Cette épître de Jean n’est pas adressée spécialement à des nouveaux convertis. Pourtant elle ne cesse de formuler des choses élémentaires, en impliquant que ce sont les plus importantes. Pour aujourd’hui aussi, elle pose le fondement, un repère, et un critère.
le fondement
LE FILS DE DIEU S’EST INCARNÉ
Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu…
(1 Jean 1:1) … ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, et que nos mains ont touché, concernant la parole de la vie… Au sens fort, ‘nous’ désigne Jean et les onze autres apôtres de Jésus, témoins choisis d’avance par Dieu (Actes 10:41). Le commencement mentionné n’est donc pas celui de la création (Genèse 1:1), commencement que les apôtres n’ont pas vu. Il n’est pas l’éternité pré-création (Jean 1:1), qu’ils ont encore moins vue. Ici, le commencement c’est celui qui fonde la communion à Dieu, c’est la personne et le ministère de Jésus incarné.
À des croyants récemment sortis du paganisme, Paul avait écrit : je n’ai pas jugé bon de savoir autre chose parmi vous, sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié (1 Corinthiens 2:2), seul fondement (1 Corinthiens 3:11). Des décennies plus tard, à des disciples enracinés, Jean rappelle le même focus : la parole de la vie, si centrale dans tout l’AT (cf. Ps 119), a été faite chair en Jésus, Fils unique venu du Père (Jean 1:14).
Et la vie a été manifestée, nous l’avons vue…
(1 Jean 1:2) … et nous vous annonçons la vie éternelle qui était auprès du Père, et qui nous a été manifestée. L’incarnation de Jésus a rendu manifeste deux choses. D’une part, le fait que la vie éternelle n’est pas un concept humain, mais elle est du Père. D’autre part, le fait que les humains ne peuvent la voir qu’en son Fils (1 Jean 5:11 cp. Actes 4:12). Le focus donné par Jean aux lecteurs, c’est bien Jésus incarné. Ce n’est ni une gnose, ni une initiation mystique. C’est l’Évangile, les œuvres et les paroles de Jésus.
Christ ou les idoles, l’Évangile ou les paganismes ?
Les premiers mots de cette épître sont : ce qui était dès le commencement. Ils veulent nous conforter dans l’Évangile tel que transmis par les douze. Les derniers mots de l’épître sont : petits enfants, gardez-vous des idoles (1 Jean 5:21). Ils veulent nous préserver des choses qui aspirent vers elles la confiance de cœur et l’espérance dues à Dieu.
Les idoles, parce que proposées par le diable, ont une orientation ‘antichrist’ (1 Jean 2:18). Notre époque l’exprime par sa croissante volonté de retour aux paganismes. Sous couvert de respect des cultures anciennes, on veut écarter le Christ des Évangiles, l’idée d’un sauveur, l’idée de péché.
Une question sous-tend l’épître de Jean : ces paganismes influencent-t-ils l’Église ? Oui. L’idéal d’un ‘amour universel’, d’une convergence entre Évangile et spiritualités ésotériques, séduit diverses églises y compris évangéliques.
L’Évangile mène à la communion avec le Père et avec son Fils Jésus Christ.
(1 Jean 1:3) Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons à vous aussi… Ici, ce n’est pas écrit pour des non croyants, mais pour fortifier des disciples. … afin que vous aussi ayez communion avec nous. Ce verset établit que la communion fraternelle résulte, non d’affinités humaines, mais d’un échange fraternel de choses entendues et vues en Christ. Elle résulte – comme la foi – de la parole du Christ (Romains 10:17). Elle résulte donc d’une communion première, celle avec le Père et avec son Fils Jésus Christ. Rappel salutaire : dans la Bible, cette communion est participation accordée par Dieu, pas fusion.
Parlant de communion, pourquoi Jean n’ajoute-t-il pas : et avec le Saint Esprit ? Parce que l’Esprit Saint veut glorifier Dieu et Christ. Pas nous mener « plus loin » que Christ, pas faire de nous de « petits christ », pas nous faire « dépasser la croix ». De même que le trône est celui de Dieu et de l’Agneau (par ex. Apocalypse 5:13), et que personne dans la Bible ne loue ni ne prie l’Esprit Saint, de même notre communion est avec Dieu et Christ par leur Esprit (c’est le sens des mots en 2 Corinthiens 13:13).
un repère
QUAND LE PÉCHÉ EST NIÉ, CE N’EST PLUS L’ÉVANGILE
Voici le message … Dieu est lumière et il n’y a pas en lui de ténèbres, aucune.
