L’idée de vérité n’est pas la même dans la Bible que dans notre siècle. Bien sûr, pour l’AT et le NT le mot vérité désigne par moments la vérité des faits (Gn 20 v 12, Mc 5 v 33), éventuellement après enquête (Dt 13 v 15). Ce respect de la vérité factuelle honore Dieu (le mensonge sur les faits vient du diable, Gn 3 v 4). Parfois, le mot vérité concerne l’intégrité du cœur (Ps 15 v 2, 2 Co 7 v 14). Une fois ou deux, le mot vérité pourrait avoir le sens qu’il a en philosophie (Prov 23 v 23, Jn 18 v 38). Mais, presque toujours, le mot biblique vérité désigne autre chose.

Cet article est le premier d’une série de cinq.  Voir aussi :  L’amour de la véritéNous sommes de la vérité,   Obéir à la véritéNe mentez pas contre la vérité.

 

SENS BIBLIQUE DU MOT VÉRITÉ

 

Il faut noter que la Bible n’emploie le mot vérité qu’au singulier, jamais au pluriel. Elle enseigne que la vérité est unique, et non variable. Pourquoi ? Parce que la Bible réfère la vérité à la personne unique de Dieu. Pour cette même raison, la Bible n’emploie jamais l’expression « une vérité » mais seulement « la vérité », pour en souligner le poids.

Dans le texte biblique, le mot vérité désigne d’abord la fidélité de Dieu : béni soit l’Éternel le Dieu de mon seigneur Abraham, qui n’a cessé d’exercer sa grâce et sa vérité (litt.) envers mon seigneur (Gn 24 v 27). L’AT multiplie cette expression et le NT s’y réfère. Car ce qui est vrai c’est avant tout que Dieu est là. En hébreu le mot vérité (emèt) désigne la solidité éprouvée, la fiabilité ; il est de la même famille que le mot fidèle. Dieu se révèle d’abord par ce qu’il fait (voir Genèse ou les Évangiles). Un peu comme des parents : la première chose qu’un nourrisson perçoit d’eux c’est leur fiabilité : ils sont toujours là. Ainsi, Dieu se présente comme digne de confiance : l’Éternel, l’Éternel, Dieu compatissant et faisant grâce, lent à la colère, et grand en bonté et en vérité (Exd 34 v 6).

Ensuite, le mot vérité qualifie la loi de Dieu en tant que fiable, digne d’être crue : le principe de ta parole est vérité, et toute ordonnance de ta justice est pour toujours (Ps 119 v 160). En hébreu le mot vérité est de la même famille que le verbe croire. Le NT prolonge ce même sens : ta parole est la vérité. La vérité vient dans l’enseignement du Christ, la doctrine de ses apôtres : que la vérité de l’Évangile soit maintenue parmi vous (Gal 2 v 5). Ceci est un point majeur : selon Dieu, sa vérité est aussi dans la fiabilité de l’Écriture. Nulle part la Bible ne suggère une vérité inconnaissable, dont chacun proposerait sa définition personnelle mais provisoire.

Au-dessus et à l’origine de tout, le mot biblique vérité désigne Dieu lui-même : l’Éternel Dieu est vérité, lui est le Dieu vivant et le Roi éternel (Jér 10 v 10). Cela est comme concentré dans le nom qu’il se donne : je suis (Exd 3 v 14). Dans le NT Jésus affirme ce même sens : toi le seul vrai Dieu (Jn 17 v 3). La vérité c’est la personne même de Dieu, révélée par ses œuvres de délivrance (Lc 10 v 21), par sa parole, par son Fils unique. La parole a été faite chair, et a habité parmi nous pleine de grâce et de vérité, et nous avons contemplé sa gloire comme d’un fils unique d’auprès du Père (Jn 1 v 14). Du mot grec signifiant vérité (alètheia : non caché), le NT fait un usage conforme à celui de l’hébreu emèt.

 

 

QUE DIT JÉSUS POUR CONDUIRE À LA VÉRITÉ ?

