Si, après la rupture, Dieu dit qu’il ne bénit qu’en lien avec son alliance, si sa bénédiction c’est précisément son salut accordé en Christ, que peut signifier pour nous la consigne : bénissez ? L’Écriture emploie le verbe bénir à trois niveaux de sens. Le sens fort : Dieu bénit c’est à dire donne la vraie vie. Le sens retour : un adorateur bénit Dieu c’est à dire fléchit le genou. Et le sens relatif : un disciple bénit des hommes c’est à dire leur montre une bienveillance ‘de Dieu’.
(cet article fait suite à : POUR DIEU, QUE SIGNIFIE ‘BÉNIR’ ?)
Comment le NT parle-t-il des disciples bénissant autrui ?
Sans doute pour nous focaliser sur l’aspect éternel de la bénédiction de Dieu, le NT ne relie jamais ce mot aux avantages physiques ou matériels. En effet, la chair et le sang ne peuvent héritier le royaume de Dieu (1 Co 15 v 50). Mais le fait que les disciples bénissent est parfois lié à des bienfaits matériels.
Que les disciples de Christ doivent bénir des gens, le NT en parle cinq fois. Toujours au sens relatif de bienveillance, pas au sens fort d’accorder le salut. Et, surprise, toujours au profit de gens malveillants. Jésus le premier dit : bénissez ceux qui vous maudissent (Lc 6 v 28). Il le redit en Mt 5 v 44 (sauf certains manuscrits). Paul écrit : bénissez ceux qui vous persécutent (Rm 12 v 14). Et dit : insultés, nous bénissons (1 Co 4 v 12). Pierre écrit : ne rendez point mal pour mal, bénissez au contraire (1 Pi 3 v 9). Il y a aussi une mention indirecte : la bouche qui bénit le Seigneur ne doit pas maudire des hommes (Jcq 3 v 10). Être ainsi envers les gens, peut incliner leur cœur vers Dieu.
Je dis à vous qui écoutez : aimez, faites du bien, bénissez, priez.
Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous maltraitent (Lc 6 v 27-28). C’est dans cette phrase de Jésus qu’apparaît, au sens relatif, la consigne : bénissez. Plutôt que quatre étapes distinctes, elle prescrit un tout : une bienveillance dans laquelle on agit en aimant et on bénit en priant. Dans cette unité le verbe bénir prend le sens de la phrase entière : démarquez-vous du mal par une bienveillance référée à Dieu. Et vous serez fils du Très Haut (v 35). Puisque « aimer – faire du bien – bénir – prier » est fruit de l’Esprit de Dieu, ça témoigne de Dieu.
Cette bienveillance est prescrite au profit de gens hostiles. Mais d’abord, Jésus rappelle un commandement de base pour le peuple de Dieu : tu aimeras ton prochain (Mt 5 v 43, en Lév 19 v 17-18 c’est ton frère Israélite). « Aimer – faire du bien – bénir – prier » reste une chose normale envers des frères. Ensuite, Jésus contraste : moi je vous dis : aimez vos ennemis (note : ceux qui vous maudissent, peuvent être des Israélites souhaitant votre condamnation par Dieu). Finalement, Jésus élargit la prescription en disant : pas seulement vos frères (Mt 5 v 47). Il caractérise son Évangile : la grâce est venue pour quiconque (quand Paul dira : bénissez ceux qui vous persécutent, ça inclut des païens qui veulent votre disparition). C’est donc une bienveillance envers quiconque, hostile, neutre, ouvert.
Faire du bien aux gens et faire le bien.
Quand on fait du bien aux gens ça les aide dans leur propre vie ; quand on fait « le bien » ça les réfère à Dieu. Faire du bien est gratuit envers eux, sans condition de retour (par exemple qu’ils viennent à l’église). Faire « le bien » est gratuit aussi mais est d’abord envers Dieu. C’est lui qui donnera suite : là même où ils vous calomnient, qu’ils voient vos œuvres bonnes et glorifient Dieu au jour de sa visite (1 Pi 1 v 12). Y a-t-il vraiment une différence entre faire du bien et faire le bien ? Oui, car il est dit du Seigneur Jésus : il allait de lieu en lieu faisant le bien et guérissant tous les tyrannisés par le diable (Act 10 v 38). Ce verset décrit non un homme dévoué à l’entraide, mais le fils de l’homme que Dieu a envoyé pour vous bénir en détournant chacun de vous de ses iniquités (Act 3 v 26). Si le bien qu’on fait à des gens ne favorise aucunement leur sortie du péché, dans le NT ce n’est pas bénir.
En disant ce qu’est ‘bénir autrui’ le NT montre aussi ce que ça n’est pas.
L’Éternel est juste ; dans l’AT il relie bénédiction et obéissance aux commandements. Il bénit soit souverainement (Gn 12 v 2) soit pour récompenser ceux qui le craignent (Ps 112 v 1-2), mais pas ceux qui font le mal (Prov 3 v 33). Dans le NT il demeure juste ; mais l’obéissance qui fait critère c’est d’abord croire en Christ ! Quand donc nous pratiquons envers des gens « aimer – faire du bien – bénir – prier », cela a une vertu : les aider à croire. À ce stade c’est nous qui bénissons. La bénédiction de Dieu, au sens fort, viendra sur eux quand ils auront cru. Confondre les deux bénédictions, parler à des non croyants comme s’ils étaient croyants, n’apporte que fausses conversions.