(1 Jean 1:5) Message entendu de Jésus, pas d’un philosophe. Message fondamental. Il donne aux lecteurs un repère simple, alternativement négatif et positif dans les v 6 à 10. Si nous disons : nous avons communion avec lui, et que nous marchions dans les ténèbres, nous mentons et nous ne pratiquons pas la vérité (1 Jean 1:6). Quel rapport avec les v 1 à 4 ? C’est que Jésus incarné insistait sur les effets du péché (Jean 8:24). Jean écrit donc, à des chrétiens, qu’une ‘communion’ qui n’est qu’une relation intime mais pas une marche dans la lumière, est mensonge. Et comportements faux.
Jean écrit aussi que d’autres ne mentent pas : si nous marchons dans la lumière, comme il est lui-même dans la lumière, nous sommes en communion les uns avec les autres… (1 Jean 1:7). Ici ‘dans la lumière’ ne signifie pas ‘sans rien cacher’ mais ‘sous la conduite de Dieu’. C’est synonyme de craindre Dieu, marcher par l’Esprit, etc. Seul lieu de vraie communion fraternelle.
… et le sang de Jésus son Fils nous purifie de tout péché. Ce verset signale le péché de ceux qui marchent dans la lumière. Contradiction ? Non. Éclairage sur la grâce de Dieu : il sait que dans notre vécu ici-bas nous péchons encore. Et, il l’atteste, nous avons été réconciliés avec lui par le sang de Jésus incarné, et nous le restons par le même sang !
Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous.
(1 Jean 1:8) De Jean à aujourd’hui, par quels biais nions-nous le péché ? Biais païens : une doctrine où Dieu serait créateur du spirituel mais pas du physique, ce qui autorise à faire n’importe quoi avec le corps (ex. docétisme). Ou l’idée que le péché – au sens biblique – n’existerait pas, mais seulement l’erreur, ou la culpabilité humaine (ex. new âge). Biais ‘chrétiens’ : une prétention à être si proches de Dieu que le péché ne nous atteindrait plus. Ou une ‘malfaçon’ d’origine : avoir été évangélisés d’une manière qui minimise le péché.
En six versets, Jean emploie huit fois le mot péché au sujet de chrétiens. Peu d’entre nous prétendent ne plus pécher du tout. Mais beaucoup concluent à la légère que l’effacement des fautes passées impliquerait que le péché présent n’est plus un enjeu. C’est justement ce que l’épître nous interdit de penser. Certes, quand le péché est la préoccupation première il est nourri, à l’inverse il s’anémie quand Jésus est premier. Mais, selon Jean, ça ne marche que si nous confessons nos péchés présents comme contraires à la vérité de Jésus.
D’où : si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute injustice (1 Jean 1:9). Jusqu’au dernier jour, pratiquer cette confession à Dieu (parfois aux frères, Jacques 5:16), nous est un repère de vérité. Envers qui Dieu est-il fidèle et juste en nous pardonnant ? Envers son Fils auquel il a commandé de donner sa vie sur la croix (Jean 10:18).
Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous le faisons menteur, et sa parole n’est pas en nous.
(1 Jean 1:10). Jean insiste encore. Pour lui, légèreté n’est pas sagesse. Il doit alerter : nous mentons (v 6), nous nous séduisons nous-mêmes (v 8), nous faisons Dieu menteur (v 10), comme s’il y avait en lui des ténèbres. D’où : nous ne pratiquons pas la vérité (v 6), la vérité n’est pas en nous (v 8), sa parole n’est pas en nous (v 10). Jean dénonce, pour ainsi dire, un sur-péché consistant à nier nos péchés. Faire Dieu menteur, être privés de sa parole, n’est-ce pas antinomique à l’état de chrétiens ? Effrayant.