 

Par une dizaine de mentions dans l’Évangile de Jean, Jésus présente la vérité. Dix fois, il en atteste l’importance ! Car, au-delà de comprendre ce qui concerne Dieu, l’enjeu est de l’aimer et le rencontrer.

 

Pratiquer la vérité.

La première fois où Jésus parle de vérité, il en désigne comme contraire le mal et non l’erreur : Quiconque fait le mal a de la haine pour la lumière (Jn 3 v 20), mais celui qui pratique la vérité vient à la lumière (v 21). Jésus emploie le mot vérité en référence à Dieu et à sa parole, comme le faisait l’AT. Il ne commence donc pas par une réflexion théorique. Il commence par mettre ses auditeurs face à leur conscience, face à ce qui en eux n’aime pas la vérité et la lumière de Dieu. Dans la Bible, la vérité de Dieu ne peut s’approcher par la seule réflexion, il faut s’impliquer moralement, il faut un comportement qui s’éloigne du mal.

 

Adorer Dieu en esprit et en vérité.

Par son deuxième emploi du mot, Jésus poursuit : l’heure vient et c’est maintenant, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité (Jn 4 v 23), Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l’adorent l’adorent en esprit et en vérité (v 24). Pour conduire à la vérité, Jésus n’en affiche pas un concept intéressant, mais il adresse un appel : ce qui fera vivre les croyants, c’est d’adorer Dieu. C’est là qu’ils seront dans le vrai. En parlant ainsi Jésus se montre la porte des brebis (Jn 10 v 7), il nous oriente vers Dieu.

 

Jean Baptiste a rendu témoignage à la vérité.

Une troisième fois Jésus parle de vérité, pour dire que le ministère de Jean Baptiste a servi la vérité : vous avez envoyé des messagers vers Jean, et il a rendu témoignage à la vérité (Jn 5 v 33). C’est à dire à la parole de Dieu, à sa fidélité envers la promesse d’envoyer le Messie. C’est ce qu’a dit Jean Baptiste : je suis venu baptiser d’eau afin qu’il soit manifesté à Israël (Jn 1 v 31 à 34).

 

La vérité vous affranchira.

Le quatrième emploi du mot vérité par Jésus, est formidablement utile : vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira (Jn 8 v 32). De nouveau semble-t-il, Jésus ne définit pas ce qu’est la vérité ; il dit aux gens ce qu’elle fera pour eux ! Elle les rendra libres du péché. Or revient la question de conscience : certains objectent qu’ils n’ont jamais été esclaves (v 34), d’autres sont honnêtes. Voulant être vraiment disciples de Jésus, ils acceptent le rapport entre vérité et parole : si vous demeurez dans ma parole, vous connaitrez la vérité. Écouter Jésus et apprendre de lui, c’est être « dans la vérité » c’est à dire dans la volonté de Dieu pour nous.

 

La vérité que j’ai entendue de Dieu.

Cette cinquième mention du mot vérité est sublime. Ayant dit que c’est par sa parole qu’on connaît la vérité, Jésus précise d’où elle vient : je vous ai dit la vérité que j’ai entendue de Dieu (Jn 8 v 40). Admirable humilité, Jésus n’ambitionne pas d’être lui-même la source de vérité. Certes il révèle Dieu mais, contrairement au diable, il n’a pas l’orgueil de tout ramener à soi. Il aime que la vérité soit de Dieu et non de lui-même. En même temps, Jésus dit explicitement que la vérité s’entend : elle n’est pas insaisissable mais elle se reçoit dans les paroles du Dieu vivant et vrai (1 Th 1 v 9).

 

Le diable ne s’est pas tenu dans la vérité.

La sixième fois où Jésus parle de vérité, c’est pour souligner à quel point ses auditeurs sont sous l’influence du diable. Et pour dire en quoi consiste la rébellion de Satan : il ne s’est pas tenu dans la vérité, car il n’y a pas de vérité en lui (Jn 8 v 44). Il a refusé que Dieu soit seule référence pour tout, il a voulu être adoré à la place de Dieu. C’est ce qui l’a fait meurtrier et père du mensonge. Pour alerter ses auditeurs, Jésus montre que l’emprise du diable les mène à tout croire sauf la vérité : moi, parce que je dis la vérité, vous ne me croyez pas (Jn 8 v 45 et 46). Il y a là un avertissement pour tous.