Il est donc utile de savoir ce que bénir n’est pas. Dans la Bible, ce n’est pas déclarer les hommes bons (voir § suivant). Selon le NT bénir des incroyants ne met pas sur eux le nom de l’Éternel (ce n’est possible que dans son alliance). Ça ne leur donne pas la paix avec Dieu (elle ne vient que par la foi au sang de Christ). Ça ne désigne pas la solidarité simplement humaine. Ni l’affirmation que les gens ont de la valeur. Ni les vœux humains de succès, paix, chance, bonnes ondes, etc. Car bénir n’est pas d’abord lié à dire mais à Dieu.
(si une spiritualité ésotérique détourne le mot ‘bénir’ nous n’avons rien de commun avec cela)
Bénir des pécheurs ne consiste pas à les déclarer bons.
Bénissez ceux qui vous persécutent, bénissez et ne maudissez pas (Rm 12 v 14). Quand la loi maudit celui qui frappe son prochain, ça relève de Dieu. Notre part est « aimer – faire du bien – bénir – prier ». Ça ne consiste pas à nier le mal ou prétendre qu’il n’est qu’apparence. Ni à croire l’homme innocent et bon. Bénir des malfaisants n’est pas leur trouver des circonstances atténuantes. Encore moins déclarer sur eux l’approbation de Dieu. Si Paul écrit : ne rendez à personne mal pour mal (v 17), c’est que celui-ci doit être identifié. En effet, c’est au sujet du mal que Dieu dit : laissez agir la colère, à moi la vengeance, c’est moi qui rétribuerai (v 19). À nous, il prescrit des actes priants et bons : si ton ennemi a faim donne-lui à manger, s’il a soif donne-lui à boire (v 20). Et : surmonte le mal par le bien (v 21).
Appelés à bénir.
Suite à Jésus, quand Pierre dit de bénir des gens c’est d’abord avec l’idée d’un témoignage qui prenne le contrepied des réactions naturelles : ne rendez point mal pour mal ou injure pour injure ; bénissez au contraire (1 Pi 3 v 9). Ce contrepied peut ramener vers Dieu des frères (v 8) qui pèchent, et démontrer à des adversaires combien Dieu est différent d’eux. C’est comme leur dire : nous vous rendons le bien pour le mal parce que la réalité qui nous intéresse est d’hériter la bénédiction, la vie éternelle en Christ. Bénissez au contraire, car c’est à cela que vous avez été appelés afin d’hériter la bénédiction (id).
Bénir autrui afin d’hériter nous-mêmes, est-ce contraire à donner gratuitement ? Non, car ici Pierre répercute les paroles de Jésus : bénissez ceux qui vous maudissent … alors vous serez fils de votre Père dans les cieux. Ce but céleste, Dieu nous appelle à le souligner par notre bienveillance : bénissez car c’est à cela que vous avez été appelés (id). Dieu nous a appelés à la communion de son Fils, appel central qui en inclut plusieurs : nous repentir, croire, être saints, œuvrer pour l’Évangile. Bénir les opposants est inclus dans l’ensemble.
« Aimer, faire du bien, bénir, prier » sera illusoire si le kérygme n’est pas prêché.
(kérygme : prédication originelle des douze) C’est une erreur de penser que bénir gratuitement serait faire du bien aux gens sans leur dire l’Évangile du crucifié. Immédiatement ou un peu plus tard il faut le dire, car notre mission c’est de prêcher Christ et faire des disciples. « Aimer – faire du bien – bénir – prier » n’est pas un mandat mais un comportement digne de notre appel ; prêcher est un don de l’Esprit, aimer est un fruit de l’Esprit. Si on pense que ‘bénir’ est plus actuel et spirituel que prêcher la croix, on parlera de Dieu aux gens mais ce ne seront pas des paroles par lesquelles ils seront sauvés (Act 11 v 14) !
C’est bien vers le salut que pointent les quatre textes du NT où Jésus bénit : dans le prolongement de l’ancienne alliance il bénit des enfants en Israël (Mc 10 v 16), dans le cadre de la nouvelle il bénit ses disciples (Lc 24 v 50), il bénit en détournant des hommes de leurs iniquités (Act 3 v 26), il bénit le service de l’Évangile (Rm 15 v 28-29).
En résumé.
Seule la bénédiction de Dieu (sens fort) est source de vie, notre bénédiction (sens relatif) est prière bienveillante. Le Seigneur Jésus condense : aimez – faites du bien – bénissez – priez. Cette bienveillance parmi les hommes est pour certains odeur de vie car ils y perçoivent un appel de Dieu, pour d’autres odeur de mort car ils repoussent cet appel (2 Co 2 v 16). Fruit de l’Esprit Saint, notre comportement bénissant a le pouvoir de sensibiliser des hommes à l’Évangile, mais pas le pouvoir de leur donner la paix avec Dieu. Celle-ci leur viendra de Dieu, quand ils auront foi en Jésus crucifié pour leurs offenses et ressuscité pour leur justification. Si donc une bonne action ou parole ne vise pas à témoigner de Christ, et que nous l’appelons bénir, c’est un abus de langage. Mais voici ce qui importe : redoublons de bienveillance pour aider autrui à croire en Jésus et à recevoir la vie en son nom.
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