Pour les cœurs droits, Jean redit encore combien Dieu sait : je vous écris ceci afin que vous ne péchiez pas (1 Jean 2:1). Ça dit l’axe normatif. Et si quelqu’un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus Christ le juste. Il est lui-même expiation-propitiation pour nos péchés … (1 Jean 2:1-2). Ça dit la grâce en Jésus crucifié, ressuscité, élevé auprès du Père. Dieu ne veut pas que nous péchions mais il prévoit que cela nous arrivera. Il donne ces versets pour que nul ne se condamne plus que Dieu ne le fait (1 Jean 3:20).
un critère
ON SAIT QU’ON CONNAÎT JÉSUS QUAND ON LUI OBÉIT
À ceci nous reconnaissons que nous l’avons connu, si nous gardons ses commandements.
(1 Jean 2:3) Voilà un critère, positif, à ne pas dédaigner. Dieu fait écrire à Jean, dans le NT, que nous sommes sûrs de le connaître seulement quand nous lui obéissons. Celui qui dit : je l’ai connu, et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur, et la vérité n’est pas en lui (1 Jean 2:4). C’est le même critère, en négatif, pour sérieusement alerter ceux qui s’imaginent que connaître Dieu les met au-dessus de sa loi. Mais celui qui garde sa parole, l’amour de Dieu est vraiment accompli en lui (1 Jean 2:5). Le critère, positif à nouveau, nous mène à recentrer sur sa parole notre compréhension de ce qu’est l’amour !
À ceci nous reconnaissons que nous sommes en lui : celui qui déclare demeurer en lui, doit marcher aussi comme lui a marché (1 Jean 2:5-6). Le même critère, maintenant directif, permet de juger si notre assurance (être unis par Dieu à son Fils) est valide ou non. Elle ne l’est que si nous marchons comme lui sur terre. Hélas pas avec zéro péché, mais à sa suite en obéissant à Dieu. Ces versets 3 à 6 répètent un critère divin, simple, qui tour à tour nous affermit, nous avertit, nous fonde, nous presse. (voir aussi : JÉSUS COMMANDE PARCE QU’IL AIME)
Le commandement ancien est un commandement nouveau.
Bien aimés, ce n’est pas un commandement nouveau que je vous écris, mais un commandement ancien, que vous avez eu dès le commencement ; ce commandement ancien c’est la parole que vous avez entendue (1 Jean 2:7). Autrement dit, le nouveau n’est pas autre chose que l’Évangile où Jésus incarné a cité toutes les parties de la Bible. (voir aussi : GRÂCE ET LOI)
Pourtant, c’est un commandement nouveau que je vous écris ; ce qui est vrai pour lui et pour vous, car les ténèbres passent et la véritable lumière brille déjà (1 Jean 2:8). La nouveauté c’est que les Écritures par lesquelles Dieu a d’abord exposé le péché, servent maintenant à nous faire entrer dans la vie éternelle, car elles sont lues et vécues avec Jésus ! Pour bien établir ça, Jean reprend le langage du critère :
Celui qui prétend être dans la lumière tout en haïssant son frère, est encore dans les ténèbres.
(1 Jean 2:9) Depuis quand ‘haïr son frère’ est un critère de ‘ténèbres’ ? Depuis Lévitique 19 :17-18. « Tu aimeras ton prochain (ton frère Israélite) comme toi-même » implique : pas de haine, pas de vengeance, pas de rancune. Et implique aussi : tu auras soin de le reprendre, mais sans pécher toi-même. Revoici le lien entre amour et obéissance à la parole de Dieu.
Celui qui aime son frère demeure dans la lumière, et ne risque pas de tomber (ou : de faire tomber) (1 Jean 2 :10). Un critère de lumière et de sécurité, c’est tout simplement ‘aimer son frère’ pour lequel Christ est mort. Mais celui qui a de la haine pour son frère est dans les ténèbres … il ne sait où il va … ses yeux sont aveugles (1 Jean 2:11). Le même critère, en négatif, est pour ceux qui sont trop sûrs d’eux-mêmes : s’ils haïssent, ils s’égarent (cp. 1 Jean 3:15).
Conclusion.
Foi en Jésus incarné, péchés présents confessés, commandements suivis. Par les trois, le début de 1 Jean nous maintient dans à la vérité et nous avertit contre l’illusion.
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