 

Je suis la vérité.

Une septième mention de la vérité par Jésus est la plus célèbre : moi, je suis le chemin, et la vérité, et la vie ; nul ne vient au Père que par moi (Jn 14 v 6). Ayant bien précisé qu’il dépend du Père car il a entendu la vérité de lui, Jésus peut sans fausse humilité se présenter comme la vérité incarnée. Incarnée en homme réel, dont les actes et les paroles viennent du Dieu vivant et vrai. Par cette fidélité unique envers Dieu qui est vérité, Jésus est le seul chemin de vie fiable : il ouvre à des hommes séparés de Dieu un vrai accès à lui.

 

L’Esprit de vérité.

La huitième fois où Jésus emploie le mot, c’est dans le nom qu’il donne à l’Esprit Saint : l’Esprit de vérité, que le monde ne peut pas recevoir (Jn 14 v 17). Ce nom dit la nature de l’Esprit et son rôle. Il est vérité en ce qu’il est Esprit de Dieu et de Jésus, et en cela divin : l’Esprit de vérité qui procède du Père (Jn 15 v 26, 16 v 13). Il est aussi vérité en ce qu’il nous transmet ce qui est de Dieu et de Jésus : il nous fait expérimenter la communion avec Dieu, il nous rappelle les paroles de Jésus, il nous applique le bénéfice de l’expiation accomplie par Jésus. En tout cela, l’Esprit Saint est serviteur de vérité.

Salomon, grand penseur, avait relevé : par la bonté et par la vérité expiation est faite pour l’iniquité (Prov 16 v 6). Le NT atteste partout ce lien entre vérité et expiation : la parole de vérité c’est l’Évangile de votre salut (Eph 1 v 13) par la croix (v 7). Confesser Jésus Christ venu en chair (1 Jn 4 v 2) est le premier critère de vérité (v 6b).

 

Sanctifie-les par la vérité, ta parole est la vérité.

Le neuvième emploi du mot par Jésus, vise concrètement notre devenir et dit la nature de la vie chrétienne : sanctifie-les par la vérité ; ta parole est la vérité (Jn 17 v 17). Nous serons pris en main par le Dieu de vérité, par son être et sa sainteté, et Jésus précise que ce sera au moyen de sa parole. Ainsi nous serons « de la vérité ». Ce sera possible par l’œuvre de Christ : et moi je me sanctifie moi-même pour eux, afin qu’eux aussi soient sanctifiés par la vérité (v 19). Ici, notre Sauveur parle de nous placer sous l’effet de la vérité, par tout ce en quoi il a servi Dieu, particulièrement en lui donnant sa vie sur la croix.

 

Je suis venu pour rendre témoignage à la vérité.

Par sa dixième mention du mot vérité, Jésus en récapitule l’importance : voici pourquoi je suis né, et voici pourquoi je suis venu dans le monde : pour rendre témoignage à la vérité (Jn 18 v 37). Clairement, Jésus dit que le but de son incarnation était de mettre l’homme face à la vérité de Dieu. L’Évangile de Jésus sert la vérité ; l’homme impie veut décider de la vérité. En rajoutant : quiconque est de la vérité écoute ma voix (id), Christ indique un lien entre vérité et élection : la vérité de Dieu trouve un écho chez certains, et ceux-ci écoutent Jésus.

 

Le poids de ces dix mentions se retrouve dans l’expression si fréquente : en vérité je vous dis (expression doublée chez Jean). Exemple : en vérité je vous le dis : si vous ne vous convertissez et si vous ne devenez comme les petits enfant, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux (Mt 18 v 3), ou : en vérité, je te le dis : aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis (Lc 23 v 43). Tout ce que Jésus dit de la vérité, enseigne que pour être sauvé il faut aimer la vérité (2 Thess 2 v 10). Ce sera le sujet du prochain article.