, un autre était de conduire l’homme au Messie qui le justifiera par grâce (Gal 3 v 24) en étant condamné à sa place. Moïse avait prédit que ce régime n’amènerait pas à la perfection (Dt 31 v 29), c’est dans ce sens que le NT répète : nul ne sera justifié par des œuvres de loi (Gal 2 v 16). Pourquoi d’autres aspects de la loi – sainte, juste et bonne – ne passent-ils pas ? Parce que leur but demeure : révéler Dieu, éduquer selon lui, exiger la pureté.

 

Quelle loi est désactivée, quelle loi est transfigurée ?

En disant qu’un aliment ne souille pas (Mc 7 v 18-19), que c’est son sang qui fait alliance (14 v 24), Jésus met fin au « régime confié à Moïse ». Sur cette base, les apôtres emploient les mots ombre, esquisse, loi désactivée (Eph 2 v 15 litt.), etc. Par ailleurs, ils se réfèrent à la loi non seulement comme éduquant la pensée (1 Co 9 v 9) mais comme devant être obéie (1 Jn 3 v 4). Comment s’y retrouver ? À quels aspects de la loi pense Paul en disant que par la croix Christ a rendu inactive la loi ?

La « loi d’accès » propre au régime mosaïque, est accomplie par le sacrifice de Christ, donc entièrement désactivée. On n’est plus justifié, accepté près de Dieu par l’offrande d’animaux ni par l’observance des règles de pureté rituelle (Mc 7 v 15, Col 2 v 16) mais par le sang de Jésus. Résultat béni, le NT y insiste, la croix de Jésus a désactivé le ministère de condamnation de cette « loi d’accès » : il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Christ Jésus (Rm 8 v 1).

La « loi morale » demeure active, car ce qui plait à Dieu fait loi. Mais est désactivé son ministère de condamnation sur ceux qui l’avaient transgressée : par sa croix, Jésus a effacé le document accusateur que la loi retournait contre nous (Col 2 v 14 TOB). Uniquement pour ceux qui sont en Christ le pouvoir de malédiction de cette loi est annulé (Gal 3 v 13). La « loi morale » continue d’éclairer, et se réalise en nous par l’Esprit de Dieu et de Jésus, comme promis (Ez 36 v 27) : il n’était pas prévu que nous soyons conformes à la volonté de Dieu sans son Fils.

La « loi révélation » n’est en aucun cas désactivée. Car son but, produire en nous la connaissance de Dieu, n’est pas supprimé mais amplifié. Toutefois, elle aussi est transfigurée par la grâce venue en Jésus. Elle continue à nous dire qui est Dieu mais le fait conjointement avec ce que Jésus en a manifesté : celui qui m’a vu a vu le Père. Jésus nous a fait connaître le nom du Père et nous le fera connaître (Jn 17 v 26). Ce n’est pas que la loi a changé, c’est que notre rapport à elle passe par Christ.

 

Je ne suis pas moi-même sans la loi de Dieu, mais sous la loi de Christ.

Ces mots (1 Co 9 v 21) sont de Paul qui a aussi écrit : vous n’êtes pas sous la loi (Rm 6 v 14). Il dit être sous la « loi révélation » et la « loi morale » inscrites en nous par l’Esprit de Christ ; et il dit ne plus être sous le pouvoir de condamnation de la « loi d’accès » ni de la « loi morale ». Pourquoi lui faut-il encore « la loi de Dieu » ? Tout le NT montre que les saints ne peuvent se fier à leur cœur uniquement, mais ont besoin d’entendre la parole de Dieu qui leur enseigne – et commande – ses volontés. C’est la loi de Christ, elle est celle de Dieu, pas une autre (Jn 8 v 26 à 28). Retenons-le, quand Paul écrit qu’il n’est pas sous la loi (pas sous les premières règles d’accès à Dieu ni sous la condamnation), il précise bien qu’il n’est pas sans loi (pas sans commandements de Dieu et de Christ). Être abreuvé à Christ, ne dispense pas de rester prudemment soumis à la parole de Dieu.

 

C’est dans la grâce de Dieu qu’on obéit le mieux à Dieu !

De Gn 2 (tu n’en mangeras pas) à Ap 22 (dehors ceux qui mentent) en passant par Jn 14 (j’agis comme le Père me l’a commandé), obéir à Dieu est précieux. Et c’est dans sa grâce qu’on croit Dieu et qu’on l’aime le mieux. Il avait promis : j’écrirai ma loi sur vos cœurs (Jér 31 v 33), et je ferai que vous suiviez mes prescriptions (Ez 36 v 27). Sa loi sur nos cœurs signifie que nous la valorisons, et non qu’elle provient de nous ; elle vient de Dieu (être sous la loi de Christ ce n’est pas être sous nous-mêmes).

Ce que le Dieu de grâce avait promis, il l’a réalisé en envoyant son Fils (Rm 8 v 3) pour que la justice prescrite par la loi soit accomplie en nous, qui marchons non selon la chair mais selon l’Esprit (v 4). Nous qui, libérés de la condamnation, suivons non pas nos tendances mais Dieu. Là, l’amour de Dieu consiste à garder ses commandements, là ils ne sont pas pénibles (1 Jn 5 v 3), là il y a conviction et bonheur à faire ce que dit la loi parfaite qui donne la liberté (Jcq 1 v 25). Libérés du péché et esclaves de Dieu, vous avez pour fruit la sanctification et pour fin la vie éternelle (Rm 6 v 22).

 

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voir aussi :  KÉRYGME : JÉSUS A-T-IL DIT QUOI PRÊCHER ?